En vue de la préparation de l'assemblée extraordinaire des évêques consacrée à la pastorale familiale, qui se tiendra à Rome du 5 au 19 octobre 2014, le pape François a transmis à toutes les conférences épiscopales du monde, un document intitulé "Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l'évangélisation".
Les questions posées montrent la volonté du pape de regarder en face des situations qui ne correspondent pas à l’idéal proposé par l’Eglise catholique. A titre d’exemple, j’ai pu constater en animant pendant plusieurs années des sessions de préparation au mariage à Paris que, dans cette ville, 95% des couples qui demandent le mariage religieux vivent déjà ensemble, une situation qui n’existait quasiment pas il y a 50 ans en France.
Le caractère universel de l’Eglise catholique explique qu’on trouve dans le préambule des sujets qui peuvent surprendre un européen, comme la question de la polygamie, réalité à laquelle est confrontée l’Eglise africaine. Le questionnaire aborde pour les français quatre grands sujets : celui des règles concernant le mariage, celui de l’homosexualité, celui de la sexualité et de la contraception et enfin celui de l’évangélisation au sein de la famille (on parlait hier de transmission de la foi, je préfère l’expression actuelle).
Sur les trois premiers sujets, on peut considérer que la position de l’Eglise (caractère indissoluble du mariage conduisant à refuser la communion aux divorcés remariés, relation homosexuelle considérée comme un péché, relation sexuelle considérée comme bonne dans le seul mariage et si elle peut ouvrir à la transmission de la vie d’où refus des moyens modernes de contraception) est incomprise des français non pratiquants, quand elle n’est pas objet de scandale pour eux. Ce qui ne signifie pas qu’elle soit pour autant approuvée par tous les pratiquants.
Les évêques français n’ont semble-t-il pas voulu saisir l’occasion offerte d’associer les laïcs à cette réflexion, donnant le sentiment qu’en tant que célibataires ils n’avaient pas besoin d’avis de gens mariés sur le sujet. Cette posture dont j’ignore les raisons, qui sont peut être tout à fait légitimes, m’a mis en colère et rappelé la malédiction lancée par Mathieu l’évangéliste dans le chapitre 23, qui commence ainsi : 13 Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous fermez aux hommes le royaume des cieux; vous n'y entrez point vous-mêmes, et n'y laissez point entrer ceux qui veulent y entrer et finit par : 33 Serpents, race de vipères, comment éviterez-vous le châtiment de la géhenne?
Mathieu, réputé être l’évangéliste qui s’est adressé en particulier aux juifs, semble s’être trouvé confronté à des communautés composées de juifs et de gentils convertis. On peut analyser son texte comme la volonté de répondre d’une part à des « ultra-conservateurs » juifs pratiquants traditionnels voulant imposer aux convertis l’observation de toute la Loi juive (le concile de Jérusalem en 49, rapporté par les actes des Apôtres, qui a décidé de ne pas imposer la circoncision aux convertis a déjà eu lieu). Si la malédiction citée plus haut vise des juifs qui ont refusé la Bonne Nouvelle, elle vise aussi implicitement ces judéo-chrétiens ultra-conservateurs.
Mathieu voulait aussi peut être répondre d’autre part à des ultra-libéraux, prêts à jeter toutes les pratiques antérieure des juifs, ce qui l’amène à préciser au chapitre 5 : Matthieu 5.17. Ne pensez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes. Je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. 18 En vérité je vous le dis, jusqu’à ce que le ciel et la terre passent, pas un seul iota, pas un seul trait de lettre de la loi ne passera, jusqu’à ce que tout soit arrivé. 19 Celui donc qui violera l’un de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux, mais celui qui les mettra en pratique et les enseignera, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux. 20 Car je vous le dis, si votre justice n’est pas supérieure à celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux.
D’une certaine manière, l’Eglise catholique est, sur les sujets prévus pour le synode sur la famille, dans une solution semblable à celle rencontrée par Mathieu. D’un côté la mise en avant de dogmes qui finissent par faire oublier que le Jésus de l’Evangile est d’abord celui qui pardonne, de l’autre le risque, pour plaire au monde, de dénaturer tout ce qui fait la spécificité et la richesse du message chrétien, de trahir la Bonne Nouvelle.
Les couples que j’ai rencontrés dans les préparations au mariage ne rejetaient pas le « pour toujours » proposé par l’Eglise, au contraire, c’était leur vœu le plus cher. La qualité de la vie de famille est certainement une des clés du bonheur. Dans un de ses derniers ouvrages (la prospérité du vice je crois), l’économiste Daniel Cohen pointait le développement des divorces comme une des preuves que le gain matériel que nos sociétés connaissent ne s’accompagne pas de la croissance du bonheur. Ce n’est pas une raison pour rejeter ceux qui ont échoué à cet idéal, alors que dans le même temps, l’Eglise peut pardonner à des criminels ou à des prêtres pédophiles.
Un commentateur de l’extrait ci-dessus du chapitre 5 de Mathieu, se demande « ce que notre Seigneur désigne par ‘loi’ ». Il cite alors la réponse de Jésus à une question sur le sujet, rapportée au chapitre 22 : 37. Jésus lui répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée.38 C’est le premier et le plus grand commandement. 39 Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. 40 De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes.
Et si on regardait les sujets posés par le pape à l’aune de cette réponse ?
A suivre
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