Le pouvoir d’achat des ménages français aura finalement baissé en 2012, essentiellement du fait des fortes hausses d’impôts au second semestre. C’est la première fois depuis 1984 que l’on constate un tel recul, mais si on raisonne par unité de consommation, le pouvoir d’achat avait déjà été stable en 2008 et avait légèrement reculé en 2011, déjà en raison de la hausse des impôts.
On l’a lu dans la presse : le pouvoir d’achat des ménages a reculé de 0.4% en 2012, le recul ayant même été de 0.8% au quatrième trimestre, du fait de la fin de la détaxation des heures supplémentaires et des hausses d’impôts sur le revenu ou le patrimoine. L’INSEE donne une précision supplémentaire en calculant le résultat par unité de consommation, soit un recul encore plus important de 1%
La différence entre les deux valeurs tient bien sûr à la démographie : si la population augmente de 1% et que le PIB augmente lui aussi de 1%, le PIB par habitant ne bouge pas. Les différences démographiques expliquent en partie la différence de croissance du PIB en Allemagne (pays dont la population diminue du fait du faible niveau des naissances) et aux Etats Unis (pays qui bénéficie au contraire à la fois d’un accroissement naturel et de fortes immigrations).
L’INSEE raisonne ici par unité de consommation sans plus de précision. Cela signifie normalement qu’il compte les enfants pour une valeur inférieure à un. Cela explique aussi un poids important du facteur démographique, (0.6%) en tous les cas légèrement plus important que la croissance de la population (0.5%).
Pour le consommateur, l’évolution qui compte, c’est évidemment celle de son pouvoir d’achat individuel, alors qu’au niveau de l’économie, c’est bien sûr le pouvoir d’achat total de la population qui compte, ce qui explique que ce soit l’indicateur généralement utilisé.
Dans une note de conjoncture de mars 2010, l’INSEE explique plis précisément l’utilisation de ces différents concepts :
Le revenu des ménages qui est présenté et analysé dans la Note de conjoncture représente l’ensemble des revenus perçus par la totalité des ménages. C’est en effet cette grandeur qui est pertinente au niveau macro-économique, par exemple pour construire l’équilibre entre ressources (PIB et importations) et emplois (consommation, investissement, exportations. . .) ou pour prévoir le PIB. Cette grandeur doit être corrigée si on souhaite mesurer le pouvoir d’achat moyen des Français, de manière à tenir compte à la fois de la croissance du nombre de ménages et de l’évolution de leur composition. La correction la plus pertinente de ce point de vue consiste à diviser le revenu par le nombre d’unités de consommation en France. Ce concept permet de tenir compte de la croissance démographique, mais aussi du fait que certaines consommations peuvent être partagées au sein d’un ménage (les appareils ménagers par exemple). Un ménage de taille importante réalise donc certaines « économies d’échelle » par rapport à un ménage de taille plus faible. En 2008, la croissance du nombre d’unités de consommation est de 0,7 % (par comparaison, la croissance du nombre d’habitants est de 0,5 % et la croissance du nombre de ménages est de 1,4 %). Ainsi, en 2009, le pouvoir d’achat par unité de consommation se redresserait (+1,5 % après +0,0 % en 2008). Par habitant, la hausse serait de 1,7 % et de +0,8 % par ménages, après -0,7 % en 2008.
Mais alors que l’INSEE affiche un recul du pouvoir d’achat total pour la première fois depuis 1984, il s’avère que le pouvoir d’achat par unité de consommation avait déjà reculé en 2011, certes très faiblement (0.1%). Si on remonte aux années antérieures, le pouvoir d’achat par u.c. a été stable en 2008.
On peut bien sûr se désoler du recul du pouvoir d’achat des Français. On peut aussi trouver qu’il n’est pas surprenant qu’une forte crise se traduise par un tel recul, voire trouver surprenant que le pouvoir d’achat augmente malgré la crise !
A http://www.insee.fr/fr/indicateurs/analys_conj/archives/mars2010_f2.pdfpartir du moment où la crise est durable, l’augmentation du pouvoir d’achat n’a pu avoir lieu qu’au détriment des résultats des entreprises, et en accroissant fortement le déficit et la dette publique. Au-delà de la logique électorale qui incite le pouvoir à ne pas fâcher les électeurs, les partisans de la hausse font généralement valoir que la croissance tienne en France par la consommation des ménages.
On objectera que sacrifier les résultats des entreprises c’est sacrifier l’investissement et donc la croissance à long terme comme la capacité à équilibrer les comptes extérieurs et que le poids de la dette publique fait peser des risque au pays : la hausse des taux d’intérêts qu’ont connus les pays d’Europe du Sud est préjudiciable à tous ceux qui empruntent, Etat, entreprises ou ménages.
La France bénéficie aujourd’hui de taux d’intérêts particulièrement faibles. Cela explique en partie que la consommation se soit maintenue, les ménages ayant moins épargné pour compenser la baisse de leur pouvoir d’achat. Mais le partage de la valeur ajoutée est défavorable aux entreprises depuis maintenant trois ans : leur part a recommencé à se dégrader au quatrième trimestre avec une perte de 0.5 % par rapport à une troisième trimestre qui semblait marquer une amélioration. A 27.7%, elle se situe à un niveau particulièrement faible : comme on peut le voir page 91 de la note de mars 2010, elle ne s’était jamais située en dessous de 30% entre 1992 et 2010 !
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