Ce qu’on peut appeler l’affaire Depardieu a montré toute la difficulté de « faire payer les riches », solution sur laquelle on peut observer un large consensus, du moins parmi tous ceux qui considèrent ne pas faire partie de la catégorie visée. Au point de faire oublier que l’ampleur des prélèvements obligatoires en France est d’un tel niveau qu’il ne peut être supporté par les seuls « riches ».
J’ai entendu un jour à la radio l’intervention d’un auditeur développant l’idée qu’il fallait augmenter l’impôt des riches pour faire face aux nouveaux besoins budgétaires du pays, plutôt que d’augmenter la TVA par exemple. Je m’étais dit que j’en ferais un article et puis le temps a passé et je ne l’ai pas fait.
Du moins c’est ce que je croyais : en voulant enregistrer le début de cet article (on n’est jamais trop prudent avec l’informatique !) j’ai découvert une ébauche sur le sujet avec le même titre. J’ai probablement abandonné parce que j’avais ouvert de manière trop large mon propos. Comme je ne veux rien cacher à mes lecteurs, je mets ce début en italique ci-dessous avant de revenir à mon propos.
Le rejet par le conseil constitutionnel de la taxe à 75 % sur la part des revenus au-delà du million d’euros montre parmi d’autres exemples la difficulté de mettre en œuvre le rêve de certains à gauche : faire porter le poids de l’impôt sur les seuls riches. Un mythe au regard de l’importance des prélèvements obligatoires dans notre pays.
Faire payer les pauvres a longtemps été la base des systèmes fiscaux : pour financer la guerre et l’administration des villes puis des Etats naissants, la logique consistait à prélever un surplus sur les paysans, soit directement (par la corvée ou le prélèvement d’une partie de la récolte) soit indirectement (par les taxes sur le commerce comme l’octroi ou par la diffusion d’une monnaie dévaluable). Les systèmes alternatifs qu’ont été l’esclavage ou le pillage des voisins avaient aussi leurs limites…
Le principal avantage du système est que si le montant individuel de l’impôt était par nature limité, il était multiplié par le nombre élevés des contributeurs qui représentaient souvent plus de 90 % de la population.
Là, j’étais parti pour un article de 15 pages, au moins, qui m’aurait demandé des heures et des heures de travail, ce n’étais pas vraiment raisonnable !
Quelques vieux numéros de La Croix trainant dans mes affaires, je suis tombé ce matin sur un numéro du 30 décembre 2012 et un billet de Geneviève Jurgensen intitulé « les millions manquants », billet qui me semble conjuguer les a priori des citoyens moyens et la bonne volonté d’une femme écrivant dans un journal catholique modéré. Je cite :
N’étions nous depuis longtemps convaincus que la solidarité reposait sur un cercle de plus en plus restreint de personnes qui devraient se réjouir d’avoir encore beaucoup à donner ?
Je ne sais pas bien ce que Geneviève Jurgensen met derrière son mot de solidarité, mais ce qu’elle dit est peut être une conviction partagée mais ne couvre pas la réalité :
- Les cotisations sociales qui financent la sécurité sociale, c’est-à-dire l’assurance maladie, les retraites, les allocations chômage et familiales, sont payées sur la base de la rémunération des environ 25 millions de travailleurs. On ne peut guère parler d’un cercle restrient. Les recettes se montent à plus de 600 milliards d’euros soit 30% du PIB !
- La TVA rapporte à l’Etat la moitié de ses recettes, soit environ 150 milliards par an. Elle repose sur la consommation de tous. L’existence de taux différenciés ne permet pas de la faire reposer sur les seuls très riches.
- En 2011, l’ISF a été supporté par environ 250 000 contribuables qui ont payé environ 17 000 euros chacun, ce qui au total a ramené 4.2 milliards dans les caisses de l’Etat. L’année précédente, l’assiette était plus large touchant près de 600 000 contribuables (qui ont payé un peu moins de 8 000 euros chacun) et rapporté 4,460 milliards ; Le candidat Hollande avait admis que sa proposition d’un taux de 75% était une affaire de principe et nbe rapporterait quasiment rien.
Plus loin notre rédactrice continue à émettre ce qu’elle imagine être du bon sens :
Le but devrait être que l’argent gagné en France, reste en France pour profiter à tous…
Faut-il en déduire que les Français ne devraient pas jouer les touristes à l’étranger et passer leurs vacances en France pour y dépenser sur place ?
Comme chacun sait, Madame Bettencourt tire l’essentiel de ses revenus de ses actions l’Oréal et Nestlé. En feuilletant le rapport de L’Oréal, je n’ai pas trouvé la part du chiffre d’affaire fait en France, mais celui sur l’ensemble de l’Europe de l’ouest représente seulement 38% du total et il croit moins vite que celui-ci. Je ne suis pas sur que la part de la France soit supérieure à 10% ! Et je rappelle que Nestlé est une entreprise suisse. Que faut-il en déduire sur la fiscalité à appliquer à Mme Bettencourt ?
Plus loin dans son article, la rédactrice estime qu’il y a un lien entre le fait que certains gagnent trop et d’autres rien, et cite l’exemple au sein des jeunes générations entre des gens de niveau de diplôme comparable. Evidemment, elle ne donne aucun exemple et aucune preuve de ce qu’elle avance. Je suis désolé de le dire brutalement, mais j’appelle cela des propos de bistrot !
Et pourtant, cela arrive, des liens entre les avantages des uns et les inconvénients des autres. Par exemple entre la forte protection des CDI contre les licenciements économiques et l’augmentation du nombre de salariés précaires. Mais on est loin des questions de niveaux de fortune !
Les commentaires récents