Les médias se sont fait l‘écho de la publication par l’INSEE le 22 novembre des résultats de son enquête sur « les femmes et les hommes face à la violence » et du nouveau plan triennal présenté par e gouvernement sur le sujet. Nul ne semble cependant s’être demandé si le phénomène est ou non en augmentation.
La lecture des faits divers ou l’écoute de beaucoup de discours politiques sur la question donnent le sentiment que l’insécurité est en hausse dans notre société. Certains affirment même que cette augmentation est une conséquence du laxisme des juges. L’augmentation du nombre de détenus serait alors la conséquence d’une augmentation encore plus grande de la délinquance.
L’examen des réalités conduit à revoir ces a priori, d’abord en constatant qu’il ne faut pas se tromper d’instrument de mesure du phénomène. Les statistiques de la police et de la gendarmerie mesurent difficilement la réalité. Une partie de la mesure est directement liée à l’action de la police : par exemple le nombre d’excès de vitesse ne correspond pas à ceux qui sont réellement commis mais à ceux qui ont été constatés par la police : l’augmentation du nombre de radars augmente les constats toutes choses égales par ailleurs.
On constate un autre biais dans le cas de la délinquance sexuelle : on sait que les victimes d’un viol hésitent à porter plainte. La variation du nombre de plaintes peut donc provenir d’une variation du nombre des actes ou d’une variation du taux de déclaration.
Laurent Mucchielli, directeur au CNRS et spécialiste de ces questions, après avoir relevé ces difficultés méthodologiques, indique deux méthodes plus faibles : d’une part, l’observation du nombre d’homicides qui ne font normalement pas l’objet de biais, d’autre part l’analyse des enquêtes de victimation auprès de la population.
En 2006, Laurent Mucchielli analysait 10 ans d’évolution de la délinquance en France pour constater que contrairement aux idées reçues, cette délinquance était plutôt en baisse qu’en hausse. Le sentiment d’augmentation de l’insécurité est pour lui un résultat de la pacification des comportements, qui pousse à rendre moins acceptable la violence.
En lisant les résultats de l’enquête de l’INSEE, je me suis donc demandé si les violences déclarées étaient en augmentation ou en baisse. Après avoir cherché vainement cette information sur le site dont cela devrait être une préoccupation majeure, j’ai fini par trouver le résultat de la même enquête de l’INSEE portant, non pas sur les années 2010/ 2011 mais sur les années 2005/2006, donc 5 ans plus tôt, et au moment où Laurent Mucchielli s’essayait à une comparaison sur dix ans.
En première analyse j’ai constaté que les chiffres étaient tous orientés à la baisse, jusqu’à ce que je constater qu’ils ne portaient pas sur le même périmètre : les 18/59 ans en 2007, les 18/ 75 ans aujourd’hui. Il nous faut donc comparer les 6.7% de femmes ayant déclaré avoir été victimes de violences en 2005 ou 2006 aux 5.5% de 2010/2011 en prenant en compte cette différence de périmètre.
En 2010, les 18/ 59 ans étaient environ 400 000 par génération, les 60/ 65 ans aussi et les 66/75 ans environ 250 000 par génération. Il y avait donc environ 5 millions de 60/75 ans et 16.8 millions de 18/59 ans. Le graphique de la récente note de l’INSEE donne environ 2% de violences physiques pour les plus de 60 ans. Si le taux est de 5.5% pour le total, on a un taux un peu inférieur à 6.6% pour les 18/ 59 ans. Conclusion, la violence est quasiment stable, très légèrement en baisse.
Si on regarde les viols, on note une fréquence de 1.5 (hors ménage) + 0.7 (dans le ménage) en 2005 et 1.3 tout compris en 2010. Même si la part des plus de 60 ans doit être très faible, il y a là une baisse plus nette : en le comptant à zéro, on trouve en 2010 un taux de 1.7% à comparer à un total de 2.2 % en 2005. Cette baisse d’un quart environ reflète à mon avis le fait que le viol est de plus en plus réprouvé, même s’il reste évidemment encore beaucoup trop fréquent.
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