Les partis islamistes remportent les deux tiers des suffrages lors des législatives égyptiennes, et on ne voit pas comment le pouvoir pourrait échapper au plus puissant d’entre eux, les Frères musulmans. Ce vote confirme une fois de plus que les partis islamistes profitent des révoltes arabes de ce printemps.
Après la Tunisie et le Maroc, et en attendant la Libye, les partis islamistes sont largement en tête en Egypte. D’après les résultats proclamés ce dimanche, les Frères musulmans recueilleraient 36.62% des voix, ce qui les porte en tête du scrutin, les salafistes de Al-Nour 24.36% et le Wassat, qualifié de parti islamiste modéré 4.27%. Le deuxième tour verra donc de nombreux duels entre partis islamistes ; Les commentateurs n’expliquent pas le score inattendu des salafistes, mais il est possible que la volonté des Frères musulmans de se présenter comme modérés leur ait fait perdre des voix de ce côté. Les libéraux obtiennent 29.69% des voix répartis entre 6 listes concurrentes.
Un de mes collègues travaillant depuis presque dix ans au Maroc me disait cette semaine que la victoire des islamistes dans ce pays faisait craindre pour les libertés individuelles et le statut de la femme. Mais au Maroc, le roi conserve un pouvoir important et le parti vainqueur n’est pas majoritaire.
En Egypte, ce n’est pas seulement pour les femmes que l’on peut être inquiet. La communauté copte, qui est régulièrement la cible de violences risque d’être la première victime du scrutin, même si les leaders salafistes se sont empressés de dire qu’ils n’avaient rien contre les coptes
En Iran et en Irak, l’arrivée au pouvoir des islamistes s’est au final traduit par un départ massif des chrétiens. Cette situation explique (sans l’excuser à mes yeux) que le métropolite de Syrie soutienne Hafez el Assad, malgré la répression féroce qu’il mène contre ceux qui contestent son régime.
Les partisans réels de la démocratie ne peuvent admettre que sous prétexte d’éviter l’arrivée au pouvoir de partis majoritaires dans le pays, on soutienne des régimes à la fois autoritaires et corrompus : c’est justement ce qui n’a fait que renforcer ces partis islamistes, d’autant plus que soutenus financièrement par les monarchies du Golfe, les islamistes ont profité de leurs actions caritatives pour soigner leur popularité auprès des masses populaires
La révolution égyptienne a certes enthousiasmé la jeunesse cultivée et les quartiers bourgeois, mais elle a dans un premier temps était coûteuse pour l’économie égyptienne, en particulier pour le tourisme qui employait 12% de la population active et produisait 11% du PIB.
La manière dont les révolutionnaires libyens se sont sacrifiés par milliers pour la victoire ne peut s’expliquer sans faire intervenir la religion, comme c’est la religion catholique qui a soudé le peuple polonais contre le régime soviétique.
Aujourd’hui, deux questions se posent : la première est de savoir ce que tous ces partis islamistes mettront en place une fois arrivés au pouvoir, et qu’elles seront donc les conséquences pour les libertés individuelles. La seconde concerne l’avenir à plus long terme : joueront ils le jeu de la démocratie, et en particulier dans une de ses caractéristiques majeures, celle de l’alternance ?
Les islamistes turcs du parti pour la justice et le développement, présentés un peu partout comme des modérés, avaient emporté 363 sièges sur 550, avec un tiers des suffrages, les patits partis n’ayant pas eu de sièges(il faut 10% des voix pour accéder au parlement). En 2007, ils ont obtenu 46.66% des suffrages, soit un score en forte hausse, mais le regroupement de l’opposition leur a fait perdre une vingtaine d’élus. En juin 2011, le parti au pouvoir a encore gagné des voix, frôlant les 50% mais a encore perdu quelques sièges, le principal parti d’opposition s’étant lui-même renforcé et recueillant un quart des suffrages.
L’autre exemple est l’Iran, où l’on sait que le parti au pouvoir à massivement frauder pour remporter les dernières élections. Vu de l’Occident, ce régime ne peut pas tenir indéfiniment contre son peuple, même si le pétrole cher lui facilite la vie !
Conclusion ? Je ne serais réellement rassuré sur l’avenir que quand une alternance aura eu lieu en Turquie, et quand les partis qui se réclament aujourd’hui du modèle turc, en Tunisie au Maroc ou ailleurs auront réagi positivement à cette alternance.
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