La crise financière qui n’en finit pas de secouer les pays de la zone euro a mis en évidence deux questions débattues depuis longtemps mais que les responsables politiques, voire les citoyens préféraient ignorer : la question de la dette et celle de la gouvernance économique au sein de la zone euro.
L’idée que la dette publique ne doit pas être trop élevée figure noir sur blanc dans le traité de Maastricht, dont elle est un élément majeur. Plusieurs pays (notamment la Grèce et l’Italie) ont du faire des efforts importants pour réduire leurs déficits et leur dette afin d’être acceptés dans la zone euro. Cependant, ils ont été acceptés avant d’être redescendus au niveau maximal autorisé par le traité, soit 60% du PIB pour la dette publique.
Un pays qui dépasse les seuils acceptés pour le déficit public (3%) ou pour la dette publique (60% du PIB) doit expliquer à Bruxelles les moyens qu’il met en œuvre pour revenir dans les normes et dans quels délais. Mais cette obligation n’est pas assortie de sanctions.
Le problème est que la zone euro a dérapé à peine créée, en raison de ce qu’on a appelé l’éclatement de la bulle Internet. Il se trouve qu’à ce moment-là, les deux plus grands pays de la zone euro (par le PIB), la France et l’Allemagne, n’étaient pas en conformité avec les critères de Maastricht, ce qui ne laissait pas beaucoup de moyens à la commission pour réprimander les autres contrevenants. Face au laxisme budgétaire, la BCE a fait son travail, c’est-à-dire qu’elle a resserré les cordons monétaires, ce qu’on lui a d’ailleurs vivement reproché (à JC Trichet notamment).
L’Allemagne a ensuite pris des mesures drastiques, sous l’impulsion du SPD puis de la CDU/CSU, avec le résultat que l’on constate aujourd’hui : un déficit public qui devrait être limité à 25 milliards d’euros en 2011 et des taux d’intérêts extrêmement bas, les obligations allemandes étant considérées comme des valeurs refuges.
En France, le rapport Pébereau publié fin 2005 a montré à ceux qui voulaient bien l’entendre, que la situation de notre pays sur ce point n’était pas bonne, et qu’en plus les menaces de dérives se profilaient à l’horizon, pour des raisons démographiques notamment.
Le président élu en 2007 n’en a tiré les leçons que sur certains points : la diminution des dépenses avec le non remplacement d’une partie des départs en retraite, le report des départs en retraite (et la suppression de la DRE, mesure courageuse) et la recherche d’une maîtrise des dépenses de santé. Par contre, il a continué et accentué la politique de baisse des impôts, politique dont on peut toujours discuter les objectifs, mais qui ne peut consister à distribuer de l’argent que l’on ne possède pas.
On reconnaîtra au gouvernement qu’il a choisi les mesures les plus durables : il est facile de baisser ou relever rapidement les impôts, quand les questions de nombre de fonctionnaires ou de départs en retraites ne peuvent se traiter que sur le moyen voire le long terme (« c’est justement parce que c’est long qu’il faut commencer au plus vite »).
Je préfère ne pas imaginer ce qu’aurait fait la gauche, au regard des propositions qu’elle faisait au moment de la crise de 2008, estimant le plan de relance insuffisant. Peut-être aurait-elle moins augmenté la dette (c’est loin d’être sûr), avec moins de cadeaux fiscaux, mais elle aurait laissé un budget beaucoup plus difficile à redresser.
On peut espérer que les Français et les principaux responsables politiques avec eux, auront compris qu’il était temps de redevenir durablement raisonnable, en visant un excédent budgétaire durable, mais je suis loin d’en être sûr. Il y a en tous les cas des gens qui continuent à vouloir jouer avec le feu, y compris au sein des partis dits de gouvernement.
La deuxième leçon de la crise, c’est bien sûr la nécessité d’une coordination économique forte au sein de la zone euro. On a vu, au scandale de certains, un premier ministre grec convoqué par ses pairs comme un vulgaire préfet, un premier ministre italien contraint de démissionner. Dans les deux cas, le successeur désigné est ou sera probablement un homme qui s’est fait connaître à Bruxelles, soit au sein de la BCE, soit au sein de la commission.
Aller plus loin dans la coordination (à quand un véritable ministre des finances ?) pose de nombreux problèmes, pas seulement institutionnel. Après tout, l’existence d’un ministre des affaires étrangères au niveau européen n’a pour l’instant pas empêché chaque pays de n’en faire qu’à sa tête.
Il faut citer ici une question dont les médias ne parlent pas, ou très peu, mais sur laquelle insiste Alexandre et Stéphane, ces deux papes historiques de la blogosphère économique. Pour ceux ci (à partir de plusieurs études économiques), dans une zone monétaire unique, la politique de la Banque Centrale ne permet pas de répondre à des chocs asymétriques, c’est-à-dire des chocs qui impactent différemment les différents pays de la zone. Ils constatent que les modes d’adaptation alternatifs (comme la mobilité des travailleurs en dehors de la zone) n’existent pas en pratique dans la zone euro (je suppose qu’il reste l’instrument budgétaire). Alexandre, pour cette raison et sans doute d’autres, est très pessimiste sur l’avenir de la zone euro, qu’il ne voit pas durer encore un an.
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