Le diplôme n’est pas une assurance tout risque contre le chômage ou pour accéder à un emploi qualifié : le Monde illustre cette évidence en publiant sous le titre choc « Quand on est caissière avec un bac +5, on apprend l'humilité !", une série de témoignages qu’il a sollicité. Encore aurait-il fallu essayer de tirer quelques leçons des témoignages publiés.
Olivier Bouba-Olga trouve la démarche affligeante et s’emploie à démontrer, enquête du CEREQ (sur la situation des jeunes 3 ans après leur sortie du système éducatif) à l’appui, que le diplôme reste un excellent moyen d’éviter le chômage et d’accéder à des postes de responsabilités et aux salaires qui vont avec : « 9% de chômage chez les bac+5 contre 18% en moyenne pour l’ensemble des sortants. 79% en CDI contre 60% en moyenne. 94% sont cadres ou profession intermédiaire contre 52% en moyenne. Salaire médian net mensuel de 2000€, contre 1380€ en moyenne. »
Mais OBO aurait pu aller plus loin en montrant que les résultats obtenus dépendent certes du niveau de diplôme atteint mais aussi des filières suivies, comme je l’expliquais en octobre 2010 avec l’article « Bonnes et mauvaises filières professionnelles » inspiré d’une note de l’INSEE.
Il reste qu’une partie, même faible, des bac+ 5 se trouve au chômage à un moment donné, ce qui a permis au Monde d’obtenir des réponses à son appel. Pourquoi ceux-là sont-ils au chômage, contrairement à la plupart de leurs condisciples ?
Il y a bien sûr une part de hasard, et on ne connait de ceux qui se sont exprimés que ce qu’ils ont bien voulu dire.
A la lecture, on peut cependant identifier quelques raisons.
La première, de manière évidente, est le choix de la filière : on n’est pas trop surpris de trouver deux personnes qui veulent faire du marketing, filière bouchée depuis déjà un bon moment, un diplômé en philosophie et des titulaires d’une formation en langue. Si parler couramment l’anglais est un plus (on peut même affirmer que c’est souvent indispensable) ce n’est pas en soi une formation suffisante.
La deuxième est proche de la première : le choix d’une spécialité à la mode (environnement, égalité des chances) mais sans vraiment de débouchés, peut gâcher le choix d’une bonne filière (ingénieur ou Sciences Po) quand la conjoncture n’est pas bonne. Dans le premier cas, on peut aussi craindre que les employeurs discriminent les filles sur les postes d’ingénieur.
Après, on trouve d’autres facteurs négatifs : aller s’installer dans une ville moyenne par exemple, ou croire qu’il suffit de s’inscrire à Pôle emploi pour que l’organisme vous trouve un emploi !
Avec plus de 20% de bac +5 par génération chez les jeunes, on comprend que ce niveau de diplôme ne soit plus en soi un sésame immédiat pour le statut de cadre.
Dans son dernier article, Alexandre Delaigue nous explique pourquoi, comme le montrent les statistiques, « plus le niveau de diplôme atteint est élevé, plus le risque de chômage diminue, et plus les revenus tout au long de la vie sont élevés ». Les économistes ont identifié deux types de raison.
La première est assez évidente : les employeurs apprécient le capital de compétences accumulées pendant la formation.
La seconde, que les économistes appellent le signal, est moins immédiate mais toute aussi logique : le diplôme est un signal d’une capacité à maîtriser de la complexité. Recruter un étudiant sorti de normale sup avec un doctorat en philosophie n’est pas un mauvais choix pour une banque : ce n’est pas la philosophie qui l’intéresse mais le niveau que révèle la capacité à réussir le très difficile concours de la rue d’Ulm.
L’enquête du Monde prouve au moins une chose : la bac + 5 n’est plus en soi un signal suffisant pour se faire embaucher, quelle que soit sa spécialité.
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