Si le gouvernement ne met pas en œuvre, sous une forme ou une autre, ses projets de réduction de charges des entreprises, un nombre croissant de celles-ci vont périr, avec les conséquences inéluctables qu’on imagine sur l’emploi. La dernière note de conjoncture de l’INSEE donne à ce sujet des données sans appel.
En février 2009, Le Président de la République de l’époque demanda à Jean Philippe COTIS, directeur général de l’INSEE, une étude sur « la répartition des fruits de l’effort collectif », en commençant par un diagnostic sur le partage de la valeur ajoutée dans les entreprises et son évolution à travers les décennies.
Le rapport publié le 13 mai 2009, estima qu’il valait mieux se préoccuper des inégalités de rémunération que du partage de la valeur ajouté, lequel était stable depuis une vingtaine d’années, à un niveau qui semblait bien adapté à l’auteur de l’étude.
L’étude rappelait qu’après une certaine stabilité entre 1949 et le premier choc pétrolier, la part des salaires avait connu jusqu’au début des années 80 une forte hausse, en raison du maintien des règles antérieures de progression des salaires malgré une croissance ralentie. Les politiques de désindexation et le choc pétrolier ont produit inverse et « depuis cette date, le partage apparaît plutôt stable, tout du moins si l’on s’arrête en 2007 ». Le rapport notait qu’une baisse tendancielle de la part des salaires semblait à l’œuvre dans quelques pays tels que l’Allemagne.
Depuis 20 ans, le niveau de marges des sociétés non financières se situait autour de 31/32% , comme le montre le graphique de la page 25, soit un peu au-dessus du niveau constaté avant 1973 «avec toutes les limites que présentent des comparaisons à des dates aussi éloignées l’une de l’autre » .
Avec la crise actuelle, les choses ont évolué au détriment des entreprises. Avec le recul, on peut se dire qu’une fois de plus, la France n’a pas voulu faire porter aux ménages le poids de la crise, ce qui a pesé d’abord sur les finances publiques puis sur celles des entreprises. Ce n’était donc probablement pas un bon choix…
La note de conjoncture de l’INSEE de juin 2010 donne page 118 pour la part des entreprises dans la valeur ajoutée une valeur de 31.5% en 2008 et de 29.8% en 2009 (la valeur indiquée pour 2010 est une prévision). La dernière note de l’INSEE parue le 4 octobre donne une valeur de 30.0% en 2010, de 28.5% en 2011 et une prévision de 28.0% en 2012.
La situation qui s’était donc dégradée en 2009 ne s’est donc non seulement pas redressée mais au contraire aggravée. Elle devient extrêmement dangereuse pour notre économie.
Ce n’est pas seulement parce que les ménages ont été épargnés par la crise que les entreprises françaises sont en difficulté : la politique menée par l’Allemagne depuis 10 ans a donné à ses entreprises un avantage décisif sur leurs concurrentes de la zone euro. La politique de déflation que les pays du sud de la zone sont en train de mener, parce qu’ils y sont obligés par les marchés, va leur donner prochainement une situation plus concurrentielle : la France risque fort de se retrouver dans une situation pire qu’aujourd’hui, concurrencée dans le milieu/ haut de gamme par les pays du Nord et dans le bas/ milieu de gamme par les pays du sud.
Pour rétablir leurs comptes et compenser une décennie d’inflation trop élevée, les pays du sud de l’Europe doivent mener une politique de déflation et de baisse des salaires. Il est possible que l’Allemagne accepte une inflation plus élevée qu’hier, de 2 ou 3% par an. Dans ce contexte, c’est une inflation quasi nulle dont a besoin pour plusieurs années notre pays. La politique envisagée de baisse des cotisations patronales pourrait conduire à un passage de l’inflation de 2 à 0%, et à un arrêt concomitant de la hausse des salaires (en commençant par le SMIC). Sur plusieurs années, cela pourrait conduire à un rééquilibrage de la situation vis-à-vis de l’Allemagne. Ce n’est pas une politique facile à faire accepter, surtout quand on a été élu sur un discours différent. Ce sera à l’honneur de la gauche de la mener, comme elle l’a fait en 1983.
Il me semble que notre pays n’a pas vraiment le choix. Mais il faut dire ici que la politique économique et sociale menée en Allemagne depuis 10 ans, successivement par la gauche et la droite, a menacé gravement l’équilibre économique de tous ses partenaires de la zone euro et qu’il faut se demander très sérieusement comment ne pas retomber dans de tels errements.
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