Sous ce titre et en trois tomes, l’auteur de bandes dessinées David Ratte raconte l’histoire imaginaire de trois des pères de disciples de Jésus partis récupérer leur progéniture, et qui cheminent ensemble (ou presque), depuis Capharnaüm jusque Jérusalem. C’est parfois drôle, parfois triste, bien dessiné, et cela donne à penser : une réussite déjà saluée par un prix à Angoulême en 2008.
L’auteur nous invite donc à suivre Jonas, une tête de mule père de Pierre et André, Alphée, père de Matthieu le publicain et Simon, un grand taiseux père de Juda. Dans leur voyage, ils font diverses rencontres, en particulier celles de deux anciennes prostituées, bouleversées par le pardon de Jésus, qu’ils vont retrouver plusieurs fois et qui partageront leur quête.
De la pêche miraculeuse qui précède l’appel des premiers disciples à l’Ascension du Christ quelques temps après la Résurrection, le texte respecte scrupuleusement les évangiles. On ne relèvera que deux « erreurs », directement liées à la partie imaginaire introduite par l’auteur : dans l’Evangile, Jésus guérit la belle-mère de Pierre, et David Ratte lui a fait guérir la belle-mère de Jonas, le père de Pierre. Ce même Jonas propose à Zébédée, son associé de pêche, de partir à la recherche de leur fils (ce qu’il refuse) et lui fait dire que son épouse est décédée un an plus tôt, quand les Evangiles nous montrent « la mère des fils de Zébédée » pousser ceux-ci à réclamer les places d’honneur.
Les trois pères se rencontrent dès la page 14 du premier tome. Ils vont croiser divers personnages, une partie de ceux cités dans les Evangiles (par exemple des personnes guéries par Jésus) mais surtout des personnages de toutes sortes, juifs ou pas, qui permettent à l’auteur de raconter par leur bouche une partie de ce que racontent les Evangiles, ou de montrer les diverses (très diverses) réactions des uns et des autres.
L’auteur affirme dans un entretien que « De toute façon, la matière première de cette série n’est pas la religion chrétienne, mais les évangiles. Ce que je veux dire c’est que je me suis basé uniquement sur le récit biblique sans prendre en compte les dogmes de l’église qui pour certains ont été rajoutés des siècles plus tard. »
Effectivement, il ne s’encombre pas de Sainte Trinité ou d’autres considérations qui sont nées très progressivement de la réflexion des chrétiens. Il est par contre frappant de voir comment il peut être proche, non seulement du coté factuel de l’histoire racontée dans les évangiles, mais aussi du message du Christ, en particulier sur deux thèmes majeurs, particulièrement explicites dans le dernier tome.
Le premier thème est celui de ceux à qui s’adressent Jésus. Comme le déclare Jonas (le père de Pierre) dans le dernier tome, Jésus « n’est pas bien regardant au niveau du recrutement ». Il faut dire que non seulement deux anciennes prostituées sont devenues disciples, mais elles viennent de découvrir que leur maquereau, dont on fait connaissance comme un personnage bien peu reluisant au premier tome, est lui aussi devenu disciple. Ce qui leur fait dire « c’est hallucinant », la miséricorde du Seigneur était infinie ».
Le deuxième thème est celui de la conversion. Les pères cherchent leurs enfants et suivent Jésus à la trace, sans jamais le trouver. Mais quand Alphée, le père de Thomas change d’objectif et décide de s’intéresser à Jésus, il ne lui faut pas 24 heures pour le trouver : comme si la quête ne pouvait déboucher que si elle part sur de bonnes bases
Jonas, le père de Pierre, qui est le véritable héros de l’aventure, est complétement fermé à ce que représente Jésus, et il garde son scepticisme en toute circonstance. Il continue à se comporter comme le pire des beaufs tout au long de l’histoire, et à déraper chaque fois qu’il se saoule. Son dernier dérapage va réussir à mettre en colère le pourtant très placide et taiseux Simon qui lui enjoint d’arrêter de boire. A partir de là, Jonas lui-même va finir par approcher la réalité de ce Jésus, à sa manière toujours lente. Et la dernière page le voit rentrer chez lui sans ses fils, parce que, dit-il à sa femme, « ils ont grandi ». Et celle-ci de lui répondre « toi aussi tu as grandi »
Une magnifique série donc, qui donne à penser.
Les commentaires récents