Nombre de députés socialistes ont du mal à accepter le plan de réduction de 50 milliards d’euros des dépenses publiques, que le gouvernement a lancé. Ils estiment qu’ils « n’ont pas été élus pour cela », d’autant plus que ce plan leur parait imposé par Bruxelles et sert pour une grande part à soutenir les résultats des entreprises. Cela s‘est traduit au final par 41 abstentions au sein du PS sur le sujet.
Le premier ministre, dont certains attendaient qu’il négocie avec Bruxelles un nouveau report du délai pour réduire le déficit à 3% (JM Ayrault avait déjà obtenu un report de deux ans), a finalement déclaré que « la France tiendrait ses engagements ». Les engagements de la France auprès de ses partenaires valent donc plus que les promesses électorales du PS : bienheureux traité de Maastricht qui empêche notre pays de continuer dans la voie sans issue d’une dette toujours plus grande !
Il y a quelques jours, j’entendais sur France Inter un journaliste expliquer que les socialistes (et plus généralement toute la gauche) avaient bien du mal à sortir de la conception que, depuis Keynes, utiliser les déficits pour financer des prestations de toutes sortes était non seulement socialement (et électoralement !) utile mais également bon pour l’économie.
J’ai ainsi pu lire qu’une dizaine de députés socialistes trouvaient qu’en baissant le déficit structurel en dessous de 2%, on avait déjà bien travaillé, et qu’en plus, on devrait pouvoir sortir du calcul certaines dépenses (cette fois ci je crois, les dépenses militaires, je ne sais pas pourquoi). Les chiffres cités sur le déficit structurel montraient qu’ils étaient bien au fait de la situation : c’est au niveau de la grille de lecture qu’il y a un problème.
Contrairement à ce qu’on semble penser majoritairement en France (à gauche, mais très souvent aussi à droite), le keynésianisme ne consiste pas à augmenter en permanence la dépense publique, à se servir du déficit public pour favoriser la croissance. Le keynésianisme consiste à augmenter la dépense publique seulement en période de basse conjoncture, ce qui suppose de la diminuer (au moins en proportion) en période de haute conjoncture.
A cet égard, on peut considérer que le traité de Maastricht est construit pour pouvoir mener une véritable politique keynésienne. L’idée n’est pas d’accumuler de la dette, puisque celle-ci est normalement limitée à 60 % du PIB, mais de se donner la possibilité dans certaines périodes de creuser les déficits, avec une limite à 3 %.
En période de basse conjoncture, si on ne change pas les règles de dépenses publiques, celles-ci vont continuer à augmenter, au moins du niveau de l’inflation, et pour certaines, plus que l’inflation (c’est le cas par exemple des allocations chômage attribuées à un effectif en augmentation). Les recettes vont au contraire augmenter moins vite que l’inflation, voire diminuer : le produit de la TVA est affecté par une faible consommation, les cotisations sociales et les impôts sur les bénéfices sont affectés par la mauvaise santé des entreprises.
Au total, le solde public (recettes moins dépenses) peut évoluer d’un montant important : l’expérience depuis 20 ans montre que l’écart entre haute et basse conjoncture à politique inchangée dépasse largement les 3 % (d’autant plus s’il faut renflouer les banques pour éviter des faillites en chaîne). Dit autrement, pour respecter les critères de Maastricht, il faut avoir un solde franchement positif en période de haute conjoncture, ce qu’ont fait les anglais et les espagnols par exemple avant l’éclatement de la bulle Internet.
Faute d’avoir mené une vraie politique keynésienne, et pour avoir maintenu le solde public en déficit continu depuis maintenant 40 ans, la France se trouve aujourd’hui dans l’obligation de redresser ses comptes au plus mauvais moment, et donc dans la douleur. Si elle ne le fait pas, elle risque des sanctions de Bruxelles pour non-respect de ses engagements. Mais le plus grave serait qu’à force de voir sa dette augmenter sans limite (elle atteint déjà presque un an de PIB), notre pays perde la confiance des investisseurs et voit monter ses taux d’intérêts (actuellement exceptionnellement faibles) vers les montants qu’ont subis les pays du Sud de l’Europe, entrainant une augmentation de la dette dans une logique « boule de neige ». Il en serait de même si le gouvernement suivait les arguments du Front de Gauche qui s’appuie sur les croyances de certains électeurs pour affirmer que l’austérité n’est pas la solution mais le problème.
Le gouvernement paye aujourd’hui la facture des politiques de déficit étatique menées par ses prédécesseurs de droite et de gauche (et peut être encore plus de droite que de gauche) et l’attitude irresponsable de la gauche depuis près de 20 ans sur le dossier des retraites.
Il est vrai que les problèmes que rencontre notre pays (au point que l’on peut craindre que, pour la première fois, il ne voit pas sa croissance varier comme celle de l’Europe) ne sont pas que des problèmes de déficit public. A force de connaitre depuis plus de 10 ans une inflation nettement supérieure à celle de l’Allemagne, notre pays s’est mis dans une situation de grande faiblesse, très difficile à redresser. On en reparlera.
Une étude récente pointait les résultats désastreux des politiques de redressement des comptes menées dans plusieurs pays européens sur la situation des plus faibles. Ce ne sont pas ceux qui mènent ces politiques de redressement qui sont responsables de ces souffrances, mais ceux (de tous bords) qui ont mené des politiques irresponsables depuis 40 ans. Dire le contraire, c’est comme reprocher au médecin la difficulté d’un traitement contre les addictions (alcool ou drogue).
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