En modifiant la note de la dette publique française, Standard & Poor's ne fait qu’entériner avec retard ce que les marchés avaient depuis longtemps réalisé en augmentant de manière important l’écart entre le taux versé par l’Etat Français et celui versé par son homologue Allemand. Curieusement la baisse de la note de nombreux pays de la zone euro tombe au moment où cet écart diminue pour certains d’entre eux !
Je reviendrais peut-être sur ce qui a conduit à cette dégradation aujourd’hui, et la responsabilité du gouvernement dans l’affaire, pour me concentrer sur les conséquences de ce changement de note. Un mot cependant à propos d’une des réactions entendue ce matin, à la revue de presse, celle de Nicolas Demorand qui tire à boulets rouges sur les agences de notation, comme si c’était leur faute si l’Etat français s’est endetté, et comme s’il était surprenant que les investisseurs qui prêtent de l’argent se demandent s’ils seront remboursés un jour !
Dans une interview à « 20 minutes » le 18 octobre dernier, Alexandre Delaigue expliquait que « Les notes des agences de notation sont un épiphénomène, et relèvent du symbole ». Alors que ces agences donnent des informations utiles sur la santé financière des entreprises (parce qu’une analyse fouillée des données comptables est coûteuses), la situation financière d’un pays comme la France est de notoriété publique. L’économiste jugeait que les conséquences d’une dégradation serait minime « car dans les faits les créanciers se comportent déjà comme si la France avait déjà perdu sa meilleure note. Ainsi, les taux des obligations françaises [taux auxquels la France emprunte] sont déjà de 1% plus élevés que ceux de l’Allemagne. »
Le jugement de l’agence est donc plutôt tardif. Au point même qu’on peut se demander s’il n’arrive pas au moment où il y aurait des raisons d’améliorer une note qui aurait été dégradée précédemment. D’abord parce que la France seule et les Etats de la zone collectivement ont pris des mesures pour traiter leurs problèmes.
Ensuite surtout, parce que les prêts massifs (environ 500 milliards d’euros !) faits, sur une durée de 3 ans et au taux de 1%, par la BCE aux banques de la zone en décembre se traduisent ces jours ci par une baisse des taux. Pas plus tard que jeudi, le président de la BCE, Mario Draghi, a souligné que, depuis cette opération, « l’argent circule dans l’économie » et que "les taux d'intérêts sur les récentes émissions obligataires de pays de la zone euro «ont significativement baissé, on l'a vu encore aujourd'hui ». Même si certains signes positifs sont perceptibles, «la perspective économique reste sujette à des incertitudes élevées et à des risques baissiers significatifs», a-t-il prévenu. Dans ce contexte, la BCE a laissé son principal taux d'intérêt inchangé à 1%. Une décision prise à l'unanimité par le conseil des gouverneurs de l'institution, a précisé Mario Draghi.
Le 12 encore, la Tribune note que « les taux se détendent nettement sur les obligations des pays périphériques de la zone euro, après le succès des adjudications espagnoles et italiennes de ce matin. Le rendement à 10 ans de l’obligation espagnole recule de 23 points de base à 5.10% et celui de l’obligation italienne plonge de 41 points à 6.57%". Par comparaison, le taux à 10 ans du Bund allemand avance de deux points à 1.84% et celui de l’OAT française cède de neuf points à 3.06% » Une semaine plus tôt, la Tribune signalait que « les taux de l’OAT à 10 ans se tendent de 3 points à 3.34% (en raison des bons chiffres de l’emploi aux USA). Les taux français ont donc perdu 0.3% en une seule semaine (mais l’écart est plus faible sur un mois).
Il faudra attendre lundi pour savoir si la dégradation de la note française a un impact sur les taux, mais il est très possible que cela ne soit pas le cas, la méfiance des investisseurs, comme le risque de dégradation de la note, étant déjà dans les cours depuis longtemps.
Ma femme se demandait quel impact aurait ce changement de note sur la vie quotidienne et, avec son pragmatisme habituel, prenait l’exemple de notre fille qui cherche à acheter un appartement : devra-t-elle emprunter plus cher ? Le fait d’être fonctionnaire deviendra-t-il un inconvénient vis-à-vis de la banque ?
On a vu plus haut que les taux semblent plutôt en baisse. Vendredi 13, dans les Echos, le PDG de la Société Générale, Frédéric Oudéa considère que la dégradation de la note de la France est déjà dans les cours et que les prêts à 3 ans faits par la BCE ont eu un effet positif « depuis la fin novembre, les prêts à l'économie ont progressé de 5,8% : 4,5% pour les entreprises, et 6,8% pour les particuliers ».
Quant au fait d’être fonctionnaire, il restera (probablement pour longtemps) une garantie de continuité des ressources pour les banques : en Grèce, les fonctionnaires ont vu leur rémunération baisser, mais ils ont continué à être payés. Nous n’en sommes heureusement pas à la situation de certains pays africains en retard de paiement de leurs fonctionnaires !
Si la dégradation de la note de la France a peu d'impact sur l'économie, il peut en avoir un plus important sur la politique : on verra!
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