Les Etats n’ont pas tous la même stratégie pour financer leur déficit : certains comme les Japonais font essentiellement appel à l’épargne nationale, d’autres comme la France aux marchés, d’autres enfin ont partiellement recours à la banque centrale, ce qu’on appelait autrefois la planche à billets, potentiellement génératrice d’inflation.
Dans le débat en cours sur les conditions d’une intervention massive de la BCE pour acheter la dette des pays de la zone euro et soutenir ainsi les cours, ressort le spectre de l’impact sur l’inflation de cette pratique, les Allemands étant supposés être vaccinés contre la méthode depuis l’hyperinflation de 1923, année pendant laquelle le prix du timbre de poste est passé de 10 marks le 1er janvier à 30 milliards de marks le 30 novembre.
La solution nationale semble avoir de solides arguments à son actif, puisque le Japon, pays le plus endetté du monde, est supposé s’autoriser une dette de 229% du PIB à fin 2011 grâce au fait que ls emprunts sont souscrits en interne, ce qui lui permet des taux très bas (1.06% en novembre 2011 pour le taux à 10 ans, soit le plus faible de tous les pays développés). Wikipédia nous fournit le détail de la possession de la dette : si les étrangers n’en détiennent en effet que 5%, les ménages japonais n’en ont guère non plus (4.7%). En réalité l’essentiel des créances est détenu par les banques (44.4%), les assurances (20.1%) et autres fonds de pension(14.5%). La banque du Japon en détient 7.9% et manifestement cela ne génère pas d’inflation, le problème du Japon étant plutôt la déflation.
La Belgique vient de tester l’idée de faire appel aux ménages, avec un certain succès puisque les Belges ont souscrit cette semaine pour 5.5 milliards d’euros de « l’emprunt patriotique » en bons du trésor, beaucoup plus qu’attendu, même si cela reste minime face aux plus de 320 milliards de la dette publique belge.
L’appel aux marchés a l’avantage de diversifier les créanciers, permettant à chacun de détenir un montant de la dette publique d’un Etat donné qui puisse ne représenter qu’ne part minime de son bilan. Malheureusement, le marché étant par nature très moutonnier, la défiance peut se propager vite, avec la conséquence sur les taux d’intérêts qu’ l’on a pu observer ces derniers mois dans la zone euro.
Mais au final, on peut se demander si une solution avantage plus qu’une autre telle ou telle catégorie de créanciers, plutôt les riches que les pauvres par exemple !
Si on regarde le cas de la France, on peut noter que de 1973 à 1983 compris, soit pendant 11 ans, notre pays a connu une inflation chaque année supérieure à 9% par an, la maximum de 13.7% étant atteint en 1974 à la suite du choc pétrolier. A la fin des années 70, sous l’impulsion de Raymond Barre, la France décide de faire systématiquement appel à l’emprunt pour financer ses déficits, renonçant ainsi à « la planche à billets ; L’objectif est de juguler l’inflation, ce qu’atteindra le plan Delors Mauroy : depuis 1986, donc depuis 25 ans, l’inflation n’a plus atteint les 4% dans notre pays.
Entre début 1973 et début 1984, les prix ont été multipliés par 3.15 environ. Les titulaires de livret A, donc les petits épargnants populaires, ont vu le taux de celui-ci culminer à 8.5 % au maximum en 1981, à partir du minimum de 6% observé au premier semestre 1974, le taux pratiqué de 1975 à 1980 étant de 6.5%. Une somme déposée début 1973 aurait donc été nominalement multipliée par un peu moins de 2 sur 11 ans, ce qui lui aurait fait perdre plus d’un tiers de sa valeur réelle.
Il est d’usage de dire que l’inflation favorise les emprunteurs et défavorise les créanciers ; C’est en fait plus compliqué, l’évolution de l’inflation ayant au moins autant d’importance que l’inflation elle-même. Ainsi, un ménage qui aurait acheté son logement à la fin des années 60 en empruntant sur 20 ans à un taux de5 ou 6%, aurait vu ses remboursements représenter une part de plus en plus faible de son revenu grâce aux effets conjugués d’une forte inflation et d’une forte progression des salaires réels ; Elle aurait en effet remboursé en monnaie de singe. A contrario, ceux qui ont emprunté en 1982 ou 1983, parfois avec des crédits à remboursements progressifs, se sont vus coincer par la fin de l’inflation. Heureusement pour eux, ils ont pu s’en sortir en renégociant leur prêt (en allant voir une banque concurrente si besoin).
Par contre ceux qui ont acheté en 1974 pour rembourser sur 12 ans ont vu leur crédit évoluer normalement. Comme les autres, ils ont remboursé en monnaie de singe, mais les conditions de leur crédit en tenaient compte.
Une des conséquences d’une inflation élevée, c’est le montant également élevé des taux d’intérêts. Or, des taux d’intérêts élevés signifient que l’avenir a nettement moins d’importance que la situation actuelle. La logique du développement durable n’est pas compatible avec celle de taux d’intérêts élevés.
On a d’ailleurs vu à quel point les taux d’intérêts élevés défavorisent les investissements à long terme avec la situation du logement pendant 20 ans ; dans les années 90, les taux encore élevés malgré la baisse de l’inflation ont défavorisé ceux qui devaient s’endetter pour acheter un logement, le niveau de la construction a donc beaucoup baissé en France. A la fin des années 90, la détebnte des taux a rendu solvables de nouveaux acheteurs, ce qui s’est d’abord traduit par une hausse des prix puis par une forte hausse du rythme de la construction.
Les banques centrale des USA et du Royaume Uni possèdent chacune aujourd’hui 17% de la dette publique de leur pays, ce qui explique que ceux-ci ne soient pas confrontés à une hausse des taux d’intérêts. Cela génère également un peu d’inflation, mais celle-ci contribue de fait à diminuer le poids relatif de la dette publique. En voyant cet exemple et même en sachant que l’inflation est un poison, on se prend à rêver de consomme un peu de ce poison-là ! Oh juste un peu, après on arrête c’est promis !
Comment, c’est une drogue dure, et il est difficile de se désintoxiquer ? Vraiment, l’économie n’est pas drôle !
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