La décision du Président de la République de proposer un pacte de responsabilité aux employeurs, sous la forme de réduction de charges contre des engagements concernant l’emploi semble réjouir les patrons et diviser la droite. Peut-on en attendre des résultats sur l’emploi, objectif affiché du gouvernement ?
Evaluer l’efficacité d’une mesure économique pose la difficile question du « toutes choses égales par ailleurs ». On peut imaginer par exemple que la diminution des charges des entreprises pour environ 35 milliards (présentés comme le montant des cotisations patronales pour la famille) n’aura pas le même impact économique si elle est financée par de l’endettement (la solution préconisée par Alexandre Delaigue), par une hausse de la TVA (on n’en parle pas), par une réduction des prestations familiales pour les plus aisés ou par la réduction d’autres dépenses publiques. Et on ne sait pas encore clairement si cette diminution de charges implique ou non la suppression du CICE (apparemment, oui !).
Je ne cesse de noter sur ce blog que la part des entreprises dans la valeur ajoutée est dangereusement basse pour l’économie. Ce taux était au dessus de la moyenne en 2007 et 2008 puis s’est effondré de 5 points en fin 2008 avec la crise financière et semblait revenir à des montants proches de la moyenne depuis 20 ans en 2010. Il se situe depuis entre deux et trois points en dessous de cette moyenne, ce qui avait été pointé par le rapport Gallois, débouchant sur la création du CICE. La note de conjoncture de l’INSEE en décembre prévoyait pour 2014 un gain de 1 % pour les entreprises du fait des effets conjugués du CICE et de la hausse de la TVA au premier janvier. L’économie doit normalement être capable de résister à des fluctuations, mais une baisse durable est importante risque de provoquer un nombre important de faillites d’entreprises, ou une incapacité des entreprises à investir suffisamment. D’autant plus, dans le cas qui nous préoccupe, que les mesures prises il y a une dizaine d’années en Allemagne ont au contraire conduit à augmenter durablement la part des entreprises dans ce pays.
Dans ce contexte on peut dire que la mesure promise par le Président va dans le bon sens, au regard de la situation actuelle. Elle peut se révéler insuffisante ou trop généreuse dans 2 ou 3 ans, en fonction des évolutions générales de l’économie chez nous et en Europe.
Demander qu’en échange le MEDEF s’engage sur des contreparties n’a guère de sens : ce n’est pas le MEDEF qui embauche, et si le gouvernement se lance dans cette opération, c’est aussi parce qu’il en attend un effet mécanique sur l’emploi, engagement ou pas. De son côté, le MEDEF se montre très gourmand, en promettant de créer 1 million d’emplois en échange d’une baisse de 100 milliards par an des charges : cela fait l’emploi à 100 000 euros, soit largement plus que se que coûte un emploi au salaire moyen, charges comprises !
Par la mesure annoncée, le gouvernement espère diminuer la part conjoncturelle du chômage. Il pourrait en contrepartie demander des mesures qui diminuent la part structurelle du chômage, par exemple avec des efforts de formation pour les salariés les moins qualifiés, ou un changement des pratiques de surqualification à l’embauche. Il se trouve cependant que beaucoup des leviers pour changer le chômage structurel (par exemple le niveau du SMIC) sont dans les mains du gouvernement et du législateur, au moins en partie, et que le gouvernement vient d’accompagner des négociations sur le droit de licenciement et la formation.
Le patronat craint que le gouvernement lui impose des efforts sur le dialogue social, ce qu’il interprète comme une augmentation du pouvoir syndical. Ce n’est rien de dire que les patrons de PME n’y sont pas favorables ! Je ne suis pas sûr en ce qui me concerne que les salariés soient si demandeurs que cela d’un approfondissement d’un dialogue social entre direction et représentants du personnel. Ce dont ils ont besoin, c’est d’un droit à la parole sur le contenu et l’organisation de leur travail, une idée développée dans le récent accord sur la qualité du travail, mais dont la mise en œuvre n’est pas gagnée !
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