L’affaire Cahuzac pourrait sembler anodine pour nos concitoyens qui pratiquent la fraude fiscale comme un sport national. Elle risque pourtant de renforcer la défiance déjà particulièrement importante dans notre pays, au moment où la presse internationale s’attaque aux paradis fiscaux.
Le Monde daté du 5 avril commence la publication d’informations sur les paradis fiscaux obtenues par une association américaine d’investigation et partagées par celle-ci avec un réseau de 36 médias internationaux.
Première révélation pour notre pays : Jean-Jacques Augier, celui qui fut le trésorier de la campagne de François Hollande, un ancien énarque de sa promotion devenu chef d’entreprise, possède deux comptes dans les iles Caïmans. En pleine affaire Cahuzac, le gouvernement n’avait pas besoin de cette nouvelle affaire !
Au passage, on apprend que JJ Augier est homosexuel et propriétaire du journal Têtu : les adversaires du mariage pour tous, dont certains sont prompts à voir des complots ou des lobbys partout, ne manqueront pas de se saisir de l’information et d’en déduire que le projet de loi est un renvoi d’ascenseur du président à son ancien trésorier.
Mais au-delà du début d’un feuilleton de plusieurs jours qui va très probablement agiter les médias, on trouve dans le même numéro du Monde deux autres informations inquiétantes ou révélatrices au choix.
La première concerne Gilles Bernheim, grand rabbin de France, considéré comme un grand intellectuel et philosophe. Ce dernier vient d’avouer avoir un nègre pour son dernier livre, lequel nègre n’a pas hésité à plagier un livre paru en 1996. Plus grave peut -être, le grand rabbin a nié pendant 10 jours avant de finir par reconnaître les faits. Mais si les « autorités morales » se mettent également à tricher, où va-t-on ?
La seconde concerne un sondage sur les sacrifices que les français sont prêts à faire, et que le quotidien titre « les Français gagnés par l’allergie fiscale ». Ce sondage a été réalisé pour le Monde et pour l’association « Lire la société », qui organise justement ce samedi un colloque sur le livre politique, colloque où interviendront sur la même table ronde, consacrée à « Notre exception culturelle : une ambition française », Jean Jacques Augier et Christiane Taubira…
A la question « s’il fallait demain faire des sacrifices pour améliorer la situation économique en France, seriez-vous personnellement prêts à », la proposition accepter plus de flexibilité sur le marché du travail a recueilli 64% de oui, renoncer à trois ou quatre jours de congés payés dans l’année 57 %, partager votre travail avec ceux qui n’en ont pas 49%, travailler jusqu’à 65 ans 46%, accepter une baisse de 10% de ses revenus 16% et accepter une augmentation des impôts et taxes 15%
On pourrait conclure que les Français ne veulent avant tout pas que l’on touche à leur pouvoir d’achat : le Monde insiste plus sur l’allergie fiscale. Et il note un point importnat : la société française est profondément divisée, les réponses varient fortement en fonction des choix politiques. Par exemple les électeurs du PC sont attachés au partage du travail quand les sympathisants de droite privilégient une flexibilité accrue.
Il faut noter la position des électeurs FN, qui sont seulement 24% pour le proposition 3, 37 % pour la proposition 4, 6% pour la proposition 5 et 3% pour la proposition 6 ! Cela reflète à mon sens que ces électeurs sont sans doute ceux qui ont le plus de défiance vis à vios des institutions quel qu’elles soient.
Mes plus anciens lecteurs savent l’importance que j’ai pu donner au livre de Algan et Cahuc, la société de défiance. Je viens d’acheter avec retard la suite, la fabrique de la défiance, dont on écoutera une présentation par l’un des auteurs. Daniel Cohen s’était expliqué dans un entretien avec Médiapart sur le sujet (les auteurs font partie de son équipe de chercheurs).
Il citait justement cette question et notait que la proposition de travailler gratuitement pour sauver son entreprise ne recueillait l’assentiment que de 25% des Français, les mettant en dernière position dans l’OCDE (les premiers étant comme toujours les scandinaves) devant l’Espagne où le score était de 42%.
Cette société de défiance qui mine le pays et contribue à rendre les Français malheureux ne peut que sortir renforcée des derniers événements.
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