Dans un monde économique où l’incertitude domine, être capable de s’adapter aux différentes situations possibles devient aussi important sinon plus que de faire des prévisions fiables. Après avoir fait évoluer leurs organisations dans ce sens, les entreprises ont progressivement adapté leur gestion des ressources humaines pour la même raison.
Dans un billet récent, Alexandre Delaigue se demande comment améliorer la prévision économique. La lecture de son billet m’a fait immédiatement penser aux évolutions dans l’entreprise depuis environ trente ans, évolutions que j’ai décrite en partie dans un billet déjà ancien sur la remise en cause du taylorisme.
Les entreprises industrielles ont été confrontées à partir du milieu des années 70, à la fin de la croissance facile et régulière, l’époque où la production d’EDF augmentait très régulièrement de 7% par an. Les volumes sont devenus aléatoires, et leur répartition entre les différents produits encore plus.
Des solutions organisationnelles ont été trouvées avec par exemple le Juste à temps et la fin des stocks tampon ou le SMED et la capacité à changer rapidement de série. Du point de vue des ressources humaines, il a fallu former tous les opérateurs au réglage (pour le changement de série) et développer la polyvalence. Mais le développement de ce qu’on appelle le temps partiel contraint procède de la même logique organisationnelle d’adaptation au plus près à la demande.
Mais cette flexibilité organisationnelle ne suffisait pas, et la question de la variation des volumes de touchait pas que l’industrie. C’est surtout à partir de ce moment-là qu’on a vu se développer les moyens d’adapter les effectifs rapidement, avec essentiellement l’intérim et les CDD. Une étude montre qu’au tournant des années 90, le taux annuel de rotation de la main d’œuvre ne dépassait pas 30%. En 1999, il est de 36%, en 2010 de 45% !
Entre temps, trois lois successives ont permis d’organiser le temps de travail sur une base annuelle, pour s’adapter à la saisonnalité de la charge, avant que la loi sur les 35 heures ouvrent définitivement la porte à ce type d’organisation…qui demande en réalité une prévision précise de la charge sur l’année !
La loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 impose la négociation tri annuelle de la GPEC, qui avait connue quelques heures de gloires au début des années 1990. Malgré le « P » de prévisionnelle dans le titre, il apparait vite vain de vouloir prévoir le nombre d’emplois par métiers dans une entreprise à un horizon de 3 ans. Au mieux, il semble possible d’identifier les métiers qui sont en expansion de ceux qui sont voués à diminuer.
Cet exercice même apparait comme aléatoire et l’Etat en fait la preuve lui-même avec le rapport Seibel qui en 2002 tente de prévoir l’évolution des métiers à l’horizon 2010 : le rapport se trompe complétement sur les évolutions du volume de l’emploi, comme le reconnait le rapport suivant. S’il identifie mieux les emplois qui croissent le plus et ceux qui se réduisent, il se trompe par exemple sur les secrétaires et assistantes dont l’effectif va augmenter contrairement à ses prévisions !
La GPEC est alors l’occasion pour les entreprises de mieux organiser la mobilité interne en leur sein. Il est vrai que cela fait longtemps que les banques reconvertissent une partie du personnel de back office vers les agences ou que les compagnies d’assurance essaient de faire passer des salariés de l’assurance dommage à l’assurance vie ! Mais une fois de plus, l’idée est d’organiser le système d’adaptation au changement, quitte à le faire fonctionner plus ou moins vite selon la conjoncture !
Quel enseignement pourrait –on tirer de ses pratiques pour l’Etat, confronté à une grande difficulté à faire des prévisions fiables ?
Il y a quelques jours, le Monde reprochait au gouvernement de plus utiliser l’augmentation de l’impôt que la réduction des dépenses pour réduire le déficit en 2012. L’argument est surprenant alors que le premier ministre s’est vanté de baisser les dépenses pour la première fois depuis 1945. En réalité, la journaliste du quotidien du soir s’est ciblé sur les modifications du budget initial et aux orientations de ces avenants.
On peut se demander si c’est une bonne idée pour l’Etat de faire varier ses dépenses de manière conjoncturelle. Des décennies d’augmentation ininterrompue des effectifs et de recherche d’économies en fonction de la conjoncture ont débouché d’une part sur une diminution radicale des investissements, d’autre part sur des budgets de fonctionnement qui conduisent les ministères à avoir trop d’agents mais pas les moyens de les faire travailler correctement.
Il faudrait dans l’idéal que l’Etat mette en place des orientations pluri annuelles dans une logique de performance (c’était, il est vrai, l’esprit de la LOLF) et installe en parallèle les outils qui lui permettront d’adapter ses dépenses selon la conjoncture sans compromettre la logique du fonctionnement sur la durée.
La relance de 2009 a montré que l’Etat avait parfois besoin de lancer des travaux d’investissements dans un délai bref : il faut alors que (presque) tout soit prêt pour lancer les dits travaux, ce qui n’est pas simple quand on connait la lourdeur des mécanismes d’’achat de l’Etat ! Il est probable que certaines dépenses de fonctionnement peuvent être supprimées au dernier moment, puisqu’on le fait régulièrement, mais j’ai un doute sur le bien-fondé de la chose ! Il est vrai que rien n’empêche probablement de repousser d’un an tel renouvellement de parc automobile ou d’ordinateur. Encore faut-il que en temps normal ce renouvellement ne see fasse pas à la toute dernière extrémité !
En fait, il faut se poser d'abord la question des outils de la flexibilité budgétaire, et on trouvera des solutions!
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