A l’occasion du vote par l’Assemblée Nationale d’une nouvelle réforme des retraites, quatre syndicats opposés à cette réforme appellaient à manifester ce jour. Un de mes collègues m’a aimablement fait passer un tract de ces organisations donnant le sens de cet appel et reprenant tous les poncifs habituels sur le sujet.
A force de présenter les mêmes arguments, on finit probablement par de ne plus se rendre compte de leur absurdité, ou au moins de leur déconnexion du réel. C’est ainsi que les signataires de l’appel (ici la CGT, FO, FSU et Solidaires) commencent tranquillement leur tract en affirmant que « malgré les fortes manifestations unitaires du 10 septembre dernier le gouvernement persiste ».
A la légitimité démocratique qui va s’exprimer à l’Assemblée Nationale, on voit bien la volonté d’en opposer une autre. Il y aurait intérêt à ce qu’elle sont puissante : non seulement le gouvernement dépose d’une majorité de députés, mais l’essentiel de l’opposition (les groupes UMP et UDI ) critique le projet de loi sur des bases qui vont à l’encontre des propositions syndicales. Restent bien sûr les élus communistes et PG du Front de gauche, mais il faut bien admettre qu’ils ne sont pas vraiment nombreux (le Monde observe d'ailleurs ce soir qu'ils se sont contentés du service minimum)…
Le problème est que les « fortes manifestations « du 10 septembre se sont surtout fait remarquer par leur manque de force. Quant à leur coté unitaire, il était tout relatif : certes on y trouvait 4 organisations syndicales pas toujours réunies (la CGT et FO ne sont pas d’accord sur beaucoup de choses). Mais il manquait tout un pan du syndicalisme. La CGC brillait par son absence. La CFTC, la CFDT et l’UNSA ont signé il y a quelques jours une tribune dans le Monde pour se féliciter de la manière dont leur travail de discussion constructive à permis au texte soumis au vote de reprendre une bonne partie de leurs revendications. Or ces syndicats qui ne sont pas là représentent tout de même la moitié des voix aux élections professionnelles… Pour opposer une autre légitimité à la légitimité démocratique, c’est un peu gênant…
Les auteurs continuent en mettant en avant le caractère « injuste et inacceptable » du projet, qui pénaliserait les futurs retraités (notamment les femmes) et interdirait l’accès du système pour les jeunes.
La première affirmation repose sur un postulat, rarement clairement explicité jusqu’au bout, qui pourtant ne s’est pas vérifié : les seniors basculeraient dans le chômage et, ne pouvant pas de ce fait cotiser le nombre de trimestres réclamé, auraient une retraite réduite. L’évolution du taux d’activité des seniors ces dernières années montre que ce postulat est faux, comme je l’ai déjà montré.
La seconde affirmation est un véritable attrape-nigaud pour les jeunes, que les auteurs veulent associer à leurs manifestations à travers les syndicats étudiants et lycéens, dont on sait pourtant à quel point les troupes sont peu nombreuses. Je ne sais pas si le système perdurera encore pour assurer les pensions de ceux qui ont 20 ans aujourd’hui, mais je suis sûr qu’il a plus de probabilité d’exploser s’il est en déficit que si les comptes sont équilibrés. Les opérations qui visent à redresser les comptes (ce n’est pas forcément le point fort de celle-ci, ceci dit) contribuent donc à la pérennité du système.
Il y a pourtant une chose dont je suis sûr : le choix d’augmenter les cotisations plutôt que d’augmenter la durée de cotisations est un choix défavorable aux jeunes, puisqu’ils sont amenés à payer plus tout de suite dans le premier cas alors que d’ici qu’un jeune de 20 ans soit en retraite, il risque d’y avoir encore quelques réformes, et il est donc impossible de savoir si la deuxième solution lui sera ou non défavorable au final.
Les auteurs ont leurs idées sur ce qu’il faut faire : revenir à la retraite à 60 ans pour tous et à 55 ans pour ceux qui ont eu des travaux pénibles. Ils ont même des idées pour le financement : il « suffit » de sortir des politiques d’austérité imposés par l’Europe, de créer des emplois et d’augmenter les salaires (ils ne le précisent pas, mais l’idée est que cela augmente le volume des cotisations). Le fait que la France en 1981, d’autres pays du Sud de l’Europe plus récemment, aient montré que cela ne marche pas n’est manifestement pas leur point de vue !
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