Le premier ministre vient de déclarer qu’il ne toucherait pas à l’âge légal de départ à la retraite. L’effort portera donc sur la durée de cotisation, une mesure qui prolongera l’orientation prise en 2003 avec la loi Fillon : donner plus d’importance au critère « durée de cotisation » qu’au critère d’âge. Il faudra cependant aussi repousser cette limite un jour.
Dans mes deux articles précédents, j’ai montré comment la démographie met mécaniquement le système en péril : quel que soit l’âge limite choisi, la proportion de ceux qui ont plus que cet âge par rapport à ceux qui ont moins ne fait qu’augmenter. L’évolution est énorme, au point que la part des retraites dans le PIB a été multipliée par 5 ou 6 depuis la Libération et qu’à l’horizon 2040, il faudrait sur ce seul critère reporter d’un moins 5 ans l’âge moyen du départ en retraite, à taux de cotisation et niveau de revenu des pensionnés par rapport aux actifs constant.
Si ce critère est absolument dominant sur le long terme, il en est d’autres moins importants mais qui jouent malgré tout un rôle dans l’équilibre des caisses de retraite.
Celui qui est le plus souvent mis en avant est le chômage. Ce critère est systématiquement mis en épingle par tous ceux qui refusent tout report de l’âge de la retraite ou augmentation de la durée de cotisation. C’est ce qui explique que les simulations du COR se font presque toutes avec une hypothèse de taux de chômage à 4.5%, taux que notre pays n’a pourtant pas connu depuis 35 ans !
Passer de 10 à 4.5 % de taux de chômage correspond à une hausse de 6% environ du montant des cotisations et ne modifie guère le coût des pensions (puisque les trimestres de chômage indemnisés sont validés). Dans la configuration de 2015, un prolongement de cotisation de un an à taux de chômage constant conduit à une augmentation de 2.5% du nombre de cotisants et une baisse de 5% du nombre de pensionnés : dit autrement, la réduction drastique du taux de chômage, si elle est par ailleurs souhaitable, aurait moins d’effet sur l’équilibre des retraites qu’un report de un an de l’âge moyen de départ !
Quand Le Point conclut son article sur les propos du premier ministre sur les retraites, par cette phrase « avec de moins en moins d'actifs, en raison du chômage qui explose, et de plus en plus de retraités, le système menace de s'effondrer », il se contente donc de nous indiquer une mauvaise direction. Le journaliste ne sait probablement pas que le nombre d’actifs a augmenté de 1 million de 2005 à 2011 !
J’ai signalé une autre variable, la part des femmes parmi les actifs. Aujourd’hui, l’évolution de l’activité des femmes joue favorablement sur l’équilibre des retraites : elles sont en effet très nombreuses parmi les cotisants, mais les retraitées ont des pensions assez faibles car elles n’ont généralement pas cotisé toute une carrière. Cette situation va évoluer progressivement, avec l’arrivée à l’âge de la retraite de femmes ayant eu une période d’activité plus longue que leurs mères, ce qui devrait augmenter le niveau des pensions des retraitées. Au point qu’on peut imaginer que, d’ici 20 ou 30 ans, certains remettent en cause les pensions de réversion, qui n’auront plus la justification d’antan, quand les femmes restaient au foyer !
Le gouvernement est en train, avec l’aval des partenaires sociaux, de toucher à un tabou : le niveau des pensions lui-même, avec l’idée que pendant quelques années, elles puissent ne pas suivre l’inflation. Il est vrai que le niveau de vie des retraités était quasiment au niveau de celui des actifs, et que quand le pouvoir d’achat de l’ensemble des Français baisse…
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