François Fillon a annoncé le budget le plus rigoureux depuis 1945. Les gouvernements vont devoir chercher des qualitatifs adaptés, parce qu’il faudra une très longue période de rigueur pour seulement revenir à la limite de 60% du PIB prévue par le traité de Maastricht
En 2010, les dépenses de l’Etat ont atteint 422,6 milliards d’euros pour 271.8 milliards de recettes nettes. Le PIB ayant été de 1932.8 milliards d’euros. Les dépenses de l’Etat en représentaient 21.8%, les recettes 14% et le déficit 7.8%, ce dernier nombre étant celui dont on parle. Il est vrai que dire que les recettes avaient représenté seulement 64% des dépenses aurait pu faire peur aux créanciers !
Le déficit prévu pour 2011 est plus faible, avec un PIB qui sera quasiment à 2 000 milliards d’euros, des dépenses qui après trois révisions se situent à 361.9 milliards d’euros et des recettes à 270.0, soit un déficit de 95.5 milliards d’euros « seulement » ou 4.8% du PIB (il s’agit du solde de l’Etat et non du total du déficit public, qui se situerait à 5.7% (essentiellement en raison des déficits des comptes sociaux).
En programmation pour 2012/ 2015, il est prévu un solde des déficits publics de 5.7% en 2011, 4.5% en 2012, 3%en 2013, 2% en 2014 et 1% en 2015. Avec de tels déficits, la dette publique continue à augmenter inexorablement en montant, mais après une hausse en 2012, commence à diminuer lentement en pourcentage du PIB pour se retrouver fin 2015 à 84.1% du PIB contre 85.5% fin 2011.
Imaginons maintenant qu’à partir de 2016, les comptes soient équilibrés tous les ans. Le montant de la dette publique deviendrait stable en euros, mais exprimé en pourcentage du PIB, il diminuerait si celui-ci augmente en valeur nominale.
Pour que les 84.1% du PIB de 2015 deviennent 60% plus tard, il faudra donc que le PIB soit multiplié par 84.1/60 soit environ 1.4. Avec une augmentation de 4% en valeur (grâce à une hausse de 2% en volume et à environ 2% d’inflation) il faudrait près de 10 ans encore pour être « dans les clous » de Maastricht en 2025.
Certes, on peut aussi faire une hypothèse plus favorable : si l’économie repart, par exemple en 2013 ou 2014, et qu’on assiste au même phénomène de rattrapage qu’en 1997/2000, il y a au moins 6 points de croissance en réserve, et on pourrait avoir trois années de croissance à 4%, lesquels augmenteraient plus vite le PIB (le dénominateur de notre calcul) mais surtout donneraient des recettes fiscales nouvelles (comme la fameuse cagnotte de Chirac) permettant de dégager des excédents…à condition que les dirigeants soient capables de résister à la pression des élus et des lobbyes de toutes sortes qui les pousseront à dépenser plus et à baisser les impôts (toute ressemblance avec une expérience précédente étant évidemment non fortuite !).
Mais on peut faire une hypothèse plus défavorable, avec une période de croissance de 2% par an d’ici 2015 (c’est l’hypothèse qui sous-tend la programmation2012/2015) mais une nouvelle crise économique ensuite, qui nous conduirait de nouveau à des déficits importants et propulserait la dette au niveau de celle de l’Italie par exemple.
On peut craindre que les gouvernements continuent les errements observés depuis plus de 30 ans, et qui ont conduits à ce que le montant des déficits, observé au plus fort d’une des crises conjoncturelles régulièrement rencontrées, batte à chaque fois le record précédent.
Certes, le gouvernement Fillon a réalisé une véritable rupture avec les politiques précédentes en diminuant volontairement les effectifs, malgré les protestations observées notamment à propos des postes d’enseignants. Mais il a poursuivi et accentué l’erreur commencée sous Jospin par Fabius, et consistant à distribuer sous forme de réduction d’impôts des économies inexistantes.
Dans les années 70, on avait pu observer une inefficacité croissante des politiques keynésiennes de relance, et le développement de la stagflation, association de stagnation économique et d’inflation.
Depuis, l’inflation a été cassée, à coup de taux d’intérêts très élevés. Mais les gouvernements ont continué à pratiqué des déficits qui ne sont plus mangés par cette inflation et ils n’ont pas su profiter de la baisse radicale des taux d’intérêts depuis 15 ans. Et on peut se demander sérieusement si la dette n’a pas atteint un niveau tel qu’elle tue toute croissance (notamment par une perte de confiance des acteurs économiques)
Ne faut-il pas prendre les moyens d’une réduction plus rapide du déficit ? Et espérer qu’une reprise prochaine dans 2 ou 3 ans nous permette de réaliser des excédents, de 2 ou 3% du PIB, seul moyen de réellement ramener la dette à un niveau raisonnable, dans 5 ou 6 ans et non dans 15 ?
Imaginons que l’effort soit fait sur le seul budget 2012, prévu avec un déficit de 95 milliards, en jouant sur les seuls impôts. Les recettes fiscales prévues étant de 273 milliards d’euros, il s’agirait de les augmenter toutes de près de 35% !
La TVA représente la moitié des recettes. L’augmenter de 35%, cela signifie que l’on augmente le taux maximum de 7 points, ce qui conduirait en pratique à une hausse des prix de 6% !
On peut décider de viser plutôt les seuls impôts sur le revenu et sur les sociétés, pour éviter des toucher les ménages modestes et les catégories moyennes.
Dans ce cas, il faut augmenter de plus de 90% le montant de ces deux impôts….
Dans le cas de l’impôt sur le revenu, si on ne touche pas à ceux qui n’en payent pas, il faudrait presque doubler celui des autres, ce qui revient à faire passer la tranche maximale de 40 à 80%...
On n’échappera pas à la nécessité d’utiliser tous les leviers : augmenter le nombre de contribuables payant l’impôt sur le revenu, revenir sur une partie des niches fiscales, ajouter une voire deux tranches ( avec un maximum à 50, voire 60%) augmenter la TVA, augmenter l’impôt sur les sociétés, et aussi diminuer les dépenses en continuant dans ce domaine ce qui a été amorcé (selon des modalités par ailleurs discutables, j’espère y revenir).
Il faut évidemment aussi rétablir les comptes sociaux. Mais dans ce domaine aussi, il ne suffira pas de revenir à l’équilibre : il faudrait dégager un excédent pour commencer à résorber une dette qui a été épinglée par la cour des comptes. Ce qui signifie qu’il faut continuer à repousser l’âge de la retraite, continuer la pression sur le budget de la santé et peut être même baisser les pensions (en pratique ne plus les augmenter qu’au rythme de l’inflation).
Tout cela peut paraitre excessif. Mais on peut aussi choisir de continuer comme avant et croiser les doigts pour que le premier ministre en 2014 ou 2017 ne soit pas contraint de jouer les Papandréou…
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