Jean Pisani-Ferry décrit les mécanismes d’un crédit peu cher qui ont entrainé l’Espagne malgré elle dans la surchauffe, avant que la crise financière de 2008 fasse s’effondrer la bulle immobilière. Il montre ensuite que les situations des pays de la zone euro attaqués aujourd’hui sont en fait diverses.
Après avoir décrit le lancement de l’euro avec ses avantages et ses limites, Pisani Ferry nous invite, dans « le réveil des démons » à comprendre les mécanismes qui ont conduit l’Espagne à la surchauffe.
Alors que les taux d’intérêts différaient dans les pays membres de l’Union Européenne en raison notamment de leur différentiel d’inflation, la création de l’euro va les égaliser, les taux s’alignant de fait sur celui du pays qui avait la situation la plus favorable, à savoir l’Allemagne. En Espagne, les taux passent de 11% en 1995 à 5% en 2005. Forcément, cela va « déclencher une cascade de crédit ».
Il faut noter ici que la France a vu ses taux évoluer à peu près de la même manière, ce qui a enclenché la forte croissance des années Jospin. La France n’a pas forcément bien géré cette manne (qui explique le lancement de la spirale de hausse immobilière) puisqu’elle n’a pas résorbé ses déficits, alors que l’Espagne avait avant la crise de 2008 un excédent de ses comptes publics de 2% : l’Espagne s’est désendettée fortement pendent le début de la décennie. La France a par contre bénéficié d’une inflation nettement plus faible que l’Espagne, grâce à la politique menée depuis plus de 15 ans dans ce domaine.
Comme cela avait été anticipé avant même la création de l’Euro, la baisse du crédit a provoqué une augmentation de la croissance (ce qui en soi est plutôt une bonne nouvelle) mais de manière excessive. L’afflux de capitaux en Espagne a contribué à créer de l’emploi dans les services et la construction, ce qui a renforcé la croissance. Les mécanismes correcteurs de ce genre de croissance, c’est la perte de compétitivité externe qui réduit l’activité. Mais ces mécanismes ont été trop lents et insuffisants face au gonflement de la bulle immobilière (la dernière année, il y a eu 700 000 logements construits !). Entre 2000 et 2007, le chômage passe de 14% à 8% Mais la part de l’industrie dans l’emploi passe de 18 à 15%, celle de l’immobilier et des services de 47 à 52%.
L’auteur montre que si le gouvernement a été « particulièrement sage du point de vue macroéconomique » (avec un excédent de 2% en 2007), il n’a pas pris les mesures qui étaient à sa disposition contre la bulle(par exemple, supprimer les avantages fiscaux liés à l’investissement immobilier) parce que ces mesures étaient politiquement coûteuses, en affectant particulièrement une classe d’âge ou une catégorie sociale. De leur côté, les institutions européennes n’ont également pas réagi, alors que pendant les dix première années de l’euro, l’inflation a été de 3.2% en mayenne annuelle en Espagne contre 1.7% en Allemagne.
J.P.F. distingue ensuite trois types de cas de pays en difficulté dans la zone euro.
« Dans le premier, le mal est principalement venu des finances publiques. C’est essentiellement vrai pour la Grèce, qui a systématiquement violé les règles communes ».
« Dans le deuxième type de cas, le problème principal a été une expansion incontrôlée du crédit privé qui a conduit au déficit extérieur puis à des faillites. C’est le cas de l’Espagne et de l’Irlande (le renflouement du système bancaire est estimé à 40% du PIB dans ce pays) »
« Le troisième cas est celui de pays qui ont laissé leur compétitivité se détériorer lentement. Le Portugal en est l’archétype. Mais de manière moins dramatique, l’Italie et la France ont également enregistré, année après année, des pertes de marché à l’exportation et un creusement du déficit extérieur ».
Il faudra revenir dans un autre article sur le cas de l’Allemagne, qui est radicalement opposé, mais dont l’évolution est également l’une des causes de la crise de l’euro.
Les commentaires récents