La politique de rigueur, qui s’installe doucement dans notre pays avec un deuxième plan d’austérité en trois mois, ne risque-t-elle pas de tuer la faible croissance qui reste, comme elle a enclenché la récession en Grèce ? Keynes ne nous a-t-il pas appris, à la suite de la crise de 29, que moins de dépenses de l’Etat, c’est moins de croissance ?
Le gouvernement a annoncé hier un plan visant à réduire à terme le déficit de 17 milliards d’euros, après celui de 12 milliards annoncé fin août. Ce dernier portait pour l’essentiel sur 2012 (un seul milliard pour 2011), le nouveau porte pour 7 milliard sur 2012, le reste s’étalant jusque 2016.
Cette fois, le gouvernement joue sur les deux leviers les plus faciles pour produire des effets importants : la TVA et les retraites. Rappelons en effet que la TVA représente la moitié des recettes de l’Etat, et que repousser d’un an l’âge de la retraite conduit à verser 500 000 pensions en moins (en cumulant l’Etat et les caisses de la sécu) quand il a fallu cinq ans pour péniblement réduire de 150 000 le nombre de fonctionnaires.
Des voix vont bien sûr s’élever pour expliquer que réduire le déficit en période de récession(ou de menace de récession) est une absurdité, que cela ne peut qu’entrainer une baisse de la croissance et augmenter le chômage.
Il faut rappeler qu’en 1929, trois phénomènes ont conduit à accentuer la crise, au point de faire plonger toute l’économie mondiale à un niveau catastrophique
La montée des protectionnismes, qui a fortement réduit les échanges
La faillite d’un certain nombre de banques, qui a conduit à un « crédit crunch », une baisse de la masse monétaire et l’asséchement de l’économie
Une baisse de la demande des ménages, des entreprises et des pouvoirs publics
Keynes a su alerter sur le troisième point et montrer comment un accroissement de la demande publique, en période de récession, permettait d’éviter d’accentuer celle-ci, voire relançait la machine.
Les mécanismes keynésiens ont été d’autant plus populaires chez nous, que leur mise en œuvre a coïncidé avec une période de forts gains de productivité et de rattrapage des USA, se traduisant par des taux de croissance très importants, comme en ont connu avec un certain décalage le Japon, la Corée du Sud, puis la Chine et maintenant l’Inde. Et puis, pouvoir faire plus de cadeaux aux électeurs plait forcément aux électeurs et aux élus !
Au point que certains ont fini par penser que le déficit était toujours favorable à la croissance, alors qu’une augmentation de déficit en période de montée du cycle économique revient à continuer à faire fonctionner le démarreur quand le moteur tourne déjà !
Aujourd’hui, les économistes et les dirigeants de banques centrales sont attentifs aux trois causes de la crise de 29. Les interventions des Etats en 2008 visaient d’abord à éviter la faillite des banques et un crédit crunch généralisé (le traitement de toutes les crises économiques dans le monde depuis 20 ans par de l’injection de liquidités a cependant par son accumulation des conséquences qui menacent aussi le système, mais c’est un autre sujet).
Le problème immédiat est que la dette accumulée est en train de menacer le système bancaire. Ne pas le traiter en voulant contribuer à la croissance en ne touchant pas aux déficits voire en les augmentant, cela conduit aujourd’hui à vouloir laisser le starter quand le moteur risque de se noyer et que le réservoir est presque vide !
Dit autrement, la menace qui pèse sur nos économies du fait de la dette est nettement plus importante que celle qui viendrait d’une réduction de la dépense publique. Son terme est en effet nettement plus proche (l’Italie est peut être sous une menace très proche, avec une crise de confiance des créanciers dans les jours qui viennent), son risque est avéré et les conséquences possibles sont dramatiques.
De l’autre côté, si l’austérité n’est pas favorable à la croissance à court terme (à moyen terme, les choses sont très différentes), il y a toutes raisons de penser que le déficit n’a pour l’instant aucun des effets positifs que lui prête la théorie keynésienne, en raison de la paralysie des acteurs (la peur de la crise fonctionnant comme prophétie auto réalisatrice).
La vraie question est de savoir si le plan annoncé par le premier ministre est suffisant. Je ne le pense pas (c’est plus de l’intuition qu’un raisonnement), mais je dois admettre qu’il est difficile de faire autrement à 6 mois des élections, pour des raisons politiciennes évidentes (la droite espère encore se sauver) mais aussi pour des raisons démocratiques (un plan d’austérité très rigoureux mériterait d’être validé par l’électeur).
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