Pour justifier son exil fiscal, Gérard Depardieu a déclaré avoir payé 85% de ses revenus 2011 en impôts, ce qui a conduit nombre de spéculations sur ce qui l’a amené à ce résultat. Certains se sont demandés pourquoi il n’avait pas utilisé les nombreux moyens d’optimisation fiscale qui lui auraient permis de réduire ses impôts.
On avait déjà l’impression d’un système absurde, avec des taux élevés peu pratiqués en raison de nombreuses niches fiscales (qui ont fait l’objet d’un rapport spécifique). Voilà maintenant qu’il faut comprendre que l’usage de ces niches ne serait pas une possibilité mais une obligation : vraiment, on marche sur la tête !
On commence à avoir le même problème de taux élevés couplés à des dérogations massives pour les cotisations sociales : sont exemptées les sommes versées au titre de la participation et de l’intéressement ou par exemple à travers les chèques déjeuner, mais aussi sur les bas salaires, ou dans les zones franches etc. etc.
Au moment du passage aux 35 heures, pour en compenser le coût, Martine Aubry a fortement élargi les aides pour les salaires les plus bas, ce qui a représenté un montant très élevé (en dizaines de milliards). On a entendu ensuite des responsables politiques de gauche demander que les entreprises amenées à licencier remboursent ces aides, dont je n’avais pas compris qu’elles avaient pour but d’obliger les entreprises à gérer leurs effectifs, non pas en fonction de leurs besoins, mais en fonction des diktats politiques.
On entend aussi largement dire qu’il faut taxer le capital comme le travail, mais on continue à exonérer totalement le livret A sous prétexte de financer le logement social et les placements à plus de 5 ans (et en premier lieu l’assurance vie) au prétexte de favoriser l’épargne longue, en réalité pour financer les déficits de l’Etat. Ne serait-il pas plus simple et probablement plus rentable pour l’Etat qu’il attribue directement du capital aux organismes HLM et qu’il évite de multiplier les déficits, y compris en période de croissance forte ?
Quand je dis qu’on marche sur la tête !
On veut faire payer les revenus du capital comme ceux du travail, mais le gouvernement s’est empressé de faire voter une loi portant le nom de Cécile Duflot ministre du logement, pour largement aider financièrement ceux qui veulent acheter un logement à fin de le louer. Cette loi succède à l’amendement Scelier qui a succédé aux dispositifs De Robien, qui succédaient aux lois Besson, et avant c’était Périssol, mis en place en 1996.
Cela fait donc maintenant 16 ans qu’à travers des dispositifs mis en place alternativement par la droite et la gauche, l’Etat subventionne massivement les riches pour qu’ils investissent dans la pierre. Le problème ne serait-il pas ailleurs ? Par exemple dans le fait qu’on empêche les mécanismes normaux de marché de fonctionner (il faut des années pour faire partir un locataire indélicat…), et on s’étonne ensuite que les propriétaires demandent aux locataires des garanties ahurissantes. Est-ce que cela existe dans les autres pays ? Non ! Mais pourquoi regarder ailleurs alors que nous avons la meilleure administration du monde ?
On marche sur la tête !
Autre grand sujet, qui pousse l’actuel gouvernement à vouloir créer une nouvelle banque : le financement des PME. Il existe pourtant des dispositifs fiscaux pour apporter du capital aux entreprises innovantes (et toutes les banques le propose à leurs clients). Le métier des banques devrait normalement aussi être de pouvoir apporter du crédit à leurs clients. Et pourtant, la droite et la gauche s’interrogent depuis des années sur les moyens de financer les PME.
S’il s’agit de financer l’investissement, il existe normalement un mécanisme qui s’appelle l’auto financement. Mais peut-on admettre que le problème des PME françaises est qu’elles ne font pas assez de profit ?
Une entreprise peut aussi avoir besoin de financer son fonds de roulement. En France, les PME ont besoin d’un fonds de roulement très élevé parce qu’elles sont payées avec des délais aberrants (qui n’existent pas dans les autres pays) par la plupart de leurs clients : la grande distribution paye à 90 jours et se fait son fonds de roulement au détriment de ses fournisseurs, les grands groupes payent quand ils le veulent bien (un entrepreneur me citait la semaine dernière un produit payé 14 mois après sa livraison !), et ne parlons pas de l’Etat !
Plutôt que de remettre en cause ce système, les responsables politiques ont inventé le 2 janvier 1981 (il y a seulement 31 ans…) un système pour s’en accommoder : la mobilisation Dailly qui consiste à présenter à sa banque les factures émises en attendant qu’elles soient payées, les banques étant (théoriquement) obligées de faire crédit sur cette base.
Décidément, on marche sur la tête !
Comme le faisait remarquer un de mes amis, on a beau mettre nos meilleurs cerveaux à Bercy, le mode de fonctionnement administratif stérilise toute cette intelligence.
Donc on va continuer à fonctionner avec un Etat qui sait mieux que les citoyens ce qui est bon pour eux, ce qui l’autorise à faire vivre et complexifier en permanence un arsenal de normes en tous genres et un maquis fiscal incompréhensible.
Pendant combien de temps va-t-on continuer à marcher sur la tête ?
Les commentaires récents