Le gouvernement a agité le chiffon rouge devant les syndicats d’enseignants en lançant le projet de faire évaluer les professeurs uniquement par le chef d’établissement, cette évaluation débouchant sur l’évolution de carrière. Il présente ce projet comme la suite logique de ce qui a été mis en place dans le reste de la fonction publique.
En lançant ce projet six mois avant les élections, le gouvernement fait tout pour perdre les voix des professeurs qui votent) droite (il y en a !). Mais surtout, il fait tout pour faire échouer une réforme qui peut avoir son intérêt, mais pour laquelle les conditions minimum de réussite ne sont absolument pas réunies.
Tout à l’idée qu’il faut remplacer le critère de l’ancienneté par celui de la performance, le gouvernement ne pose pas les questions de fond qu’il y a derrière cette réforme :
- qu’attend-on d’un enseignant ?
- l’ensemble des enseignants d’un établissement doit-il une addition de spécialistes de leur matière ou une collectivité éducative ?
- que recouvre ce dernier terme exactement ?
- les chefs d’établissement sont-ils recrutés et formés pour être capables de diriger une telle communauté et évaluer ses membres ?
- comment faire pour que les professeurs sélectionnés vers 23 ans soient toujours compétents et motivés 20 ou 30 ans plus tard ?
- …
Dans l’enseignement privé, les enseignants sont recrutés par les chefs d’établissements : cela ne semble pas provoquer de problèmes insurmontables, et cela contribue à un fonctionnement collectif d’établissement.
Dans l’enseignement public, les enseignants répugnent à abandonner ce qui fait qu’ils arrivent à être motivés, c’est-à-dire leur autonomie quasi-totale, au bénéfice d’un fonctionnement collectif aléatoire. Seule exception, les collèges en milieu difficile, où la solidarité enseignante est une question de survie, encore que tous ne jouent pas le jeu, loin de là.
Au plus haut niveau, c’est-à-dire celui des inspecteurs généraux qui définissent le programme de leur matière, l’enseignement est presque toujours (il y a d’heureuses exceptions) pensé de manière cloisonné entre les matières. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que, même avec la bonne volonté qui caractérise les enseignants (et particulièrement les ^plus jeunes, ceux qui ne sont pas encore désabusés), le fonctionnement collectif au sein de l’établissement soit difficile à faire vivre ; Il faut voir comment certains ont pu dénigrer l’idée de concevoir l’enseignement autour du jeune, comme s’il s’agissait là d’abandonner toute référence à un savoir et non pas de réfléchir aux démarches pédagogiques qui permettront d’avoir les meilleurs résultats.
Le métier de principal ou de proviseur n’attire guère et trop de ceux qui sont en ^poste aujourd’hui en ont une conception purement administrative (mais le système les y incite), quand ils ne sont pas tout simplement incompétents. Comment peut-on imaginer leur confier l’évaluation des enseignants ?
Pour réussir un tel exercice, il faudrait accepter de prendre 10 ans (au moins !) pour mettre en place une nouvelle génération de dirigeants, en commençant par les sélectionner sur d’autres critères et à les former à un autre rôle, en sélectionnant parmi ceux qui sont en place ceux qui déjà aujourd’hui montrent un vrai talent de management, et en ne mettant en place un nouveau modèle de relation hiérarchique et de fonctionnement collectif que dans les seuls établissements ayant à leur tête ces nouveaux dirigeants, le nouveau modèle s’étendant progressivement avec l’arrivée de nouvelles générations et la formation progressive de ceux qui parmi les anciens montrent leur envie et leur potentiel pour changer de rôle
Evidemment, une telle démarche est impossible dans notre pays accroché à la sacro-sainte notion d’égalité (en fait d’uniformité) et où toutes les élections sont l’occasion d’inventer une nouvelle réforme.
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