Dans sa volonté de limiter les salaires des patrons, le nouveau gouvernement a pesé pour refuser au patron de Safran une mesure pourtant parfaitement légitime au regard de ce qui est prévu pour les autres salariés du groupe. La volonté symbolique est ainsi passée avant la simple équité de traitement.
Un de mes amis qui travaille depuis longtemps chez Safran, vient de m’expliquer en quoi il était choqué par la toute récente décision de l’Assemblée Générale de son entreprise. D’une part, les membres du conseil d’administration (et pas seulement les représentants de l’Etat) ont voté le contraire de ce qu’ils avaient proposé à l’unanimité le 21 avril, soit moins de deux mois auparavant. D’autre part, le PDG de Safran, présent dans l’entreprise depuis 35 ans et qui y a gravi tous les échelons, peut se vanter d’une parfaite réussite, au contraire de l’ancien PDG d’Air France par exemple.
Si l’on regarde les motions refusées par l’AG de Safran à propos de son PDG, on découvre d’abord une disposition prévoyant plusieurs "engagements réglementés" en matière de "retraite et de prévoyance", au bénéfice du PDG et de ses trois directeurs généraux délégués. L'un d'entre eux concernait l'octroi d'une "retraite supplémentaire" au PDG, "pour le cas où un système de retraite supplémentaire serait mis en place pour l'ensemble des cadres dirigeants du Groupe".
Il s’agit donc d’aligner les mesures prévues pour les mandataires sociaux sur celles qui seront prévues pour les cadres supérieurs salariés : le point de vue que l’on peut avoir de la question dépend du nombre de cadres dirigeants concernés : 5 ou 200 ?
L’autre mesure concerne une indemnité qui serait versée en cas de cessation anticipée pour quelque raison que ce soit, sauf faute grave ou lourde.
J’ai déjà écrit qu’il me paraissait normal de prévoir pour les dirigeants mandataires sociaux, qui peuvent être virés du jour au lendemain par leurs actionnaires sur simple désaccord stratégique, une indemnité de départ au moins égale à celle qui serait donnée à un salarié de l’entreprise, et plutôt plus, si on veut que ce dirigeant fasse preuve d’esprit d’indépendance et de créativité.
Wikipédia m’apprend que Jean-Paul Herteman, âgé de 62 ans, n’a pas 35 ans d’ancienneté chez Safran mais seulement 28, son début de carrière à la sortie de polytechnique puis du corps de l’armement s’étant faite au centre d’essais aéronautiques de Toulouse, avant qu’il ne rejoigne la SNECMA, pour ne plus la quitter.
La convention collective dont dépend Safran, prévoit, en cas de licenciement d’un ingénieur ou cadre :
- Un préavis porté à 6 mois pour ceux qui ont plus de 55 ans
- Une indemnité de licenciement égale à 1/5 mois de salaire pour les 7 premières années d’ancienneté et 3/5 mois ensuite, avec une majoration de 30% pour les plus de 55 ans.
S’il était toujours salarié, Jean Paul Herteman toucherait donc en cas de licenciement, un préavis de 6 mois et une indemnité de licenciement de 18.2 mois de salaire. Soit un total de 24.2 mois, très légèrement supérieur à ce qui vient de lui être refusé !
Comme on le voit, le refus de l’Assemblée Générale et la décision du gouvernement ne sont pas équitables, du moins au sein de l’entreprise. Le détail que je viens de faire montre à contrario les différences entre salariés selon leur secteur : dans un secteur défavorisé et se limitant à la loi, un salarié de l’ancienneté de Herteman aurait droit à 3 mois de préavis et 2.8 mois d’indemnité de licenciement.
La question du salaire du PDG de Safran (700 k€ de fixe et autant de variable par an, pour une entreprise qui fait plus de 1 milliard d’euros de bénéfice) est une autre question, que j’ai déjà abordée hier.
PS : j'ai imaginé ce qui me parait logique,que le PDG de Safran, en tant que mandataire social, ne bénéficierait pas des clauses propres aux salariés, sans avoir les moyens de le vérifier
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