La question du nucléaire sera sans doute un sujet important des prochaines élections, à cause de la position des écologistes bien sûr, mais aussi parce que des choix doivent être faits pour le parc français, au moment où les choix faits par le Japon de réduire leur consommation énergétique totale peuvent nous donner des idées utiles.
Cécile Duflot a fait de la sortie du nucléaire «"un horizon obligatoire, même si pour certains, ces mots sont imprononçables". Sans cela, "il n'y aura pas d'accord avec le PS" ». Elle confirme donc que la lutte contre le réchauffement climatique passera après. Il faut dire qu’elle donne la même importance au retour à la retraite à 60 ans (sans doute selon l’idée que l’espérance de vie diminue !). Laissons tomber : il est clair que je ne serais pas d’accord avec EELV !
Le parc nucléaire français (58 réacteurs) a été en grande partie construit dans une période assez courte, 42 réacteurs ayant été couplés au réseau entre 77 et 87. Quand on regarde dans le détail, on trouve les 6 tranches de 900 MW du Bugey et de Fessenheim raccordées au réseau de décembre 1979 à janvier 80, puis les 18 tranches de Blayais, Dampierre, Gravelines et Tricastin raccordées entre septembre 1980 et octobre 1985, puis les 10 tranches de Chinon, Cruas et Saint Laurent entre août 1983 et avril 1988, les 8 tranches de Flamanville, Paluel et saint Alban raccordées de décembre 1985 à mars 1987, les 12 tranches de Belleville, Cattenom, Golfech, Nogent et Penly, raccordées de avril 1987 à mars 1994 et enfin les 4 tranches de Chooz et Civaux raccordées en 2001. Chaque série de tranche ainsi décrite correspond à des modèles différents, les 4èmes et 5èmes séries étant de 1300 MW et la dernière de 1450MW.
Au départ, la durée de vie des centrales était estimée à 30 ans, mais depuis, de nombreuses recherches ont porté sur les moyens de prolonger cette durée. EDF espère aujourd’hui dépasser les 50 ans en moyenne et les américains tablent sur 60 ans. La question de la gestion du nucléaire français peut selon les scénarios être celle de la construction de nouveaux EPR (EDF imaginait en 2004 en construire un tous les deux ou trois ans à partir de 2015), celle de la fermeture accélérée des centrales, ou celle d’une gestion raisonnée des prolongements en fonction de la demande. On comprendra aisément que je juge ce dernier cas le plus raisonnable. On verra à l’usage comment fonctionne l’ETR de Flamanville avant de rêver sur son cas (on en dira autant du projet ITER).
Martine Aubry déclarait il y a peu que prolonger la vie d’une centrale, c’est multiplier par 10 les risques. Je préfère ne pas savoir d’où elle tient ces estimations, mais on peut en effet penser qu’il faut prendre des précautions avant de prendre ce type de décision. D’abord parce que les éléments constitutifs s’usent par définition (mais on peut les changes, au moins certains). Ensuite parce que certains matériaux radioactifs s’accumulent (ceux dont la durée de vie n’est pas inférieure à quelques années). C’est pour ces raisons que le prolongement d’une centrale est soumis à l’autorisation de l’Agence de Sureté Nucléaire.
