La comparaison entre les résultats trimestriels de la France et ceux de l’Allemagne n’est pas simplement pour notre pays, elle est aussi révélatrice des risques qui pèsent sur notre pays de ne pas pouvoir profiter de la reprise qui s’annonce en Europe. Comment prendre les mesures nécessaires au redressement, quand la situation n’est pas assumée et expliquée par les politiques ?
Au quatrième trimestre 2014, le PIB a augmenté de 0. 1% en France et de 0.7% chez notre voisin d’outre Rhin. Sur l’année, les valeurs sont respectivement de 0.4% et de 1.6%. L’écart est encore plus important en PIB par habitant, du fait de démographies nettement différentes dans les deux pays.
Les raisons de cette différence de performance se sont bâties depuis 15 ans. Partie d’une situation nettement moins favorable que celle de notre pays, l’Allemagne a pris des mesures drastiques pour maîtriser ses coûts salariaux. Le premier résultat est que les coûts salariaux ont augmenté d’environ 15 % de plus en France que chez son voisin sur la période, ce qui a évidemment des conséquences commerciales quotidiennes. L’un des principaux résultats est que la part du capital dans la valeur ajoutée est devenue durablement défavorable pour les entreprises en France et au contraire très favorable en Allemagne (au point que c’est la consommation des ménages qui a été à la traine chez notre voisin, conduisant Alexandre Delaigue à l’accuser à juste titre de mercantilisme).
Cette réalité qui nous est défavorable se traduit en 2015 dans les chiffres comparés des investissements et du commerce extérieur.
En France, les exportations ont augmenté de 2.3% au quatrième trimestre et de 2.7 % sur un an. Les importations ont augmenté de 1.7% en T4 et de 3.8% sur l’année. Le commerce extérieur s’est donc détérioré sur l’année et coûte 0.4% à la croissance. Le dernier trimestre est au contraire favorable, sans doute grâce à la chute du baril, mais le commerce intra européen lié à la production d’Airbus fausse les résultats sur courte période.
En Allemagne, les exportations ont augmenté de 3.7 % sur un an et se montent à 1095.8 milliards d’euros (le PIB français est d’un peu plus de 2000 milliards, soit à peine deux fois plus. Les importations n’ayant augmenté que de 2.5% le solde commercial augmente de 11% à plus de 200 milliards (mais l’Allemagne à un déficit dans les services et le tourisme). Avec un gain de plus de 20 milliards, le commerce extérieur a donné environ 0.7 % à la croissance.
Autrement dit, l’écart de croissance sur l’année entre les deux pays s’explique à lui seul par le commerce extérieur !
La mauvaise santé des entreprises françaises se traduit par une baisse de l’investissement : la formation brute de capital fixe diminue de 1.6% après un recul de 0.8% en 2013.
En Allemagne, les investissements sont en hausse (apparemment les chiffres exacts ne sont pas encore publiés).
Résultat : en 2014, l’Allemagne a créé plus de 400 000 emplois !
On ne voit pas très bien ce qui changerait dans l’écart entre les deux pays en 2015 et même ensuite.
Les prévisionnistes sont en train d’ajuster à la hausse les prévisions économiques pour la zone euro. La reprise est favorisée par la chute du baril, la baisse de l’euro et la politique d’achat d’obligations lancée par la BCE. J’ai compris en lisant A Delaigue que les banques avaient aussi hésité à prêter dans la perspective des crashs tests mais cette épreuve étant passée, le crédit devrait repartir.
Mon expérience m’a amené à constater que les reprises(et les reculs) sont plus fortes que ce que présagent les prévisionnistes, soit par prudence, soit parce que leurs modèles intègrent mal les évolutions de capacité de réaction des acteurs économiques. Je suis donc prêt à parier sur une forte reprise en Europe. Je crains cependant que notre pays n’en profite qu’assez peu, contrairement à ce qui s’est passé à la fin des années 90, après des années de désinflation compétitive (et alors que c’est l’Allemagne qui a l’époque en a peu profité).
L’Espagne, qui avait vu ses coûts dériver plus que les nôtres a pris des mesures drastiques pour se redresser. Le coût social est énorme mais ce pays devrait, lui, profiter pleinement de la reprise. Dans une situation moins mauvaise, nous n’avons pas fait grand-chose, si bien que le problème reste pratiquement entier. Nous ne pouvons pourtant pas nous contenter d’attendre que les salaires allemands augmentent plus vite que les nôtres !
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