Deux hauts responsables anglo-saxons, celui de la CIA et celui de la BBC viennent de donner leur démission, dans les deux cas pour des questions liés à la sexualité. La démission est-elle la réaction normale d’un responsable même s’il n’est pas coupable ou une logique de fusible qui protège les vrais responsables ?
Le général Pétraeus dirigeait la CIA après s’être fait brillamment remarquer en Irak et en Afghanistan. Il a eu une liaison avec une femme de 21 ans plus jeune que lui, officier des renseignements militaires, qui écrivait sa biographie. Cette liaison a été révélée par un enquête du FBI, suite à une plainte d’une autre femme qui se voyait harcelée par la biographe, pour des raisons non encore publiées.
Pour éviter qu’ils ne puissent donner prise à un chantage, les salariés du FBI n’ont pas le droit d’avoir de liaison extra conjugales, une règle que leur patron n’a pas respecté : la démission était donc logique une fois la dite liaison révélée.
George Entwistle, directeur général de la BBC depuis septembre dernier, a démissionné samedi soir après la diffusion par sa chaine d’une enquête accusant à tort de pédophilie un ex-responsable politique conservateur de l'ère Thatcher.
Il se trouve que la BBC est également confrontée à une autre affaire de pédophilie : l’un de ses anciens animateurs vedettes, Jimmy Savile, décédé l’an dernier à l’âge de 84 ans, aurait abusé sexuellement de 300 enfants et adolescentes, au moins pour une part dans les locaux de la BBC, et celle-ci aurait tenté d’étouffer l’affaire.
Comme on le comprend, ces deux affaires conjuguent monde anglo-saxon, sexualité et démission du responsable d’une très grande institution, mais les circonstances sont très différentes. La principale différence est le fait que l’on reproche au général Pétraeus son comportement sexuel personnel, alors que l’on reproche à George Entwistle sa gestion de la qualité de l’information.
La première affaire ne me semble pas poser de question : le général savait parfaitement qu’il dérogeait aux règles de l’institution qu’il présidait. Il n’en est pas de même pour la seconde :
- Doit-on demander la démission d’un responsable dès la dénonciation des faits ou doit-on attendre les résultats d’une enquête (celle-ci pouvant être diligentée rapidement)
- Doit-on demander au directeur général qu’il s’assure que les documentaires d’information ne tombent pas dans la diffamation ou au contraire qu’il laisse les responsables de l’émission libres ? Il se trouve qu’on reproche à la même émission d’avoir déprogrammé l’an dernier un documentaire sur les accusations contre Jimmy Saville et que le prédécesseur de Entwistle se défend d’avoir joué un rôle dans la décision !
Il faut noter que la BBC est très attentive à la qualité de ses documentaires. Un commentateur chez Econoclaste expliquait ainsi qu’un assistant était chargé de vérifier que les affirmations des documentaires reposaient sur des sources identifiées et probantes. Il remarquait que ce n’était absolument pas le cas chez nous.
Ce type de démission pourrait-il avoir lieu chez nous ? Il me semble d’une part que la raison n’en est que rarement sexuelle (pour ne pas dire jamais) et d’autre part que les responsables ne démissionnent pas si facilement. Mais n’est-ce pas un a priori ?
Pour ce qui est du sexe, un seul exemple vient en tête, c’est celui de DSK. On remarquera tout de suite que c’est aux USA qu’il est tombé (plus on avance, moins l’affaire du Carlton parait claire). Pendant sa présidence, VGE était « accusé » de rentrer « à l’heure du laitier » mais cela n’avait pas de conséquences, à part de faire grimper les ventes du Canard Enchainé. Mais Chaban et Chirac était aussi réputés pour être coureurs : on ne leur en voulait pas pour autant. Ni à Rocard ou à Sarkozy d’avoir divorcés plusieurs fois. Il est vrai que Bill Clinton a réussi à survivre à un scandale sexuel.
Pour ce qui est de la démission des responsables, l’actualité nous offre sur un plateau le cas d’une mise en examen d’un personnage public : Martine Aubry a été mise en examen pour le rôle qu’elle a joué (ou plutôt pas joué) comme directrice du travail (et donc comme haut fonctionnaire et non comme personnage politique) entre 1984 et 1987, ses services étant considérés comme ayant tardés à décliner une directive européenne sur l’amiante.
Les politiques qui ont réagi à cette mise en examen se sont étonnés d’une mise en cause qui survient aussi longtemps après les faits. Il faut dire que les conséquences de l’exposition à un cancer peuvent se manifester 30 ou 40 ans plus tard.
Il est vrai aussi que sur ce sujet, il semble facile de dire après coup ce qu’il aurait fallu faire. Si les risques de l’amiante sont connus depuis longtemps (un rapport anglais en parle en 1898 !) il semble qu’on ait cru possible de les maîtriser avec des mesures de limitation de la concentration.
Cela peut sembler aberrant aujourd’hui, mais c’est exactement ce que l’on a fait dans les mines de charbon concernées par la silicose et la pneumoconiose (celles du Nord Pas de calais par exemple mais pas celles de Gardanne) : la suppression de la foration à sec en 1954 a fait cesser ce qui causait des morts très prématurées , mais la présence de poussière siliceuse dans l’atmosphère des mines a continué, avec des taux beaucoup plus faibles, jusqu’à la fermeture à la fin des années 80 !
La difficulté est de trouver la bonne posture entre un système qui laissait hier les responsables impunis et ceux qui voudraient aujourd’hui trouver un coupable même quand cela ne parait pas possible, comme on l’a vu à la suite de la catastrophe de l’Aquila
Le gouvernement actuel veut lancer un débat sur la transition énergétique. Greenpeace et d’autres associations s’offusquent de la présence d’Anne Lauvergeon parmi les organisateurs de ce débat. Quand on refuse la présence au débat de ceux qui ne pensent pas comme vous, on est mal parti !
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