La zone euro est en train de plonger dans la récession et dans la spirale de l’endettement, mais l’Allemagne refuse que la Banque centrale européenne intervienne massivement, sans mesures pour s’assurer que les comportements laxistes qui ont conduit à cette situation seront abolis. Le point de vue des peuples sur la question passe ensuite.
Comme l’explique notamment Alexandre Delaigue, la BCE a le pouvoir de stopper l’envolée des taux d’intérêts versés par les Etats de l’euro attaqués par les marchés : il suffit qu’elle annonce qu’elle est prête à intervenir sans limites au-dessus d’un taux limite pour calmer instantanément ceux qui parient sur la hausse des taux et calmer ceux qui n’osent plus prêter de peur de ne plus revoir leur argent.
Il a d’ailleurs suffit d’une intervention concertée des principales banques centrales de la planète pour que la Bourse de Paris gagne plus de 10% sur la semaine.
Seulement, les Allemands (mais aussi les Néerlandais, les Finlandais et les Luxembourgeois) ne veulent pas entendre parler d’une action qui d’une part risque de générer de l’inflation, d’autre part surtout risque d’encourager ceux qui ont laissé filer leur déficit et leur dette à continuer leur petit jeu. En fait, ils refusent aussi de payer pour les autres.
Angela Merkel demande donc à travers le terme d’union budgétaire, la mise en place d’un système de sanction contre les pays qui ne maîtrisent pas leurs comptes publics, ceux-ci pouvant être poursuivis par la Cour de justice, ce à quoi la France s’oppose, elle qui n’a pas depuis 30 ans fait preuve d’une rigueur à toute épreuve.
Il faut rappeler que le traité de Maastricht instituant la zone euro prévoyait des limites de déficit (3% du PIB) et de la dette (60% du PIB), limites qui ont été allégrement franchies par les pays qui se trouvent aujourd’hui confrontés à des taux d’intérêts en hausse, mais aussi un temps par l’Allemagne qui a remis douloureusement de l’ordre dans son budget sous Schroeder, ce qui lui permet aujourd’hui d’échapper à la tempête.
Accepter la demande de l’Allemagne, c’est renoncer de fait à une partie de notre souveraineté, même si, sur le papier, cette souveraineté a déjà été abandonné à travers le traité de Maastricht : s’il est question de sanction aujourd’hui, c’est que les engagements n’ont pas été tenus.
Dans ce bras de fer dont l’enjeu est d’éviter une récession jetterait des centaines de milliers de Français, des millions d’Européens supplémentaires dans le chômage, le point de vue du citoyen électeur ne semble pas prêt d’être sollicité, l’hypothèse d’un référendum ayant été énergiquement écartée.
En admettant que le débat soit exprimé de manière claire sans perturbations par les marchands d’illusions, comment les Français choisiraient entre l’obligation de faire de réels choix budgétaires et l’augmentation progressive, mais a priori sans limite de l’inflation qui résulte de l’absence de choix, si tant est que le choix soit encore possible ? Avec le plan Mauroy Delors de 1983, leur gouvernement avait tranché il y a maintenant près de 30 ans, mais le retour à la voie de la facilité s’est fait progressivement, et c’est de nouveau dans une situation de crise que notre pays se retrouve…
D’une certaine manière, les peuples sont responsables d’avoir laissé leurs élus et leurs gouvernements élaborer année après année des budgets qui ne respectaient pas les engagements pris à Maastricht. Il est vrai que ces élus pouvaient arguer d’une demande majoritaire de leurs électeurs de suivre la voie de la facilité, chacun arguant de ses spécificités pour défendre son bout de gras, chacun considérant que la situation économique justifiait une politique de relance.
Un petit détour pour conclure
Dans l’un des numéros de Sciences Humaines (les grands dossiers sur l’histoire des autres mondes) figure sous le titre « l’Asie s’est réveillée », un entretien avec Kishore Manbubani, recteur de l’Université nationale de Singapour, décrit comme un des plus influents penseurs des relations internationales.
Il note que l’Asie est en train de reprendre le leadership de la planète, et que « L’Occident accumule les déficits publics thésaurise son épargne. La première conséquence est que les Asiatiques investiront toujours plus dans la recherche. Ils prendront une part croissante des découvertes scientifiques quand les universités et laboratoires occidentaux se débattront contre les coupes budgétaires.
Les opposants aux déficits récurrents affirment que l’accumulation des dettes se fait aux dépens de nos enfants et nos petits-enfants. Mais le sacrifice de la jeunesse est déjà fait et il se traduit de diverses manières.
Kishore Mahbubani termine l’entretien ci-dessus de la manière suivante : « quand je parle aux jeunes Européens ou Américains et que j’en tire l’impression qu’ils croient la fin du monde imminente, je m’interroge. Ce à quoi nous assistons aujourd’hui, c’est au retour de l’Asie
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