Un an après le tsunami qui a ravagé les côtes du Japon et conduit à la catastrophe nucléaire de Fukushima, le Japon continue à soigner ses plaies. Le compte rendu qu’en faisait le Monde daté 11/12 mars me donne l’occasion de revenir sur un sujet complexe mais important pour l’avenir de beaucoup de pays.
Le premier article des quelques pages consacrées par mon journal préféré est l’occasion de rappeler que la principale catastrophe, celle qui a fait de très nombreux morts et encore plus de déplacés qui sont toujours dans une situation provisoire, c’est le tsunami lui même :15 846 morts auxquels il faut ajouter 3317 personnes toujours portées disparues, 330 000 sinistrés qu’il a fallu loger dans des abris de fortune, un budget de 190 milliards prévus dans les 5 prochaines années pour la reconstruction, qui s’ajoute aux dépenses déjà réalisées et à ce qui est définitivement perdu.
Il n’empêche : vu de France, l’événement majeur est celui de la catastrophe nucléaire. Le Monde donne quelques chiffres sur les impacts sanitaires, qui s’établissent pour l’instant à des personnes dont l’état de santé doit être surveillé : un suivi médical prévu pendant 30 ans pour les 2 millions d’habitants de la préfecture, un bilan thyroïdien pour 360 000 enfants et adolescents (à Tchernobyl, outre quelques dizaines de liquidateurs, les victimes identifiés sont les milliers d’enfants qui ont eu un cancer de la thyroïde et la quinzaine qui en est mort), et suivi génétique pour les 20 000 femmes enceintes dans les mois qui ont suivi la catastrophe.
Le journal donne aussi une estimation des déchets radioactifs en identifiant quatre catégories et la radioactivité de chacune : les gaz rares, les iodes, les tellures, et les césiums. Il ignore les radioéléments à longue vie comme le plutonium 239, dont la radioactivité est au départ beaucoup plus faible que celle des précédents (sans doute de l’ordre de 0.01 PBq), mais qui seront encore là dans 1000 ou 2000 ans, presque au même niveau qu’aujourd’hui, quand même les césiums seront en voie de disparition.
Les rejets de gaz rares auraient représenté 6550 PBQ, soit 90% du total et autant qu’à Tchernobyl, mais d’après le Monde « ils contribuent peu à l’exposition aux radionucléides. » Il y a deux raisons à cela : ils ont une demi-vie très courte (le plus présent, le Xénon 133, a une demi-vie de 5.2 jours) et ont donc disparu très vite. Et ils ne se composent pas chimiquement à d’autres éléments naturels, et ne sont donc pas fixés par le corps humain, comme le fait l’iode dans la glande thyroïde. Peut-être le journal a-t-il rangé dans cette catégorie le rubidium 103, qui est proche du platine et comme lui très peu actif chimiquement. Ce composé radio actif est normalement très présent. Il a une demi-vie de 39 jours.
Les tellures auraient représenté 145 PBq, soit environ 2% du total, mais ils ont disparus rapidement, sans grande conséquence identifiée par le journal. Le tellure 132 a une demi-vie de 3 jours seulement.
Les iodes auraient représenté 408 PBq soit « dix fois moins qu’à Tchernobyl » et c’est à cause d’eux que l’on surveille les enfants. Mais la demi-vie du plus important, l’iode 131, est de 8 jours, et donc la radioactivité qu’il représente a été divisée par 30 000 000 000 000 en un an. L’iode 133 est au départ encore plus présent mais sa demi-vie n’est que de 20.8 heures : il disparait donc encore plus vite.
Les césiums enfin auraient représenté 58 PBq, soit moins de 1% du total et « trois fois moins qu’à Tchernobyl ». Ils représentent l’essentiel de la radioactivité résiduelle, avec une décroissance lente (une demi-vie de 29 ans pour le césium 137, le 134 ayant une demi-vie de 2 ans). Ils sont donc les responsables de la contamination des sols. On peut ranger dans la même catégorie le strontium 90, qui a une demi-vie de 29.1 ans mais qui est au départ près de 10 fois moins présent que le Césium 137.
Au delà de ces chiffres, le Monde note que « l’industrie nucléaire croit en son avenir ; les décisions de quelques pays européens n’ont pas entamé les projets de pays émergents qui ont un besoin vital d’accès à l’énergie électrique et ne peuvent parier sur les énergies fossiles.
Par rapport à ce qu’on pouvait penser dans les années 70, avant l’accident de TMI et au moment où la France mettait le paquet sur son programme nucléaire, trois grandes catastrophes nous ont montré que les ingénieurs sur estimaient la sécurité de leurs installations. Mais elles ont aussi montré que catastrophe nucléaire ne rimait pas non plus avec les catastrophes sanitaires que l’on imaginait à l’époque, en cas d’irradiations provoquées par un accident nucléaire.
Si ces catastrophes ont conduit à faire évoluer les outils de sécurité, elles n’ont malheureusement pas débouché sur une autorité internationale de surveillance de la sécurité des centrales. L’existence d’une telle autorité (et la publication de ses rapports) parait le seul moyen de contenir les prises de risques par les politiques, les financiers ou même les ingénieurs.
La centrale de Fukushima donne ainsi un exemple de prise de risque pour améliorer les performances des installations : au départ, le site se trouvait sur une falaise de 40 mètres de haut. L’eau de mer étant utilisée pour le refroidissement des circuits secondaires, cette hauteur aurait entrainé des dépenses d’énergie importante. Il a donc été décidé de raser la falaise, seuls 7 mètres étant conservés, afin d’éviter l’inondation en cas de tsunami lié aux séismes de 7.5 d’amplitude. Las, le séisme de l’an dernier a atteint une amplitude beaucoup plus forte (autour de 9) et le tsunami faisait 12 à 15 mètres de haut, avec la conséquence que l’on sait. Quelle autorité aurait pu imposer une plus grande marge de sécurité, au détriment du rendement technique et économique de l’installation ?,
Un autre article du Monde évoque les tentatives de décontamination des sols, qui apparemment ne sont pas convaincantes (mais peut-on croire les journalistes ?). Les essais de concentration dans certaines plantes n’auraient pas apporté les résultats escomptés, mais on ne voit pas comment cela aurait pu être le cas dans un temps aussi court. Dans ce domaine, il faut des protocoles précis, des expériences maîtrisées d’abord à petit échelle : il ne semble pas que les autorités aient pris les moyens pour cela, l’urgence ayant pris le pas sur la capitalisation des savoir.
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