Difficile de s’y retrouver dans les chiffres du chômage ! La DARES publie ainsi trois séries statistiques différentes qui aboutissent à trois valeurs pour le nombre annuel de licenciements économiques, entre 60 000 et 180 000 ! En cause, une grande complexité de la réalité et la volonté de sortir très vite les chiffres de Pôle Emploi.
Tous les mois, la DARES (le service de statistiques du ministère du travail) publie les résultats du chômage. Les résultats du mois d’octobre ont ainsi été publiés le 27 novembre, en même temps qu’un communiqué de presse. Ce qui signifie qu’il a fallu remonter et agréger les données de toute la France, en faire une analyse, les corriger des variations saisonnières et publier le document qui donne les chiffres et les commentaires, ainsi que le communiqué de presse qui va avec.
Il faut donc ne pas s’étonner que dans la répartition du flux d’entrées au chapitre 6a, on trouve, sur un total de 506 500, 204 000 entrées rangées dans la catégorie « autres cas », soit 40%. De même, dans le flux de sorties, sur 454 400 sorties au mois d’octobre, on compte 193 800 cessations d'inscription pour défaut d'actualisation (soit environ 43% du total) 37 600 radiations administratives et 46 300 autres cas. Dit autrement, pour 277 700 personnes, soit 61% des cas, on ne sait pas vraiment ce qui s’est passé.
Une fois qu’elle a satisfait à la demande pressante des autorités et des médias, la DARES cherche à produire des données plus proches de la réalité. Pour cela, elle réalise des enquêtes, l’une que j’ai repérée depuis longtemps porte sur les flux de main d’œuvre dans les entreprises, l’autre, ancienne mais que je viens seulement de découvrir, porte sur les sortants de Pôle emploi.
Avant d’analyser cette enquête « Sortants », il faut rappeler que Pôle emploi classe les demandeurs d’emploi en plusieurs catégories :
Les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi sont regroupés en différentes catégories. Conformément aux recommandations du rapport du Cnis sur la définition d’indicateurs en matière d’emploi, de chômage, de sous-emploi et de précarité de l’emploi (septembre 2008), la Dares et
Pôle emploi présentent à des fins d’analyse statistique les données sur les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi en fonction des catégories suivantes :
- catégorie A : demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, sans emploi ;
- catégorie B : demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, ayant exercé une activité réduite courte (i.e. de 78 heures ou moins au cours du mois) ;
- catégorie C : demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, ayant exercé une activité réduite longue (i.e. de plus de 78 heures au cours du mois) ;
- catégorie D : demandeurs d’emploi non tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi (en raison d’un stage, d’une formation, d’une maladie…) y compris les demandeurs d’emplois en convention de reclassement personnalisé (CRP), en contrat de transition professionnelle
(CTP) ou en contrat de sécurisation professionnelle (CSP), sans emploi ;
- catégorie E : demandeurs d’emploi non tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, en emploi (par exemple : bénéficiaires de contrats aidés, créateurs d’entreprise).
Dans les fichiers administratifs de Pôle emploi, huit catégories de demandeurs d’emploi sont utilisées (catégories 1 à 8). Ces catégories ont été définies par arrêté (arrêté du 5 février 1992 complété par l’arrêté du 5 mai 1995). Jusqu’au mois de février 2009, les publications étaient fondées sur ces catégories. Le tableau suivant présente la correspondance entre les catégories utilisées à des fins de publication statistique à partir de mars 2009 et les catégories administratives auxquelles Pôle emploi a recours dans sa gestion des demandeurs d’emploi : La situation réelle au regard de l’emploi des demandeurs d’emploi peut, dans certains cas, ne pas correspondre à la catégorie dans laquelle ils sont enregistrés : si cette correspondance est contrôlée pour les demandeurs d’emploi indemnisés, il n’en est pas de même des demandeurs d’emploi non indemnisés.
Les entrées et les sorties des listes de Pôle emploi sont enregistrées pour l’ensemble A, B, C et non au niveau de chacune des catégories A, B ou C. On ne peut comprendre l’enquête « sortants « si on n’a pas en tête qu’elle comprend des personnes qui cherchent un travail pour faire plus d’heures par mois.
Un numéro de « DARES Indicateurs » daté de mars 2011 analyse les sorties de Pôle emploi en septembre 2010 tels qu’ils ressortent de l’enquête sortants. Notons que cette analyse fine est faite au bout de 6 mois et non 15 jours…
Le tableau 1 donne la répartition des 461 000 sorties de septembre 2010 (pour 454.300 comptées en octobre 2010). 44.7% sont dues à des reprises d’emploi soit environ 206 000. Le document paru le 26 octobre concernant le même mois en avait identifié 100 000, soit deux fois moins.
