La loi est-elle la même pour tous ? Ce n’est pas le point de vue du Sénat, qui estime que les sanctions et délits commis pour défendre une cause « juste » doivent faire l’objet d’une amnistie. Sous la pression du Front de Gauche, le PS a modéré la proposition communiste, qui concernait notamment les syndicalistes, mais a fini par la voter.
Le Sénat a donc voté mercredi soir une proposition de loi visant à amnistier « les faits commis lors des mouvements et activités syndicales revendicatives, entre le 1er janvier 2007 et le 1er février 2013, passibles de cinq ans d'emprisonnement au plus ». Le texte d'origine prévoyait l'amnistie pour les faits commis avant le 6 mai 2012 et concernait les infractions passibles de dix ans de prison.
Les auteurs de la proposition de loi, nous dit le site JOL Press, estiment que, dans le cadre de récents mouvements sociaux, « trop de sanctions injustes ont été infligées qui ne visaient qu’à éteindre toute velléité de contestation. C’est parfois le simple affichage ou la distribution de tracts qui donnent lieu à des menaces ou assignations judiciaires ».
Considérant que l'action collective est « un droit inhérent à toute démocratie », les sénateurs signataires de ce texte, proposent donc d' « amnistier les faits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales ou revendicatives » ainsi que les faits commis à l'occasion de conflits du travail « en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou qu'ils sont susceptibles d'être retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur. »
Dit autrement, le parti communiste considère que casser tout dans une préfecture est légitime dans le cadre d’un conflit social.
« Il n'est pas forcément facile aux organisateurs de mouvements sociaux de prévenir les débordements » a justifié une sénatrice PS, Virginie Klès. La fermeture de Métaleurop avait illustré cette difficulté avec un délégué qui avait su prendre la tête de ses troupes pour leur permettre progressivement d’accepter la réalité.
Mais tous les syndicalistes qui se lancent dans des manifestations ne le font pas pour éviter les débordements : ils peuvent être les premiers à déchaîner la violence. Une source totalement fiable m’a ainsi raconté que les syndicalistes de l’usine de chocolat de Nestlé à Marseille, étaient allés menacer le directeur de l’usine chez lui et avait abattu ses chiens à coups de fusil de chasse, devant sa femme et ses enfants. Je ne suis même pas sûr que cet « exploit » a donné lieu à une condamnation, ni même à une plainte.
Le législateur a depuis longtemps considéré que les représentants du personnel devaient bénéficier d’une protection spéciale. Tout licenciement d’un délégué doit être validé par l’inspection du travail. Une rupture conventionnelle d’un élu du personnel doit faire l’objet d’un vote à bulletin secret du comité d’entreprise et être validé par l’inspecteur du travail. La jurisprudence a fini par obliger les directions à assurer aux représentants du personnel une carrière semblable à celle de leurs collègues.
Il existe bien sûr des patrons qui font tout pour casser du syndicaliste, ou pour favoriser des syndicats « maison » (encore que le phénomène soit plutôt à la baisse). Mais cela ne justifie pas de ne pas sanctionner les syndicalistes qui se laissent aller à des méthodes de voyou.
Le Parti socialiste n’a pas seulement édulcoré la proposition communiste en limitant la période de référence, il a restreint les cas d’amnistie à des causes bien précises : exit donc les agriculteurs, les faucheurs de maïs OGM mais les manifestations liées aux problèmes de logement bénéficieront de l’amnistie. Mais tout cela revient à prétendre que certaines causes(pourquoi celles-là ?) justifient d’enfreindre la loi. Si demain une droite revenue au pouvoir décidait d’amnistier les patrons condamnés, faudra-t-il trouver cela normal ?
Le gouvernement se serait bien passé d’une telle loi, lui qui d’après sa porte-parole veut « respecter un équilibre entre la légalité républicaine et en même temps le droit syndical », comme si le droit syndical ne faisait pas partie de la légalité républicaine !. Il ne s’est d’ailleurs pas empressé de la mettre à l’ordre du jour : le Parti Communiste a profité de sa « niche parlementaire « au Sénat et fera de même à l’Assemblée, ce qui l’oblige à attendre le mois de mai. Pour peu que les députés socialistes votent des amendements différents de ceux des sénateurs, la loi n’est pas encore publiée ! Mais il faut bien faire des fleurs au partenaire communiste, un an avant les municipales…
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