Petites listes

En Ile de France, les six principales listes ne recueillent que 81.19 % des voix, contre 83.27 % il y a 5 ans. Les autres listes, qui réunissaient déjà une part non négligeable des suffrages, voient donc leur score global encore augmenter, avec des protagonistes qui ont changé en partie, avec notamment deux nouveaux arrivants, Nouvelle Donne et Nous Citoyens.

La présence de listes de toutes sortes est une caractéristique des élections européennes, avec des électeurs qui n’hésitent pas à voter pour des listes qui n’ont que peu de chances de réussir. Il est probable que l’idée de vote utile est d’autant moins forte que les électeurs ne savent pas vraiment si le parlement européen sert à quelque chose ou pas. En 2000’, les six principaux partis n’avaient recueillis ensemble en Ile de France que 77.59 % des voix, en raison notamment de la présence d’une liste du parti de De Villiers qui avait récolté plus de 6 % des voix.

On notera la disparition de listes qui avaient fait des scores non négligeablmes comme le Mouvement pour la France ou la liste Chasse Nature Peche et traditions, ou le recul des listes d'extrême gauche (LO et NPA) qui ont eu des élus en leur temps

En 2014 en Ile de France donc, derrière les 6 premières listes, qui ont toutes au moins un élu, on trouve

-          6 listes qui font plus de 1 %, et récoltent ensemble 14.26 %

-          6 listes qui font entre 0.3 et 1 % des voix et réunissent 3.62 %. En tête de ce groupe se trouvent LO et le NPA qui ont connu des jours meilleurs

-          5 listes qui font entre 0.06 % et 0.25 % et réunissent 0.70 % des suffrages

-          Enfin 8 listes à moins de 0.05 % qui réunissent 0.23 % des exprimés. Aucune de ces listes n’a réussi à attirer un électeur sur 2000.

Le premier groupe, juste derrière les listes qui ont eu des élus, comprend dans cet ordre Debout la République, Nouvelle Donne, Cap 21, Nous Citoyens, l’Alliance écologique et Force vie, la liste emmenée par Christine Boutin.

AEI est passé en cinq ans de 2.97 % à 1.81 %. Ce parti a sans doute pâti de la présence de Cap 21 ; mais on peut observer qu’il n’a pas su s’implanter dans le paysage médiatique, à la différence de Christine Boutin ou Corinne Lepage. Dans les autres circonscriptions, AEI a obtenu 2.34 % dans l’Est (contre 4.26 % avec Waechter en 2009), 2.07 % dans le Massif central (contre 3.45 %), 2.15 % dans le Sud-Est (contre 3.75 %), et il n’était pas présent ailleurs. Son avenir ne s’annonce pas brillant.

Debout la République a au contraire progressé de 2.44 à 3.85 %. Il pourrait demain profiter de la crise de l’UMP, mais il aura du mal à trouver une vraie place entre le FN et l’UMP : le paysage politique est assez encombré. Dans les autres circonscriptions, DLR a réuni 4.15 % (Nord-Ouest), 3.62 % (Ouest), 4.15 % (Est), 4.60 % (Massif Central) 3.12 %(Sud-Ouest) et 3.92 % (Sud-Est). Partout, il progresse nettement depuis 2009 ; la difficulté pour lui est qu’il n’atteint pas les 5 % nécessaires pour ce faire rembourser, alors qu’il n’en est pas loin.

Corinne Lepage a réuni 2.28 % avec son petit parti qui semble avoir survécu à la rupture avec le Modem. Mais on ne voit pas aujourd’hui de dynamique en sa faveur.

Force vie aurait pu surfer sur la dynamique de la manif pour tous, et c’est ce que Christine Boutin a essayé de faire. Avec 1.14 % en Ile de France et moins de 1% ailleurs, sauf dans l’Ouest, elle échoue manifestement. Sa 5^ème place à Versailles, avec plus de 6 % des voix est presque une caricature !

Les scores de Nouvelle Donne et Nous Citoyens sont à analyser de plus près car ces deux partis sont très récents (ils ont été fondés en 2013) et ils ont réussi leur première étape en étant là à ce niveau. Reste à transformer l’essai, ce qui ne sera pas facile.

On trouvera ci-dessous les scores dans chaque circonscription

	N O	O	E	MCC	S O	S E	IDF	OM
ND	2.41	3.53	2.44	2.84	3.01	3.15	3.07	-
NCI	1.49	1.31	1.29	1.08	0.92	1.60	2.11	-

 

Premier constat : Nouvelle Donne est nettement plus fort que Nous citoyens. Sur l’ensemble de la métropole (aucune des deux listes n’était présente outre-mer), le premier réunit 546 399 suffrages, plus de deux fois plus que les 262 783 voix du second.

Deuxième constat : à ce niveau de détail, les forces de Nouvelle Donne sont réparties de manière plus régulière que celles de Nous Citoyens, ce qui pourrait être le signe d’une meilleure implantation, ou d’une sociologie des électeurs moins marquée.

Pour plus de détails, centrons-nous sur l’Ile De France, en regardant les scores par département(d) et dans les villes préfectures(p) :

	Paris	Essonne	Hauts de Seine	Seine et Marne	Seine St Denis	Val de Marne	Val d’Oise	Yvelines
ND D	3.56	3.11	2.97	2.57	3.08	3.14	2.75	2.94
ND P		3.04	2.93	2.54	1.70	2.71	3.41	2.11
NCI D	2.30	1.40	3.71	1.28	0.93	1.40	1.52	2.94
NCI P		1.00	1.91	1.11	0.70	1.08	1.88	4.81

 

Les scores de Nouvelle Donne sont remarquablement homogènes au niveau des départements, avec un écart par rapport à la moyenne régionale qui ne dépasse pas 17 % de part et d’autres. L’écart est un peu plus élevé dans les préfectures, mais reste encore assez faible. On notera que ce parti fait un peu moins bien dans les préfectures que dans les départements, sauf dans le Val d’Oise.

