En cette fin d’année 2013, la DARES publie une note sur la répartition des hommes et des femmes par métiers, qu’elle titre par une bien peu convaincante baisse de la ségrégation depuis 30 ans. L’analyse est d’autant plus difficile à faire que ses résultats dépendent de la maille de distinction des métiers et de la définition donnée pour un métier mixte ou non.
La note de la DARES s’appuie sur la distinction des FAP ou familles professionnelles, dont elle reconnait qu’elle donne une maille plus fine pour les métiers industriels que pour ceux du tertiaire : cette classification est le reflet de la réalité d’il y a 40 ou 50 ans. Elle considère comme mixte un métier dans lequel chaque sexe a au moins 35 % de représentants. On peut légitimement se demander ce qu’aurait donné un seuil différent (55 ou 80% par exemple).
Prenons un exemple pour illustrer la question de la maille : celui des infirmiers et sages-femmes, féminin à 87.7%. Si je connais au moins un exemple de sagefemme masculin dans l’hôpital près de chez moi, on conviendra que le cas est très rare. Pour avoir travaillé quelques fois pour la fonction hospitalière, j’ai pu constater deux secteurs ou les infirmiers de sexe masculins sont fréquents, bien que minoritaires : en psychiatrie et en anesthésie. Ailleurs…
En ce qui concerne le seuil de la mixité, ce qui frappe l’observateur, c’est l’existence de métiers dans lequel un des sexes est ultra majoritaire. C’est le cas pour les femmes des métiers d’aides à domicile et aides ménagères, ou assistantes maternelles (97.7%) ou de secrétaires (97.6%) pour les hommes des métiers d’ouvriers qualifiés du bâtiment (97.9%) ou de techniciens et agents de maîtrise de la maintenance (91.1%). Mais on peut aussi noter les 84.6% de femmes parmi les employés de la comptabilité.
Malgré le titre, on ne peut que constater une grande stabilité dans la ségrégation par sexe que la DARES illustre par le fait que, en 2011 il faudrait qu’un peu plus de la moitié des femmes (ou des hommes) changent de métier pour aboutir à une répartition égalitaire des femmes et des hommes dans les différents métiers(le pourcentage exact est de 52% et il était de 56% il y a 30 ans). L’évolution favorable sur 30 ans que trouvent les auteurs au-delà d’une première impression, exige de leur part une analyse mathématique, certes rigoureuse mais particulièrement complexe : si changement il y a , il reste assez marginal.
Comme j’avais déjà eu l’occasion de le remarquer, la ségrégation diminue avec l’augmentation du diplôme, sans pour autant disparaitre : Au total, en 2011, pour aboutir à une répartition égalitaire des femmes et des hommes dans les différents métiers, il faudrait que 66 % de femmes ou d’hommes changent de métier parmi les diplômés d’un CAP ou d’un BEP, contre «seulement » 31 % pour les titulaires d’un diplôme supérieur à un bac +2. Sur 30 ans, les taux de ségrégation ont fortement diminué pour les plus diplômés et augmenté pour les autres.
La note de la DARES cite une étude publiée par le CEREQ et datant de 2006 mais qui vaut le détour : elle examine la part respective dans la ségrégation sexuelle par métier (lors de la première embauche) de l’héritage scolaire et des effets du marché du travail, pour constater qu’ils sont d’environ 2/3 et 1/3. On notera d’abord que selon les cas les effets respectifs du marché du travail et de l’orientation scolaire peuvent se renforcer ou au contraire s’opposer. On notera aussi que l’étude n’analyse pas si la ségrégation du marché du travail provient des choix des jeunes ou des employeurs. L’exemple des enseignants, où les femmes sont les plus nombreuses et où la ségrégation n’est pas scolaire (du moins à la maille de l’ensemble des enseignants) illustre le choix des individus : la sélection par l’employeur se fait par concours et a priori pas sur des critères qui favoriseraient l’un ou l’autre sexe.
Je conclurai en rappelant ce que j’ai déjà écrit : les métiers les moins qualifiés qui se développent (l’aide à la personne) sont massivement féminins. Un maintien de cette ségrégation se traduira(se traduit déjà) par une augmentation du chômage masculin chez les non qualifiés et une déqualification chez les femmes moyennement diplômées, ce qui dans les deux cas est bien dommage !
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