Contrairement aux cinq années précédentes qui avaient vu la CGT et la CFDT, les deux premières centrales syndicales du pays, défiler côte à côte pour le premier mai, l’année 2013 est marquée par la division syndicale autour de l’accord sur la sécurité de l’emploi du 11 janvier, signé par trois organisations et rejeté par les deux autres.
Deux des trois signataires, la CFDT et la CFTC (la CGC ne fête pas le premier mai traditionnellement) vont se retrouver à Reims avec l’UNSA, non représentative au niveau national (elle n’a recueilli que 4.26% au total des élections aux comités d’entreprise). La CGT et FO, unies pour dénoncer l’accord du 11 janvier, vont défiler séparément, le rapprochement de leur opposition à l’accord ne pouvant masquer de profondes divergences par ailleurs.
Que les divers syndicats français aient de profondes divergences est sans doute une faiblesse pour la défense des salariés, mais n’est pas une surprise : ce sont ces divergences qui expliquent qu’elles ne peuvent fusionner (la CGC et l’UNSA l’ont envisagé quelque temps).
Dans un article paru dans l’Express, Alexis Gueneco, ancien membre de la commission exécutive de la CFDT, et aujourd’hui chargé de mission à la DARES plaidait pour que « les politiques respectent les négociations entre les partenaires sociaux ». Il présentait aussi la vision cédétiste d’un syndicalisme autonome par rapport au politique, à l’opposé d’une « culture politique française de la hiérarchie du politique sur le social ». Et il montrait, citation de Lionel Jospin et allusion à l’action de Martine Aubry sur les 35 heures à l’appui, que la gauche n’a jusqu’à présent jamais fait confiance au dialogue social entre partenaires sociaux. A cet égard, la volonté du gouvernement actuel de transcrire dans la loi l’accord du 11 janvier est un véritable tournant social-démocrate.
Face au projet gouvernemental d’enseigner l’esprit d’entreprise au collège et au lycée, JL Mélenchon a déclaré refuser que l’on enseigne la cupidité. Au-delà de l’outrance habituelle des propos, cette déclaration reflète l’opinion partagée dans une partie de la gauche que le patron est l’ennemi de classe. En attendant de pouvoir instaurer un régime réellement socialiste, il faut donc l’empêcher de nuire en contraignant ses agissements par la loi et l’action des pouvoirs publics. La CGT est de fait encore sur cette ligne, même si elle a pris ses distances avec le parti communiste et avec la conception léniniste du syndicat courroie de transmission du parti, et même si elle tente d’évoluer vers une pratique réformiste.
La CFDT se trouve elle dans la logique social-démocrate d’acceptation du marché et de recherche de compromis, le patron étant considéré comme un interlocuteur légitime avec qui on peut négocier (comme le sous-entend l’expression partenaires sociaux), ce qui n’exclut pas la recherche de rapport de forces (mais après tout, l’acheteur et le vendeur qui négocient connaissent aussi le rapport de forces !) pour défendre les intérêts des salariés. Dans son article, Guénégo va jusqu’à parler de « la partie la plus intelligente du patronat français ».
L’accord sur l’emploi, qui donne une place plus importante à la négociation qu’au contrat, ne pouvait que faire apparaître cette ligne de fracture entre les deux organisations. La manière dont elle s’est exprimée sur le terrain, ne pouvait pas se traduire par une manifestation main dans la main le premier mai.
Ce qui ne signifie pas que le froid entre les deux grandes centrales soit durable : dans la négociation sur la qualité de la vie au travail, la CGT et la CFDT sont aujourd’hui sur la même ligne !
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