Le tableau 1 nous donne aussi «les défauts d’actualisation suivi d’une réinscription » (la note parle d’oubli ou de retard) : ils concernent 18.3 % des sortants soit 84 000 !
Dans la multitude des situations, en affinant l’exercice, le nombre de sorties réelles a baissé de 85 000 et le nombre de reprises augmenté de 106 000. Il reste cependant un écart de 166 000 entre les sortants de Pôle emploi et les reprises de travail. Les autres catégories identifiées dans l’enquête sortants nous expliquent (un peu !) ces différentes sorties
Le document donne à la fin une définition des termes utilisés, définition qui permet de prendre conscience de la grande variété des situations rencontrées ! J’en ai profité pour indiquer le pourcentage donné par le tableau 1
Motif réel |
Définitions |
|
Reprise d'emploi |
Reprise d'emploi |
44.7% |
Formation |
Formation |
10.3% |
Retraite, dispense de recherche d’emploi |
Départ en retraite, dispense de recherche d’emploi |
1.5% |
Arrêt de recherche d'emploi temporaire |
Maladie, congé de maternité, congé parental, déplacement, vacances, service militaire |
7.8% |
Non-renouvellement volontaire de la demande |
N'est plus indemnisé, ne recherche plus d'emploi, ne voit plus l'intérêt d'être inscrit |
3.2% |
Non-renouvellement accidentel de la demande |
Problème de carte de séjour, oubli de téléphoner ou ignorance sur le fait qu'il fallait téléphoner, problème de télé actualisation |
7.7% |
Défaut d'actualisation suivi d'une réinscription |
Oubli, retard d’actualisation de la situation mensuelle suivi d'une réinscription immédiate |
18.3% |
Radiation administrative |
Radiation administrative confirmée par le demandeur d'emploi |
1.8% |
Autre motif de sortie |
Décès, prison, déménagement, ne sait pas, refus, autres |
4.6% |
Tout n’est pas clair pour autant. Le calcul nous donne environ 7 000 départs en retraite ou en DRE ce mois-là, soit autour de 85 000 par an. Ce n’est pas assez pour faire le complément de ce que nous donnera l’enquête Mouvements de Main d’œuvre : les données ne sont qu’approchées.
L’enquête « mouvements de main d’œuvre » analyse les flux d’entrées et de sorties, non pas de Pôle emploi, mais des entreprises du secteur concurrentiel (hors sociétés d’intérim). Bien entendu, il doit y avoir un lien, mais celui-ci n’est que partiel (par exemple une sortie pour démission conduit la plupart temps à une embauche sans passer par la case Pôle Emploi).
L’enquête MMO donne d’ailleurs un nombre de mouvements beaucoup plus importants que ce que donne Pôle Emploi, dont in vient pourtant de voir que c’était sur estimé. Pôle Emploi enregistre environ 5.5 millions d’entrées et de sorties par an (4.5 si on en enlève les défauts d’actualisatuion suivi de réinscription). Les seules entreprises du secteur concurrentiel nous donne un flux d’entrées et de sorties d’environ 9 millions par an !
Il y aurait donc environ la moitié de ceux qui sortent dans l’entreprise qui ne passeraient pas par la case Pôle Emploi, généralement parce qu’ils ont trouvé un autre travail dans la foulée, ce qui n’est pas étonnant pour les démissions, mais l’est un peu plus pour les fins de CDD, qui représentent la grosse masse des sorties de l’entreprise.
L’enquête MMO donne un taux de licenciement économique de 0.3% en 2011 (avec une forte baisse par rapport aux années précédentes, ce qui donnerait pour 18 000 000 de salariés environ 55 000 (+ ou – 18 000) licenciements économiques, une valeur qui parait très basse.
Pôle emploi signalait 12 800 entrées suite à un licenciement économique pour le seul mois d’octobre 2011. La DARES fournit des valeurs beaucoup plus précises dans sa série sur les dispositifs publics d’accompagnement des restructurations, mais celles-ci demandent également du temps : les dernières données disponibles datent de juin 2012 ! Elles donnent 14 214 licenciés en octobre 2011. Certains ne passent pas forcément par la case Pôle emploi (retraite, embauche ou création d’entreprise. On arrive en tous les cas à un total annuel pour 2011 de prés de 180 000 licenciements économiques
On peut rêver d’avoir un jour des données plus précises, mais la situation de Pôle Emploi, où la fusion ANPE / Assedic ne semble pas encore digérée ne fait pas augurer que ce soit pour demain. Il faut donc se contenter de ce qu’on a pour l’instant, en sachant que les chiffres sont approximatifs, certains plus que d’autres, en particulier ceux qui sortent très vite.
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