Le rapport du CIRI donne quelques exemples de ses interventions, mais il se trouve qu’un de les amis a eu l’occasion de le voir à l’œuvre dans sa propre entreprise et qu’il m’a relaté l’intervention, ce que je vais m’empresser de répéter ici, avant de m’interroger sur les projets du ministre du redressement productif en matière de reprise d’entreprise.
L’entreprise de mon ami est de taille moyenne : plus de 400 salariés (le seuil d’intervention du CIRI) mais moins de 1000. Elle a connu une belle réussite du temps du fondateur mais son fils et successeur a moins bien géré et il a décidé des diversifications peu heureuses à travers des filiales dont les mauvais résultats n’ont pas été reportés intégralement dans le bilan de la maison mère.
Avec la crise, la maison mère voit ses résultats passer au rouge et engendrer des besoins de trésorerie récurrents. Les banques rechignant à augmenter leur niveau de crédit en raison des pertes, l’entreprise en arrive à ne pas payer une échéance trimestrielle fiscale et sociale (c’est-à-dire la TVA et les cotisations sociales). Elle écope donc d’une amende de 10% sur la somme impayée, mais obtient après discussion avec le Trésor un échelonnement du paiement.
J’ai compris que c’est à ce moment que le CIRI est entré dans la danse. Il faut noter que l’Etat a ici de fait les moyens d’aider la trésorerie de l’entreprise en étalant le paiement des dettes fiscales et sociales. Bien entendu, il se pose la question de savoir si les mauvais résultats sont conjoncturels ou structurels. Je reviendrais une autre fois sur l’attitude des banques (qui se posent évidemment la même question).
Quelques mois plus tard, les résultats n’étant pas repassés dans le vert, l’entreprise demande au tribunal de commerce de nommer un mandataire ad hoc pour l’aider à négocier avec ses créanciers. Dans le même temps, l’actionnaire principal, n’ayant pas les moyens de recapitaliser l’entreprise au niveau nécessaire, se met en quête d’un repreneur.
Alors que le mandataire judiciaire intervient quand une entreprise est mise en redressement judiciaire, le mandat ad hoc est une procédure préventive, qui remplace depuis le 1er janvier 2006 celle du règlement amiable. C’est une procédure volontaire de la part du chef d’entreprise, qui est le seul à pouvoir la demander. L’entreprise ne peut pas être en cessation de paiement. Il s’agit aussi d’une procédure confidentielle pour ne pas affoler les clients.
Dans le cas qui nous occupe, le mandataire désigné a négocié des reports de paiement pour les fournisseurs et des maintiens de lignes de crédit pour les banques. Quelques mois plus tard, un nouvel actionnaire potentiel ayant été trouvé, il a mené la négociation entre celui-ci et les banques : le nouvel actionnaire acceptait de remettre des fonds si les banques s’engageaient à maintenir leurs lignes de crédit sur une durée suffisante (ici deux ans je crois) pour garantir le retour de l’entreprise à la capacité de « générer du cash ».
Bien entendu, les banques n’acceptaient de leur côté que parce que le nouvel actionnaire mettait une somme suffisante pour financer la réorganisation et la période de retour à l’équilibre. Mais, le risque pour celui-ci était que son apport ne serve qu’à compenser le retrait des banques. Le CIRI a également accepté au nom de l’Etat un nouvel étalement de paiement.
D’après mon ami, les personnes autour de la table (nouvel actionnaire, représentants des banques, représentants du CIRI, mandataire ad hoc) se connaissaient toutes, ce qui a permis d’avancer rapidement dans la partie négociation (malgré la capacité ensuite des avocats de trouver tous les prétextes possibles à pinaillage). Et toujours d’après mon ami, les représentants du CIRI étaient de vrais professionnels. Un professionnalisme qui procède de 30 ans d’expérience de l’institution beaucoup plus que de l’arrivée d’un nouveau ministre (l’histoire est d’ailleurs antérieure au changement de gouvernement).
Un dernier point pour finir. Une des solutions en cas de difficultés pour une entreprise est de trouver un repreneur (ici, il s’agissait d’un fonds d’investissement spécialisé dans les entreprises en retournement). Mais on peut aussi trouver un repreneur pour un site industriel : il existe des sociétés spécialisées sur ce créneau de la recherche de repreneur. Le ministre semble penser qu’il s’agit d’une solution à développer et il voudrait obliger les entreprises qui ferment un site (par exemple Arcelor Mittal) à le céder pour un euro symbolique, voire à céder la marque qui va avec.
L’impact à long terme est dévastateur tend il peut faire fuir les investisseurs étrangers. Généralement le vendeur d’un site ne le fait qu’à des entreprises d’un autre secteur, pas à des concurrents.
Mais on a déjà vu avec Pétroplus le principal risque à court terme : attirer les chasseurs de prime et les escrocs.
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