Si l’on regarde pour ce parti la circonscription où il fait son meilleur score, celle de l’Ouest, on observe encore au niveau des régions une très grande homogénéité, puisqu’il fait 3.40 % en Bretagne, 3.62 % dans les Pays de Loire et 3.61 % en Poitou Charente !

Les villes de plus de 30 000 habitants ou ND fait plus de 4.5% des voix dans cette circonscription sont Brest, Rennes, Nantes, Rezé (6.16 % !), saint Herblain, Saint Nazaire, La Rochelle, Niort, On notera que dans toutes ces villes, la liste PS-PRG arrive en tête, alors qu’elle n’est que troisième dans la circonscription. Bien sûr, on sait que le PS est plus fort dans les grandes villes que dans sa moyenne nationale, mais on observe aussi le lien entre Nouvelle Donne et le PS, les militants du nouveau parti étant issus d’abord du PS, ensuite d’EELV et du FG.

Cette forte homogénéité de Nouvelle Donne est un avantage dans les élections nationales ou régionales mais peuvent être une faiblesse pour des législatives, où il faut avoir des points forts pour avoir des élus.

La question est de savoir si Nouvelle Donne saura faire fructifier ce premier résultat que l’on peut trouver encourageant, même s’il n’est pas à la hauteur des ambitions affichées au départ, il est vrai assez illusoires (faire mieux que le PS !!!). Ce mouvement s’est appuyé au départ sur des bases solides, fort des résultats de son courant au sein du Parti Socialiste, puis de ralliements notables. Il surfe aussi sur le rejet du gouvernement et de la politique du président de la république.

Pour continuer à prospérer, il lui faut franchir les obstacles redoutables du financement et de l’organisation. Cela ne sera pas simple. Son président sait manier les concepts mais manque singulièrement de pragmatisme et de sens du concret. La question est de savoir s’il sait s’entourer.

Nous citoyens n’est pas dans la même situation. Les résultats par département en Ile de France montrent qu’il est beaucoup mieux implanté dans les zones bourgeoises que dans les milieux populaires (encore que cela aurait pu être pire).

Si l’on regarde ses points forts, c’est-à-dire les villes qui lui donnent plus de 4 % des voix, on trouve en Ile de France Boulogne Billancourt (5.03%), Levallois Perret (4.93%), Neuilly (6.39 %), Rueil Malmaison (6.16 %), Suresnes (5.21%), Versailles (4.81 %), Chatou (4.01%) et Saint Germain en Laye (4.73 %)

A contrario, il n’est en  dessous de 0.5 % en Ile de France que dans la seule ville de Goussainville, celle qui a donné au FN son meilleur score de la région.

Un coup d’œil dans le Nord Pas de Calais montre qu’il obtient 7.31 % dans la très bourgeoise ville de Marcq-en-Barœul (où l’UMP fait plus de 33% et le PS moins de 9%) et 4.06 % dans la ville universitaire de Villeneuve d’Ascq. A Liévin, fief du FN, il est à 0.67 %, à Calais à 0.70 %.

Parti de chefs d’entreprises et de cadres du privé, Nous citoyens devrait pouvoir dépasser les difficultés de financement et d’organisation (encore qu’une association politique ne s’organise pas forcément comme une entreprise). Il lui faudra par contre trouver le moyen de prendre place dans l’espace médiatique (cela lui sera plus difficile qu’à Nouvelle Donne avec deux fois moins de voix) et de mobiliser ses troupes pendant les deux ans qui nous séparent des régionales.

L’enjeu aujourd’hui, pour les deux partis, est d’être présent sur Internet, les forums ou les blogs. Cela suppose d’avoir des militants capables de le faire (quelques dizaines suffisent s’ils sont actifs et pertinents), ce qui n’est déjà pas simple, et surtout d’avoir quelques idées claires, reconnaissables et suffisamment passe partout pour être adaptables à beaucoup de sujets : c’est beaucoup plus difficile !

Nous citoyens peut en théorie profiter des difficultés de l’UMP, mais en réalité, il chasse plutôt sur les terres de l’UDI/ Modem, parti plus libéral que le précédent, plus attaché à l’équilibre des finances de l’Etat également. L’ex UDF et ses successeurs ont toujours été plus un rassemblement d’individus qui se sont faits tout seuls qu’un parti de militants : ce n’est pas un hasard si on y trouve Fromentin, le chef d’entreprise maire de Neuilly, ou Jean Louis Borloo, qui a réussi dans le privé avant de devenir maire de Valenciennes.

En se positionnant ni droite ni gauche alors qu’il fait ses meilleurs scores sur des terres de droite, en s’opposant clairement au Front National et en s’affirmant pro-européen, NCI est également plus proche des centristes que de l’UMP. Par ailleurs, les structures plutôt fédéralistes de l’UDI Modem sont tout à fait compatibles avec l’arrivée en leur sein d’un nouvel acteur. Il n’est donc pas déraisonnable de penser qu’il y aura peut-être un rapprochement un jour, selon des modalités qui dépendront d’une part des rapport de forces électoraux, d’autre part des personnalités capables de part et d’autres de gagner des élections aux différents niveaux administratifs.

On verra !