Un mot sur le démantèlement des centrales. Actuellement, pour des tas de raisons, le démantèlement de la centrale de Brennilis n’avance pas. EDF paye donc 6 personnes pour assurer la permanence de la surveillance. Pendant ce temps, la radio activité diminue ! J’avais trouvé la composition de ce qui avait été rejeté à Tchernobyl (je crois) qui donne une idée au moins approchée de ce qu’on aura dans les centrales en fin de vie. La moitié de la radio activité émanait d’éléments ayant une durée de vie inférieure à une semaine, donc quasiment disparu au bout d’un an. La radio activité des éléments ayant plus d’un an de durée de vie représentait moins de 2% du total. Au bout de 10 ans, il ne resterait que 0.6% de la radio activité initiale, mais les radioéléments restants alors sont dominés par le Césium 137 et le strontium 90 qui ont une durée de vie de 30 ans environ. Il faut attendre ensuite plusieurs centaines d’années pour que ne subsiste que le plutonium 239 qui a une durée de vie de 24 000 ans, mais qui ne représente que 2 millionièmes de la radio activité initiale. Soyons clair : les seuls intérêts des sommes mises en réserve par EDF permettent de financer très largement la surveillance d’une centrale dont on attend tranquillement que la radio activité diminue (ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’autres solutions)
Revenons à nos moutons. L’examen de l’évolution de la consommation finale par secteur entre 1973 et 2010 montre une augmentation de 28% dans le résidentiel tertiaire, de 93% dans les transports, de 15% dans l’agriculture, mais une baisse de 30% dans l’industrie, due pour plus de moitié à la sidérurgie. Aujourd’hui, le résidentiel tertiaire représente 40% de la consommation et les transports près de 30%. L’utilisation de l’électricité augmente pour le chauffage dans le résidentiel tertiaire, ce qui augmente par la même occasion la variabilité de la consommation et l’importance des pics en hiver.
Entre 2002 et 2008, la consommation totale n’a pas bougé alors qu’il y a eu une légère hausse en 2010 après la nette baisse de 2009 due à la crise qui a marqué l’industrie.
La priorité devrait être aujourd’hui de baisser la consommation d’énergie. Une de mes amies m’expliquait il y a peu que suite à Fukushima, le Japon a radicalement revu ses prévisions dans ce domaine, passant d’une prévision à moyen terme d’augmentation de 30% à une baisse de 28% !
Il y a notamment de gros progrès réalisables dans le logement, ce qui suppose d’investir sur les constructions existantes, par exemple en donnant les moyens aux organismes HLM de tels travaux. Le chauffage se fait de moins en moins au fuel ou au charbon, le marché se répartissant essentiellement entre le gaz et l’électricité.
La consommation diminue très lentement dans les transports. La baisse peut provenir de véhicules plus performants ou plus petits, mais le renouvellement du parc est lent. Elle peut aussi provenir d’un changement de l’habitat, mais là, on est dans le très lent ! L’exemple du métro super périphérique francilien montre les délais considérables dans ce domaine.
A côté de ces facteurs de baisse des besoins, y compris électriques dans le cas du chauffage résidentiel ou tertiaire, les facteurs de hausse de l a demande d’électricité nucléaire sont limité. Il y a bien sûr le passage au chauffage électrique pour cause de prix des combustibles fossiles (et de lutte contre la production de CO2), mais elle pose des problèmes de gestion des pointes. Le passage à la voiture électrique pourrait entraîner des besoins importants, mais on n’y est pas encore, et il faudra le temps de renouveler le parc. Notons que si le scooter électrique existe déjà, les motards ne semblent pas se bousculer en masse pour le choisir.
Il est très possible que l’exportation d’électricité augmente de nouveau, au regard des choix faits par nos voisins allemands ou suisses, mais j’ai noté que le marché serait assez encombré une partie du temps au moins.
Si l’on prend en compte une augmentation des énergies renouvelables, même lente, même limitée par les problèmes de gestion de la variabilité, il faut donc s’attendre à une décrue (limitée) du volume total de besoin du nucléaire (qui pourrait cependant se conjuguer à un maintien voire une hausse dans la consommation totale, si celle-ci baisse effectivement).
Il serait donc possible à un gouvernement jouant fermement la carte des économies d’énergies de lâcher un peu de lest dans le nucléaire (par exemple en acceptant une fermeture de Fessenheim pendant la prochaine législature) sans remettre en cause la situation de la facture énergétique de la France qui avait atteint 60 milliards d’euros en 2008, avant de se replier sous l’effet de la crise
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