La gauche juge que la dégradation de la note de la France est un échec grave pour le Président de la République qui est accusé par certains d’avoir creusé les déficits quand d’autres lui reprochent la politique d’austérité mise en place récemment. En réalité, personne n’est très blanc dans l’histoire…
Au pouvoir depuis 10 ans, la droite peut difficilement nier une responsabilité importante dans la dégradation des comptes publics. La gauche ne peut cependant se vanter d’avoir poussé à une politique plus respectueuse de l’équilibre financier (à l’exception notable de ses réactions à la loi Tepa). Il suffit d’ailleurs de lire les réactions des responsables de gauche aujourd’hui pour s’en convaincre.
Pour Eva Joly, « la politique d'austérité qui n'était pas demandée par les agences de notation de cette façon, a été inopérante. Plus que jamais, il est temps de redresser la barre, l'austérité ça ne sert à rien, comme on le voit en Grèce » Il est vrai que dans le domaine économique, les écologistes partisans affichés de la décroissance, semblent vouloir tout et son contraire.
Pour Martine Aubry également, Nicolas Sarkozy a fait le contraire de ce qui était nécessaire et juste. Il aurait fallu relancer la croissance: il a fait le choix de l'austérité. La perte du triple A a un seul responsable: M. Sarkozy. Jean-Marc Ayrault vise plus juste en pointant la faillite d'une gestion erratique qui a fait exploser la dette et conduit à la récession, la conséquence d'une politique européenne qui a échoué à rétablir la confiance des peuples comme des investisseurs.
Pour Jean Luc Mélenchon, il suffirait de « couvrir les prochaines tranches avec un emprunt forcé sur les banques françaises », mais il est vrai qu’on n’attendait pas de lui qu’il propose une politique réaliste.
Ces quelques exemples nous rappellent que beaucoup à gauche poussent à des politiques d’augmentation des dépenses. Il ne faut pas oublier pour autant la politique courageuse menée par Mauroy et Delors à partir de 1983 (après il est vrai les errements précédents) ni la politique sérieuse menée au début des années Jospin, quand sous la houlette de DSK, le déficit diminuait grâce à une forte croissance.
De la même manière, Alain Juppé a cherché à réduire les déficits en 1995 (avec les oppositions que l’on sait). En réalité, à droite comme à gauche, ceux qui s’inquiètent de l’ampleur de la dette, se trouvent dans les deux camps comme le montre la compostion de la commission Pébereau, mais ils y sont minoritaires.
Pour aller plus loin, il peut être utile d’examiner les différents leviers qui s’offrent au décideur politiques pour créer des déficits ou des excédents, pour les réduire ou les augmenter.
Bien entendu, il y a le coté des dépenses de l’Etat (les collectivités locales sont obligés d’équilibrer leurs comptes): les politiques ont toujours des idées remarquables pour en créer de nouvelles. Il y a aussi la question de la maîtrise des dépenses publiques, donc de l’efficacité des organisations, thèmes qui ne les intéresse guère, mais qui s’impose parfois à eux (en particulier quand ils ont une responsabilité locale).
Il y a aussi l’autre versant, celui des recettes, qu’on peut vouloir augmenter, comme on l’a fait pendant des décennies, la mode étant depuis quelques années plutôt aux cadeaux fiscaux.
Il ne faut pas négliger les comptes sociaux. Les pensions représentent le poids énorme de 13% du PIB, soit près de 30% de la dépense publique, une partie de cette dépense étant directement à la charge de l’Etat, pour la retraite des fonctionnaires. Le dépenses de santé sont à peine plus faibles.
Et enfin, il y a le levier de la croissance, celle-ci augmentant mécaniquement les recettes. Encore faut-il comprendre que le véritable enjeu devrait être d’augmenter la croissance à long terme.
Côté dépenses, le premier gouvernement Fillon a lancé la RGPP qui a été poursuivie pendant tout le quinquennat avec notamment pour objectif de ne remplacer qu’un départ en retraire de fonctionnaire sur deux, avec des succès mitigés, la plus grande partie des gains ayant servi à la rétribution des fonctionnaires concernés quand le mieux aurait été d’augmenter les moyens utilisés pour qu’ils puissent travailler dans de bonne conditions et être plus productifs.
Côté recettes, la loi TEPA a été suffisamment critiquée pour qu’on n’y revienne pas, et on peut en dire autant de la baisse inutile de la TVA sur la restauration. La perte de recettes a dépassé les 50 milliards sur la période quand l’économie des fonctionnaires non remplacés ne représentait sans doute pas plus de 10 milliards sur l’ensemble du quinquennat.
La question des retraites est par contre (avec la tentation permanente d’augmenter les dépenses) le principal point faible de la gauche, qui a fait passer la retraite à 60 ans en 1981 (dommage qu’à l’époque on n’ait pas pensé à limiter cette mesure aux travailleurs qui avaient eu une carrière longue), qui a toujours refusé de remettre en cause cette mesure et qui s’est opposé à toutes les réformes. Les lois Balladur en 1993 puis Fillon en 2003, et les mesures prises depuis (y compris la suppression de la DRE) auront au total augmenté de plus de 4 ans la durée de cotisation, diminuant de fait le nombre de pensionnés, aujourd’hui de plus d’un million par rapport à ce qu’il aurait été. Au total, une économie pour les caisses de retraite et de l’Etat que l’on peut chiffrer à au moins 1% du PIB tous les ans (sans compter les recettes supplémentaires qui peuvent représenter un montant plus élevé, mais cela devient un calcul complexe) : un élément majeur de la maîtrise des déficits, aujourd’hui et encore plus demain.
Le budget de la santé représente également un poids important. Le fonctionnement des hôpitaux souffre toujours des conséquences du passage aux 35 heures, en raison de la pénurie que l’on observe dans presque tous les métiers.
Les mesures sur les retraites et la Santé sont cependant insuffisantes. Rappelons qu’au troisième trimestre 2011, la dette des administrations de sécurité sociale représentaient 194.6 milliards d’euro, soit 11.4% du total de la dette publique !
Et la croissance alors? A force de se focaliser sur les mesures keynésiennes de relance en période de crise, on finit par oublier que l’essentiel est de prendre les moyens d’assurer la croissance à long terme. Or, dans ce domaine, la France ne cesse de régresser, avec une croissance de plus en plus atone. Le plus inquiétant est de voir que la balance des paiements semble devenir structurellement déficitaire, avec des importations lestées par l’augmentation du coût des matières premières, et une industrie dont la compétitivité est menacée, notamment par l’Allemagne.
Dans ce domaine, la réforme des Universités et la logique des pôles de compétitivité (hélas plombés par l’administration) sont une bonne chose, mais toutes les réformes envisagées pour libéraliser les marchés (suite au rapport Attali) ont été enterrées : il était plus facile de se battre contre un temple de la gauche que contre la clientèle de la droite.
Oui, la droite, au pouvoir depuis 10 ans est très largement responsable de la mauvaise situation des finances publiques. Mais la gauche, qui a contesté les réformes les plus vertueuses, qui a ouvert la voie de réductions d’impôt sur le revenu (merci Fabius !) et qui trouvait que le gouvernement n’en faisait pas assez pour relancer l’économie en 2008/2009 est assez mal placée pour donner des leçons. Ce qui n’est guère encourageant pour la suite !
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