S’appliquer à soi-même les principes que l’on impose aux autres, cela parait du bon sens. Mais c’est un bon sens qui n’est apparemment pas partagé par le législateur, qui n’hésite pas à exonérer l’Etat employeur de ce qu’il impose aux employeurs privés, sans que la raison de cette différence n’apparaisse justifiée.
Je suis beaucoup intervenu pour aider les entreprises à passer aux 35 heures au moment de la loi dite Aubry 1. Celle-ci était conçue de manière à ce que les partenaires sociaux ne puissent atteindre leurs objectifs propres (les 35 heures pour les syndicats et la flexibilité pour les employeurs) qu’en arrivant à un accord entre eux, donc à un compromis. Mon travail consistait notamment à trouver une solution acceptable pour chacune des deux parties.
J’ai ensuite fait quelques interventions dans la fonction publique. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que l’équilibre savamment monté pour le privé n’existait pas dans le public où l’employeur pouvait prendre des décisions unilatérales : la seule solution pour les organisations syndicales était donc le conflit.
J’ai alors compris que le législateur trouvait normal d’imposer des contraintes aux employeurs privés, pour la protection des salariés, mais qu’il ne se les appliquait pas.
Par exemple, un comité d’entreprise (obligatoire dans les entreprises d’au moins 50 salariés) est réuni au moins une fois par mois dans le privé. Son équivalent dans le public doit se réunir une fois par trimestre au moins, y compris dans des établissements hospitaliers qui comptent des milliers de salariés.
Autre exemple, le code du travail prévoit la possibilité de faire appel à des salariés en contrat à durée déterminée (CDD) mais encadre sévèrement cette pratique. L’Etat peut, lui, faire appel à des contractuels et les laisser dans une situation de précarité des années durant !
Plus récemment, j’ai lu qu’au moment même où la cour de cassation donnait tort à la crèche privée qui avait licenciée une salariées pour cause de port du voile, elle rendait un jugement inverse dans une autre affaire parce » que l’employeur appartenait à la sphère publique.
Je vois bien ce qui explique souvent ces différences : l’Etat étant supposé être l’arbitre suprême, il ne doit pas avoir à composer avec d’autres forces, fussent-elles les représentants du personnel. Je ne suis absolument pas d’accord mais j’arrive à comprendre.
Je ne comprends par contre pas du tout le dernier exemple qu’un ami m’a fait découvrir : il va devoir prendre sa retraite à 65 ans, parce que son employeur public en a décidé ainsi. Qu’il soit contractuel n’y change rien. Je rappelle pour ceux qui n’ont pas forcément suivi, que dans le privé, l’âge auquel un employeur peut obliger un salarié à partir est de 70 ans. Je ne vois aucune justification à ce que l’Etat employeur puisse s’exonérer de cette règle qui n’arrange pas les employeurs mais protège les salariés. Rappelons au passage qu’au Canada une telle possibilité laissée à l’employeur (même à 70 ans) est considérée comme anti constitutionnelle. Il est vrai que c’est un pays qui prend au sérieux la notion de liberté individuelle !
Cela fait un bon moment que je le pense : il faut supprimer toutes ces différences injustifiables entre public et privé et appliquer le code du travail dans la Fonction Publique
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