Le nombre de 15/ 59 ans a baissé de plus de 3 millions en Chine en 2012, suscitant l’inquiétude de certains dirigeants. Au point que le Monde daté du 24 février titre (prématurément) « la Chine revient sur le dogme de l’enfant unique » et sous-titre que « le déclin démographique menace le développement économique du pays.
La Chine bénéficie en effet jusqu’à présent d’un taux d’actifs potentiels très élevé, ce qui est évidemment une chance : les adultes en âge de travailler sont nombreux au regard des personnes trop âgées ou trop jeunes pour le faire, donc à nourrir par les premiers. La pyramide des âges a une forme de toupie, avec un renflement au milieu, pour les classes d’âge qui ont entre 40 et 50 ans.
Dans les années 1930/ 1970, la Chine connait la croissance démographique fulgurante d’un pays qui bénéficie des progrès de l’hygiène et de la médecine pour réduire la mortalité infantile mais conserve les taux de natalité élevé. Résultat, le nombre de naissances augmente chaque année, et les classes d’âge anciennes ont un poids faible dans la pyramide des âges. Au regard de l’ensemble de la population, ceux qui sont nés avant 1950, ceux qui ont plus de 60 ans aujourd’hui, sont peu nombreux.
L’INED estime qu’en 2013, la population des plus de 65 ans est en Chine de 120 millions environ, soit 9% de la population totale. A titre de comparaison, les plus de 65 ans représentent en France 18% de la population, en Allemagne 21%. Mais cette proportion a tendance à augmenter (et devrait le faire rapidement dans les prochaines décennies) sous la double influence de l’augmentation de l’espérance de vie et de l’arrivée des classes plus nombreuses. En 1950, la proportion de plus de 60 ans (donc un ensemble plus vaste que les plus de 65 ans) n’était que de 7.5% du total.
Mais la Chine a aussi connu dans les années 70 une chute brutale de la fécondité et un arrêt brutal de l’augmentation du nombre de naissances. L’indice de fécondité qui était monter au niveau record de de 7,41 enfants par femme en 1963 (après la fin des famines liées au « grand bond en avant ») passant de 5,75 à 2,75 enfants par femme de 1970 à 1978. L’article de Wikipédia sur le sujet donne un indice de fécondité de 1.73 enfants par femme en 2005 et l’INED donne un indice de 1.55 pour 2013 !
Les classes d’âge les plus nombreuses se trouvent donc être aujourd’hui celles des 40/ 50 ans. Après un rebond entre 1985 et 1990 (avec l’arrivée à l’âge adulte des classes d’âge nombreuses nées entre 1960 et 1970) le nombre de naissances ne cesse de diminuer. En 2005, le taux de natalité est encore de 13.25 pour mille. En 2013, il n’est plus que de 11.8 pour mille.
Des naissances qui baissent régulièrement, c’est un nombre d’enfants à élever faible, au moins dans un premier temps.
Au final, on trouve (page 145) dans un document de l’INED le tableau récapitulatif suivant pour la Chine (les données de 2030 sont évidemment des prévisions) :
|
1950 |
2005 |
2030 |
Moins de 15 ans |
33.5 % |
21.6 % |
15.8 % |
60 ans et plus |
7.5 % |
11.0% |
24.4% |
15/ 59 ans |
59% |
67.4 % |
59.8% |
Ratio non actifs/ actifs potentiels |
0.69 |
0.48 |
0.67 |
La situation actuelle est donc en termes de proportion des personnes en âge de travailler, la plus favorable. Si on considère que 2030, c’est demain, on comprend que cette situation favorable est en train de se retourner, avec un papy-boom qui commence déjà à faire de l’effet.
Dans un pays qui n’a guère pour l’instant de système d’assurance vieillesse digne de ce nom, on imagine la situation d’un jeune de 10 ans aujourd’hui, fils unique de parents eux-mêmes enfants uniques, et qui pourrait se retrouver à 40 ans à devoir subvenir seul aux besoins de deux parents et quatre grands parents tous retraités ! Il est probable que devant l’afflux de seniors, la Chine sera amenée à reporter de quelques années l’âge de la retraite. Il est plus difficile de prévoir ce que donnera sur la prise de risque ou la politique d’innovation, le fait que les plus jeunes soient minoritaires et que les places de décideurs soient de facto trustées par les plus âgés.
Le Monde note que le nouveau numéro un chinois n’a pas prononcé dans son discours inaugural la phrase rituelle « maintenir un taux de natalité bas » et se demande donc si la Chine ne s’apprête pas à abandonner la politique de l’enfant unique. Mais il cite en fin d’article un chercheur qui estime qu’en ville, le taux de fécondité ne remontera pas en raison du coût élevé des études.
On peut se demander cependant quel impact a réellement la politique menée, y compris par des régimes autoritaires, sur la natalité. Justement, l’INED a mis en ligne fin janvier 2013, trois vidéos qui traitent de la démographie de la Chine.
Gilles Pison, directeur de recherche à l’INED observe que les pays voisins de la Chine (la Thaïlande, Taiwan ou Hong Kong) ont connu dans les années 70 la même baisse très rapide du taux de fécondité, sans pourtant recourir aux méthodes autoritaires pratiquées en Chine Populaire. Il observe aussi que l’Iran a connu une décrit une décrue encore plus rapide dans les années 80 (voir un article que j’ai écrit sur le sujet) et que les méthodes autoritaires menées par l’Inde après l’indépendance, sans doute trop précoces, n’ont pas donné les effets attendus.
Gilles Pison aborde aussi la question des avortements et infanticides sélectifs qui conduisent à un ratio très élevé du nombre de garçons, à 120 garçons pour 100 filles dans les naissances (contre 105 naturellement) ratio qui pourrait accélérer la décrue démographique du fait du manque de filles demain.
Deux articles, l’un de 2008, l’autre de 2012, d’une revue géopolitique on line, voient dans ce déficit de filles un grand risque de dérèglements sociaux pour le pays. Le premier article donne des chiffres pour la population de jeunes en 2005(en milliers)
|
15/19 ans |
10/14 ans |
5/9 ans |
0/4 ans |
garçons |
64 832 |
54 290 |
50 051 |
43 792 |
filles |
59 780 |
48 812 |
43 845 |
38 383 |
Le déficit de filles (un millions par an !) est frappant, mais la baisse de la natalité également : en 15 ans, près de un tiers de naissances en moins ! Cependant, le taux de natalité indiqué par l’INED correspond à 16 millions d’enfants par an, soit le même niveau qu’en 2005. Et un peu moins de 20 fois la natalité française.
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