La démocratie est-elle en crise, ou sommes-nous simplement face à ce qui en fait le plus mauvais système à l’exception de tous les autres ? Est-elle devenue inefficace comme moyen de gouvernement et incapable de se réformer ? Ne suscite t-elle pas une défiance nouvelle au sein de la population ? Autant de questions pour les quelles je sollicite l’avis de mes lecteurs !
L’un de mes amis, très pertinent dans son domaine professionnel, et, comme beaucoup de ceux qui le sont, très humble dans ce qui est hors de son domaine, mais qui peut l’intéresser malgré tout, s’interroge sur l’efficacité de notre système politique et fait donc appel à ceux qui, autour de lui, paraissent capables d’avoir des idées sur la question. Je ne suis pas sûr d’avoir bien compris ce qui motive son sentiment, mais à sa suite et comme je n’hésite jamais à aller fouiller une question qui m’intéresse même sans en être un spécialiste, je me propose de m’interroger sur l’état de notre système démocratique. Et j’espère que mes lecteurs, par leurs réactions, feront avancer la réflexion !
Il me semble qu’on peut prendre la question en deux parties, avec chacune deux sous parties (avec cela, je vais bientôt pouvoir passer le concours de Sciences Po !).
- La première question est celle de l’efficacité actuelle du système, question que l’on peut scinder en efficacité par rapport aux objectifs propres à une démocratie et en efficacité comme système de gouvernement chargé de traiter les problèmes qui se posent à l’Etat
- La seconde question est celle de la défiance dont me semblent faire preuve de plus en plus de citoyens (défiance qui se caractérise notamment par une défection de la participation aux élections). Cette défiance concerne t-elle les seuls élus (celle là me parait manifeste) ou concerne t-elle le système lui-même (ou du moins la manière dont il est appliqué) ?
Je ne suis pas sûr que mon ami avait en tête l’ensemble de ces questions en apostrophant ses amis, mais il me semble que l’on ne peut pas aborder la question de la démocratie sous un angle limité (par exemple son efficacité dans l’utilisation des deniers de l’Etat), sans prendre en compte l’ensemble : je ne suis par exemple pas prêt à perdre ma liberté d’expression en échange d’une supposée meilleure efficacité de l’Etat.
Après écriture des premiers articles, je me suis aperçu que je m’écartais de la question posée par mon ami, et que je me refusais ainsi à aborder les conséquences du système électoral lui-même et de l’organisation des pouvoirs respectifs du gouvernement et des assemblées. A cela deux raisons : d’abord je répugne à remettre en cause le principe même du vote et ensuite je ne suis guère compétent en la matière. Je me suis cependant obligé à aller jusqu’au bout de la réflexion en abordant aussi ces sujets dans un article (encore à écrire). Et j’en profiterai pour m’appuyer sur les idées exprimées par le rapport Jospin.
Le champ est potentiellement extrêmement vaste. Je me laisse la liberté d’aborder les détails que je jugerai utiles et d’en laisser dans l’ombre d’autres peut être plus pertinents. Comme mon premier objet est d’amorcer la réflexion du groupe lancé par mon ami, cela ne me parait pas bien grave, mais libre aussi aux commentateurs d’élargir vers telle ou telle direction la réflexion, à condition que cela reste dans la question générale telle que je viens de la définir ci-dessus.
Pour trouver un équilibre entre le fait d’effleurer de trop loin le sujet et le fait de s’y noyer, le mieux est peut-être de publier un(voire deux) article sur chacune de ces quatre sous parties. Je vais m’y atteler dans la mesure de mes disponibilités et des autres sollicitations de l’actualité.
Une remarque en attendant : il faut bien sûr s’interroger sur le champ de la démocratie. C’est le champ national qui vient en premier à l’esprit dans notre pays au centralisme bien connu. On sait aussi que l’échelon dont les élus sont les plus populaires auprès des citoyens est l’échelon local, celui du maire avant tout.
Notre époque se caractérise depuis quelques décennies par la montée de nouveaux niveaux de décisions, qui se rajoutent au local et au national : le niveau régional en est un (même s’il reste relativement discret), le niveau européen en est un autre très important, le niveau mondial (avec l’ONU ou diverses conférences) un troisième.
Les débats sur la constitution européenne ont popularisé l’idée que la construction européenne, si elle recueillait l’adhésion du plus grand nombre, n’est guère démocratique, les décisions semblant s’y prendre entre dirigeants des différents pays, loin des citoyens.
Il est vrai que les pères fondateurs ont pris de nombreuses initiatives pour faire avancer la réalité de l’Union Européenne, et que cette construction doit plus à leur volonté qu’à une demande populaire initiale. Mais bien entendu, rien n’a évidemment été caché et toutes les décisions prises l’ont été par le collectif des gouvernements nationaux, avec forces ratifications parlementaires ou par référendum.
Il me semble que le sentiment citoyen doit beaucoup à l’absence de tout média à ce niveau européen, capable de diffuser au-delà des petits cercles d’initiés, une information régulière sur ce qui se passe à Bruxelles. Si cercle d’initiés il y a, ce n’est pas en effet parce que l’information est cachée, mais parce que aucun média important ne s’en fait le relais(la question de la diversité des langues étant bien sûr un frein majeur à l’émergence d’un média proprement européen). D’où d’ailleurs, l’intérêt d’initiatives aussi différentes que celle de Philippe Herzog avec Confrontations Europe ou le blog de Jean Quatremer.
Les remarques qui précédent sont l’occasion de rappeler que l’une des caractéristiques de la démocratie est l’existence et le poids de ce quatrième pouvoir qui est celui de l’information. Si celle-ci est aujourd’hui certainement plus libre dans notre pays qu’elle ne l’était quand il y avait un ministre de l’information qui surveillait sa radio et sa télévision, elle traverse également une crise profonde, pour des raisons techniques et économiques. Les journaux papiers sont confrontés au risque de leur disparition à terme et Internet a donné à tout un chacun la possibilité de se faire commentateur et de partager ses commentaires bien au-delà de son cercle familier d’antan (celui du café du Commerce ou celui de la relation épistolaire). Cela renforce considérablement la liberté d’opinion, mais cela ne facilite pas le tri entre les informations sérieuses et celles qui le sont moins.
A suivre !
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