Plus de 1500 salariés vont très probablement perdre leur emploi : le sujet agite évidemment l’actualité dans cette période de récession économique, préélectorale de surcroît. Derrière les déclarations des syndicalistes ou des responsables politiques se cachent aussi les réalités qui ont conduit à la situation actuelle.
Au travers de ce qui se passe chez Pétroplus ou à Sea France, on découvre les étapes qui mènent de difficultés économiques à la fermeture d’une entreprise, en passant par les difficultés de trésorerie (le problème auquel est concrètement confronté Pétroplus, qui s’est vu refuser une ligne de crédit de 1 milliard d’euros par les banques) les liquidations judiciaires et bien sûr les plans sociaux, mais aussi les interventions politiques, réelles ou tout en faux semblants : des périodes d’incertitudes très dures à vivre pour les salariés comme le décrit par exemple cet article.
Mais ces situations sont à la fois singulières (chaque fermeture d’entreprise ou de site à son histoire) et atypiques au moins dans le cas de Sea France : une des raisons des pertes de l’entreprise étant le système mafieux qui y régnait.
La compagnie de ferries transmanche Sea France est déjà en liquidation judiciaire. A la suite d’une intervention d’un de ses concurrents (la compagnie britannique P&O), Bruxelles a interdit à l’Etat d’apporter par l’intermédiaire de la SNCF (dont Sea France est une filiale) une aide de 160 millions, ce qui a entraîné la liquidation judiciaire de l’entreprise le 16 novembre, le tribunal de commerce étant à la recherche d’un repreneur.
Les articles d’Europe 1 ou de Nord Littoral (et les commentaires qui vont avec) évoquent la situation très particulière d’une entreprise où, comme chez les dockers et dans le Livre, ce sont les syndicats qui décident des embauches et des promotions, sauf qu’ici ce n’est pas la CGT mais la CFDT. Comme dans le Livre, les pratiques jusqu’au-boutistes des salariés ont très efficacement coulé l’entreprise. Un commentaire rappelait par exemple qu’au moment où les fumées d’un volcan islandais clouaient les avions au sol, la compagnie P&O avait augmenté provisoirement ses navettes (y compris le week-end) mais que les syndicats de Sea France, non seulement avaient refusé tout changement d’horaires mais avaient profité de l’occasion pour lancer une grève.
Plus grave peut être, plusieurs commentaires signalent ce qui m'a été dit d’une source sure il y a trois ans, il y a un système organisé de détournement de fonds du duty free, dirigé par les responsables syndicaux eux-mêmes (une enquête sur leurs comptes bancaires personnels a été diligentée par le tribunal local). On comprend que la confédération CFDT qui est bien sûr au courant également soit en conflit avec son organisation locale… Assez curieusement, les officiers de l’entreprise sont eux syndiqués à la CGT ! Il est assez probable qu’ils n’aient absolument pas l’intention d’apporter leurs indemnités à une Scoop qui prolongerait les dérives dont ils n’ont que trop souffert chez Sea France
Evidemment, le gouvernement est parfaitement informé de cette situation, même si la question n’est pas évoquée dans les interventions officielles ! Il est très probable que la gauche soit également au courant, ce qui n’a pas empêché Benoit Hamon de soutenir officiellement la SCOOP lancé par les leaders syndicaux et a déclaré avoir versé personnellement quelques euros (qu’on se rassure pour lui, pas beaucoup !)
Dans le cadre de la liquidation judiciaire, le tribunal de commerce devrait logiquement vendre les navires, et utiliser le produit de cette vente pour rembourser, au moins en partie, les créanciers de l’entreprise. Le gouvernement a donc proposé que la SNCF se porte acquéreur de ses navires dès qu’ils seront mis en vente, puis qu’elle les loue au repreneur. Puisqu’il ne peut apporter d’aide sous peine de condamnation par Bruxelles, il a également proposé d’augmenter les indemnités des salariés licenciés pour que ceux-ci soient en mesure de financer un capital suffisant pour la SCOOP
Les syndicalistes ne l’entendent évidemment pas de cette oreille. Leur plan a été décrypté par les commentateurs sérieux : prendre les indemnités, faire financer le fond de roulement de l’entreprise par des aides externes, récupérer les actifs de l’entreprise (mais évidemment pas ses dettes !) pour un franc symbolique de manière à pouvoir dans 6 mois ou 3 ans, quand le fonds de roulement aura été mangé, financer un nouveau plan social à leur profit avec le produit de la vente des navires…
On imagine que personne n’est dupe au tribunal de commerce, l’objectif de chaque acteur étant de pouvoir arriver aux fins qui lui paraissent préférables en rejetant la responsabilité d’un échec sur les autres. A suivre…
La situation de Pétroplus à Petite Couronne est évidemment différente. Bien sûr, il s’agit de salariés très bien payés (on est dans l’industrie pétrolière, les salariés sont qualifiés et ils ont les contraintes du fonctionnement en feu continu, 7j/7 et 24h/24). Mais ils sont victimes de la vente de leur établissement par la Shell à un indépendant qui prend de plein fouet les conséquences sur le raffinage de la crise économique.
Mais bien sûr, il n’y a pas que cela. J’entendais hier un responsable syndical expliquer que son établissement devait investir plusieurs millions d’euros en raison de normes européennes draconiennes, que les concurrents chinois ou indiens n’avaient pas.
Cette défense faisait l’impasse sur un contexte global qui rend inéluctable la fermeture de raffineries en Europe(cela tombe sur eux car leur maison mère n’a pas les moyens de Total, BP ou Shell). Ce contexte, c’est la diminution de la consommation de produits pétroliers sur long terme, qui fait que l’industrie européenne est sur capacitaire (de 15% actuellement).
Mais ce contexte, c’est aussi la concurrence internationale. Pas indienne ou chinoise bien sûr (le pétrole indonésien est consommé en Asie et s’il fallait envoyer celui du Moyen Orient en Asie pour le raffiner, ll y aurait des surcoûts de transports importants) ! Mais bien plus celle des pays producteurs de la péninsule arabique qui ont construits de gigantesques raffineries pour vendre plus cher le pétrole qu’ils produisent !
Evidemment, ces projets d’investissements sont connus depuis longtemps, et ce n’est pas un hasard si Shell a vendu ses raffineries. Les autres pétroliers ont les moyens de conserver une partie de leur raffinage, parce qu’ils peuvent en couvrir les pertes et qu’ils ont accès à la ressource qu’ils produisent, ce qui n’est pas le cas de Pétroplus.
Comme toute industrie où les coûts fixes sont majeurs, le raffinage voit ses résultats varier très fortement avec la conjoncture (les gains des hauts de cycle doivent compenser les pertes de bas de cycle). Le retournement de celle-ci en 2008 n’a pas permis à Pétroplus d’engranger les réserves suffisantes pour être capable d’affronter les bas de cycles. Ce sont donc les salariés qui trinquent. On peut penser que le plan social qu’il y aura au final (probablement après les élections, mais peut être seulement dans un ou deux ans) sera très favorable : on peut compter sur Laurent Fabius, député local, pour y veiller personnellement. Mais il y aura d’abord, au moins d’ici les élections, un chœur de discours politiques (de tous bords) s’engageant pour la survie du site…
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