Dans ce monde où la dictature de l’heure étend chaque jour son empire, changer des horaires, de train ou de travail, cela souvent bouleverser l’organisation d’une journée qui jongle entre le dépôt d’un enfant à l’école, le train, l’arrivée au travail, le déjeuner sur le pouce, le travail, encore le train, aller chercher le même enfant chez sa nounou, pour recommencer le lendemain…
Hughes se moquait mardi de ces Français adeptes du « tu ne changeras rien » chaque fois qu’on les bouscule un poil dans leurs habitudes. Il avait tort. Si certains voient dans le changement les plus mineurs des signes de la privatisation qui avance, ceux qui protestent contre les changements d’horaires le font tout simplement parce que cela les gêne, parfois en bouleversant complètement leur organisation personnelle.
Le passage aux 35 heures s’est traduit dans toutes les entreprises par de nouvelles organisations du temps. Depuis, très rares sont les entreprises qui remettent en cause le système négocié alors, malgré les changements apportés à la législation, qui théoriquement donnent la possibilité de revenir à une plus grande durée annuelle du travail. Quelques filiales de groupes allemands sont repassées à 39 heures à la suite des changements réalisés dans leur maison mère et sous la menace d’une fermeture.
Si les entreprises sont très frileuses pour changer leur organisation du temps de travail, c’est parce qu’elles ont compris qu’il s’agit d’un exercice très compliqué, tant il touche aux habitudes de chacun.
Les organisations syndicales ont d’ailleurs la même prudence vis-à-vis du sujet, prudence qui les a souvent amenés au moment des lois Aubry à demander un vote des salariés avant d’apposer leur signature sur un projet d’accord. Sur les autres sujets, il leur est facile de raisonner par catégories de salariés pour comprendre si les avantages du changement sont plus grands que les inconvénients.
Un petit exemple pour illustrer le propos. Une entreprise envisage de modifier les horaires de ses équipes postées en 2*8. Le principe est d’allonger à 8 heures la durée quotidienne actuellement de 7h 30 en échange d’un vendredi non travaillé sur trois.
L’un des résultats concrets sera que l’équipe d’après-midi quittera l’usine une heure plus tard (la solution consistant à faire venir l’équipe du matin encore plus tôt n’a pas été retenue). Il se trouvera certainement des salariés (probablement parmi les femmes) pour trouver que ce changement est insupportable et que le gain d’un vendredi sur trois n’est pas une contrepartie satisfaisante.
Cette position ne viendra pas d’une supposée résistance au changement de salariés rétifs à comprendre les contraintes économiques, mais de contraintes sociales bien réelles. Par exemple celles de mères de familles qui ont tout juste le temps, quand elles sont d’après-midi, de rentrer chez elles pour assurer le repas de toute la famille avant de coucher les enfants à une heure décente. Mais on trouvera aussi des salariés accrocs à telle émission de télé ou au sacré saint match de foot.
On sait aussi que l’on voit plus facilement ce qu’on perd que ce qu’on gagne. Un DRH proposant quelques modifications des horaires permettant de dégager le vendredi après-midi s’était vu rétorquer, il est vrai par des syndicalistes peu constructifs, « que va-t-on faire un vendredi après-midi ?
L’entreprise citée plus haut compte créer de nouvelles équipes pour faire marcher ses équipements 7j/7 contre 5j/7 actuellement. Il y aura donc demain 5 équipes contre 3 actuellement.
On sait depuis assez longtemps que le système des 3*8 n’est pas satisfaisant pour la santé (il affecte le sommeil et l’alimentation), parce qu’il casse le rythme juste au moment où l’organisme commence à s’y habituer. Le système des 5*8, avec une succession de 2 matins, 2 après midi, 2 nuits et 4 repos est recommandé par les ergonomes.
Le passage à un système en 7j/7 pourrait donc être l’occasion de passer à ce système plus favorable. Il n’en sera pourtant rien, un tel changement serait trop difficile à obtenir. L’entreprise va donc mettre en place des équipes de VSD, avec un vendredi travaillé sur trois et tous les samedis et dimanches travaillés, le tout avec une durée quotidienne de 12 heures.
Ce système a beaucoup d’inconvénients, notamment en termes de santé (surtout si les salariés concernés en profitent pour prendre un deuxième travail, généralement au noir), mais il est suffisamment attrayant pour susciter des volontaires. Alors qu’il est certain que plus de la moitié(au moins) des salariés actuellement en 3*8 refuseraient avec vigueur de passer dans un système 5*8 qui leur prendrait plus d’un week-end sur trois. Pour l’entreprise, le retour en arrière sera également plus facile avec deux équipes en VSD qu’avec 5 équipes en 5*8.
Le dernier changement d’horaires de la SNCF a certainement petrturbé certains passagers…et en avantage d’autres, les premiers s’étant probablement exprimés plus fortement que les seconds !
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