Les pays de l’OPEP réunis à Vienne il y a qelques jours ont décidé de maintenir leurs quotas de production, malgré la chute des cours du baril, accentuant ainsi celle-ci dans les heures qui ont suivi. On observe ainsi une nouvelle phase baissière dans le yo-yo qui affecte les cours du pétrole depuis plus de 40 ans, la spécificité des évolutions constatées étant la durée des cycles, en raison du temps élevé nécessaire pour beaucoup d’investissements.
En juillet 2008, juste avant la crise financière, le prix du Brent (référence pour le pétrole) dépassait 145 $, son plus haut historique, et les journaux expliquaient doctement ce qu’était le peak-oil, ou pic pétrolier, ce moment où la production atteint son maximum, avant de diminuer inéluctablement en raison de la diminution des réserves existantes. Après un creux à 40 € à la fin de cette année-là, le cours s’est ensuite situé durablement au-dessus des 100 $. Encore à plus de 110 $ à la fin du premier semestre 2014, il baisse depuis et se situait en fin de semaine, après la réunion de l’OPEP, à 70 $ pour terminer la semaine suivante à 66$. Il continue à descendre
Le marché du pétrole n’est pourtant pas celui qui est le plus proche de la situation de marché parfait : on y trouve historiquement les plus belles tentatives pour fausser la concurrence ou les effets du marché. Au 19ème siècle déjà, la Standard Oil fondée par John Rockefeller constitue le premier trust de l’histoire, qui fut démantelé en 34 compagnies en 1914, au nom de la loi antitrust. Depuis plus de 40 ans, l’OPEP, organisation des pays producteurs crée en 1960, fonctionne comme un cartel pour tenter de faire monter les prix (alors que Rockefeller faisait au contraire une guerre des prix pour tuer ses concurrents et assurer son monopole, grâce aux économies d’échelle, aux ententes secrètes sur les tarifs de transport et à une chasse effrénée à la productivité).
En 1973, la guerre du Kippour amène les pays de l’OPEP a décréter un embargo pour les pays qui soutiennent Israle et le prix du baril est multiplié par 4. Une nouvelle augmentation a lieu en 1979 (deuxième choc pétrolier) avant la chute des prix (en dollars courants) en 1986 (contrechoc pétrolier). Les prix remontent à partir de 2003, avant donc de chuter provisoirement en 2008, puis cette fin d’année, probablement de manière plus durable.
Si l’on regarde sur le très long terme, (depuis 1861 !), les prix ont d’abord baissé sous l’effet des gains de productivité, comme la plupart des produits industriels et malgré une augmentation constante de la consommation. Pendant toutes les trente glorieuses le prix est stable en dollars courants, ce qui cache en réalité une baisse en dollars constants. Contrairement à ce qu’on pourrait croire en regardant les courbes, la hausse des 40 dernières années est très relative en dollars constants. Elle reflète cependant la nécessité d’aller chercher des réserves moins facilement accessibles, d’abord dans la mer et de plus en plus profondément, puis aujourd’hui dans le pétrole dit non conventionnel (schistes bitumineux et gaz de schistes).
Schématiquement, on a assisté à la suite des événements suivants
- La décrue des réserves dans les pays développés (essentiellement les USA) et la découverte de réserves abondantes dans les pays du Moyen Orient (mais aussi l’Algérie ou le Nigéria) ont donné un poids important à ces derniers dans l’approvisionnement d’une ressource clé
- Ces pays ont profité de la situation dans les années 70 pour augmenter les prix et s’approprier une part notable de la rente pétrolière pour les produits extraits de leur sol
- Cette augmentation a conduit les pays consommateurs
- à réduire leur consommation par une meilleure efficacité énergétique : norme d’isolation des bâtiments édictée en France après le premier choc pétrolier et renforcée après le second)
- développer des ressources de remplacement : développement massif du nucléaire en France, d’autres moyens comme le charbon et l’hydraulique ailleurs
- rechercher du pétrole moins facilement accessible dans des zones plus « sûres » politiquement comme la mer du Nord, la hausse des prix permettant de rentabiliser des opérations plus coûteuses
- progressivement l’augmentation de l’offre et la maîtrise de la demande ont changé l’équilibre sur le marché conduisant vers la fin des années 80 à la chute des prix baptisée « contre choc pétrolier
- la baisse des prix a rendu les alternatives moins rentables et les dépenses d’exploration pétrolière ont baissé, préparant progressivement un nouveau basculement de l’équilibre entre l’offre et la demande
- les conflits au Moyen Orient et les menaces qu’ils ont fait peser sur les approvisionnements ont pu inquiéter les marchés pour pousser les prix à la hausse, mais l’Arabie Saoudite a pendant un temps augmenté sa production pour empêcher les prix d’augmenter.
- Dans les années 2000, les prix sont repartis à la hausse pour dépasser les 100 dollars le baril
- Ces prix élevés ont de nouveau favorisé les efforts d’efficacité énergétique et le développement du renouvelable (éolien, hydraulique ou solaire) en Europe et des gaz de schiste aux USA. Les dépenses d’exploration ont fortement augmenté. Dans le même temps, la crise financière puis économique a cassé l’augmentation de la demande
- Un nouveau cycle de baisse a démarré au milieu de 2014
- Jusqu’au prochain retour de balancier : une entreprise comme Total a déjà décidé de diminuer ses investissements d’exploration, qu’elle avait fortement augmentés ces dernières années.
Un cas d’école sur les mécanismes économiques !
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