Entre l’accélération de la réforme des retraites par le gouvernement pour cause de dette et la répugnance historique du PS à bouger sur le sujet, François Hollande va bien devoir trancher. Le fera-t-il une fois élu ou précisera-t-il sa position avant une élection qui n’est peut-être pas aussi gagnée d’avance qu’elle en a l’air ?
Le candidat du PS trouve extrêmement injuste que des salariés ayant commencé à travailler très tôt et dans des conditions dures ne puissent pas partir à la retraite à 60 ans dès lors qu’ils ont cotisé 41.5 ans et pense, s’il est élu, prendre très vite des mesures en faveur de ces salariés qui ont effectué des carrières longues. C’est la position que rappelait Michel Sapin dans le Monde daté du 9 novembre.
Cette position est déjà un très grand pas en avant dans l’acceptation des réformes menées par le gouvernement actuel, surtout quand on la compare à la position des socialistes, dont les militants se sont toujours montrés très réticents à toute remise en cause des systèmes existants.
En fait, le PS (et malheureusement la France avec elle) paye l’erreur faite en 1982. A l’époque, pour prendre sa retraite à taux plein, il faut à la fois 37.5 ans de cotisations et 65 ans d’âge. La conséquence est que la durée de cotisation est de 51 ans pour l’ouvrier qui a commencé à 14 ans et de 42 ans pour le professeur qui enseigne depuis l’âge de 23 ans. A cette différence de durée de cotisation s’ajoute une différence d’espérance de vie importante au détriment des ouvriers.
La France est en train de traverser une crise terrible, avec une forte montée du chômage en général, mais un problème spécifique à l’industrie : celle-ci est en première ligne face aux importations et mène une politique d’automatisation qui bouscule les très nombreux ouvriers peu formés (au début des années 60, les 2/3 d’une classe d’âge n’a même pas le CAP).
Pour accompagner les restructurations qui se révéleront inévitables, la solution la plus facile, celle sur laquelle se mettront d’accord chefs d’entreprises, salariés, syndicats et responsables politiques, consiste à faire partir les salariés les plus âgés, sous forme de pré retraite. Manque de chance, les salariés ayant 65 ans en 1981 sont nés en 1916, et appartiennent donc aux classes creuses liées à la guerre de 14/18.
Il y avait donc de bonnes raisons de faire passer la retraite à 60 ans pour les ouvriers (de nombreux ouvriers partiront en retraite à 56 ans dans les années qui vont suivre). Il n’était pas nécessaire de le faire pour les enseignants, qui ne souffrent pas de problème de chômage : c’est le chômage des non qualifiés qui explose à cette période. Il aurait été possible de le faire avec une durée de cotisations adaptée, par exemple 46 ans pour viser ceux qui avaient commencé à 14 ans, voire 44 ans en anticipant sur l’arrivée programmée de ceux qui avaient commencé à 16 ans à la suite de l’allongement de la scolarité obligatoire (décidé en 1957 pour la classe d’âge née en 1951).
Je ne sais pas si cette solution de sagesse a été évoquée à l’époque (j’avoue que je ne m’intéressais guère au sujet). L’Assemblée Nationale de 1981, avec 32.7% d’enseignants, 23% de fonctionnaires et 3% d’ouvriers ne se serait peut-être pas laissée convaincre facilement…
Toujours est-il que si on regarde en creux le point de vue de F Hollande, il ne remet pas en cause les 41,5 ans de cotisation (quand certains s’accrochent encore aux 37.5 ans) ni le report à 62 ans du départ de ceux qui n’ont pas eu une carrière longue, en pratique ceux qui ont commencé à travailler à 18 ans par exemple. Il faut ajouter que ceux qui ont des carrières longues peuvent aujourd’hui partir à 60 ans avec 43 ans de cotisation.
En se focalisant sur les carrières longues et la pénibilité, F Hollande rejoint les revendications de la CFDT, quand son parti avait critiqué avec toute la gauche la signature cédétiste de la loi Fillon en 2003, loi plus favorable que ce qu’il propose aujourd’hui, loi qui instituait justement pour la première fois les carrières longues.
Le militant CFDT que je suis ne peut que s’en réjouir, mais le citoyen blogueur sait trop les risques d’une telle position : le temps n’est plus à des largesses dans le domaine des retraites. Si l’on voulait être raisonnable, tout changement plus favorable à une partie des futurs retraités devrait se compenser par des reports pour d’autres catégories. Le débat sur la pénibilité se poserait différemment si l’on posait comme règle que la moyenne des durées de cotisation devrait rester identique, d’autant plus que beaucoup considèrent qu’ils ont un métier pénible, même si l’espérance de vie de leur catégorie socio professionnelle est plus longue que la moyenne.
La situation des finances publiques devrait normalement pousser le candidat socialiste à revenir sur une position qui est pourtant déjà très raisonnable au regard de celle habituellement tenue dans son parti. On verra s’il le fait au moment où il lui faudra préciser ses intentions et chiffrer son programme, d’ici quelques mois.
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