La reconduite à son poste (mais à un rang inférieur de secrétaire d’Etat) de Geneviève Fioraso a suscité des réactions négatives parmi les enseignants chercheurs, nous explique une chronique publiée par le Monde en date du 24 avril : les attentes suscitées par l’arrivée au pouvoir de la gauche ont été déçues.
On se demande comment le Monde recrute ses chroniqueurs : ici, c’est Maryline Baumard qui termine sa chronique en expliquant que le manque d’action de la ministre depuis deux ans a de quoi désespérer un peu plus l’Université française mais devrait « laisser de marbre des élites politiques qui n’ont de toute façon jamais mis un orteil à l’université ». Finir par une telle ânerie, il fallait le faire. Rappelons à la chroniqueuse que François Fillon et Nicolas Sarkozy ont fait toutes leurs études supérieures à l’université (en droit), que Jean Marc Ayrault a un CAPES d’Allemand et Manuel Valls une licence d’histoire qu’on imagine dans les deux cas avoir été acquis à l’université. Mais peut être l’élite politique ne comprend elle pas les Présidents de la République et les premiers ministres !
On ne sait plus du coup si on peut faire confiance au reste du texte ! On peut d’ailleurs discuter aussi la phrase suivante : « dans une économie de la connaissance, tirée par les labos et les amphis, il est contre-productif de gâcher le capital humain, ces enseignants chercheurs qui créent la richesse actuelle du pays et construisent la France de demain ».
Mes lecteurs les plus anciens savent sans doute que j’ai soutenu Christian Blanc et notamment son projet d’associer entreprises et enseignement supérieur dans les pôles de compétitivité, justement autour du concept d’économie de la connaissance (porté par l’Union Européenne dans ce qu’on a nommé la stratégie de Lisbonne en 2000). De là à penser que l’ensemble des 91 000 universitaires mis en avant par l’article sont ceux qui créent la richesse du pays, il y a un pas que je ne franchirais pas. D’abord parce que ce sont les 26 millions d’actifs qui créent la richesse du pays. Ensuite parce que tous les chercheurs ne sont pas universitaires, loin de là : il y a des chercheurs dans les entreprises et aussi quelques-uns dans certaines écoles, notamment d’ingénieurs (à Polytechnique et dans les écoles des Mines notamment), et même à Sciences Po, cette école qui était probablement visée en creux par la dernière phrase de l’article.
Plus intéressantes sont les remarques faites par certains universitaires cités par l’article. La première consiste à proposer de « contraindre les entreprises bénéficiaires du crédit d’impôt recherche à embaucher des doctorants par exemple ». Au-delà du fait que je crois l’économie française malade entre autres du foisonnement de contraintes et règles en tout genre, je ne suis pas sûr que la proposition soit réellement adaptée.
Il se trouve que, justement, je suis depuis plus d’un an à peu près à mi-temps sur un projet d’innovation qui devrait bénéficier du C.I.R et qu’une jeune salariée, particulièrement talentueuse, qui y a participé, est depuis deux mois en contrat CIFFRE chez nous, dans le cadre de la préparation d’un doctorat : elle a apporté et apporte beaucoup au projet, mais je ne vois pas vraiment comment celui-ci pourrait s’insérer dans son parcours de doctorante, ne serait-ce que parce que sa durée et son volume sont trop petits. J’imagine donc que la proposition citée plus haut serait inadaptée dans (au moins) les trois quarts des cas !
Autre remarque, attribuée à Laurent Bouvet, enseignant chercheur à Versailles Sud, dont je ne suis pas sûr qu’il reflète le point de vue de ceux qui veulent une « véritable » politique de gauche en matière de recherche universitaire. Ce chercheur note que l’autonomie accordée théoriquement aux universités s’accompagne d’un « contrôle bureaucratique sur toutes les décisions prises ».
Je ne sais pas ce qu’il en est du fonctionnement des universités et du contrôle de l’Etat, mais je suis tout à fait prêt à croire le chercheur au regard de ce que je vois ailleurs. Et je me souviens de la manière dont les services de l’Etat avaient pu bureaucratiser à l’extrême le fonctionnement des pôles de compétitivité, au point que certains des acteurs qui s’y étaient joints avec enthousiasme avaient ensuite préféré renoncer.
Mais je prendrais un autre exemple, celui du Crédit Impôt Recherche justement. Pour y accéder, mon entreprise paye un consultant spécialisé qui l’aide à monter le dossier (j’ai justement rendez-vous avec ce consultant cette semaine). Je ne connais pas le montant de la note, mais c’est à mon avis plus proche des 5 % de montant du CIR que des 1%. Les services de l’Etat vont ensuite examiner à la loupe le dossier fourni pour s’assurer qu’il est conforme et que les montants sont justifiés. Dit autrement, il y a un coût non négligeable de mise en œuvre de cette mesure d’aide, payé par les deux parties. Supprimer les cotisations familiales est une mesure qui a un coût de mise en œuvre quasiment nul. On voit bien où il faudrait aller si on veut vraiment faire des économies dans la sphère publique !
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