La défiance des investisseurs envers la dette de certains pays oblige ceux-ci à payer des taux d’intérêts élevés, ou en tous les cas plus élevés que ceux payés par les pays à meilleure réputation, en premier lieu l’Allemagne. L’écart a progressivement augmenté, y compris pour la France, mais celle-ci paye aujourd’hui un taux historiquement faible.
Au 9 septembre, les taux à 10 ans étaient de 1.69% en Allemagne, soit un plus bas historique. L’écart avec ce taux, soit ce que les autres pays de la zone euro devaient payer en plus pour rémunérer leurs nouveaux créanciers, était de 0.54% pour les Pays Bas (mais les écarts étaient pour ce pays plus faible pour les autres durées), 0.57% pour la Finlande, 0.72% pour la France, 0.87% pour l’Autriche, 2.27% pour la Belgique, 3.64% pour l’Espagne, 3.77% pour l’Italie, 7.29% pour l’Irlande, 9.18% pour le Portugal, et 19.70% pour la Grèce.
Les écarts pour les échéances plus courtes sont du même ordre pour les pays moyens (France, Espagne, Italie, Belgique et même Irlande), beaucoup plus faibles pour les bons élèves (Autriche, Finlande et Pays Bas, mais plus élevés pour les mauvais : pour les emprunts à deux ans, il est de 16.27% pour le Portugal et de 56.58% pour la Grèce. Dit autrement, si ce dernier pays devait emprunter à deux ans sur le marché, elle paierait en intérêts sur deux ans plus que le capital emprunté !
Si la France émet pour 400 milliards de nouveaux emprunts avec ce type d’écarts, il lui en coûtera donc annuellement pour environ 3 milliards d’intérêt. Pour l’ensemble de la dette (si l’écart se maintient sur longue période), le surcoût est de 12 milliards environ par an, soit le montant de l’ensemble des mesures de la loi TEPA.
Mais si la France se retrouvait dans la situation de l’Italie ou de l’Espagne, il faudrait multiplier à terme (le temps de renouveler le stock de dette) avec un surcoût de 60 milliards, soit plus que le montant de l’impôt sur le revenu. Il n’est donc pas inutile pour notre pays d’agir pour ne pas voir dégrader sa réputation sur les marchés.
Le cas de la Grèce est évidemment dramatique, d’autant plus que sa dette est très élevée (environ 150% du PIB) et que son déficit l’est également encore (9 à 10% du PIB, mais c’est une baisse par rapport aux 15% constatés en 2009). S’il lui fallait emprunter aux taux du marché, sa dette ferait très rapidement boule de neige. L’aide européenne lui permet d’emprunter à des taux beaucoup plus raisonnables que ceux offerts par le marché.
Mais revenons à ce qui était noté concernant l’Allemagne : les taux à 10 ans sont à leur plus bas taux historique : même avec un léger surcout, ceux de la France ne sont donc pas si élevés que cela !
Si l’on observe les taux à dix ans sur longue période (la Banque de France nous fournit cette information depuis 1987), on voit qu’ils se trouvaient entre 8 et 12% en 1987 (il y a eu une pointe à 11.92% en octobre 1987). Ils sont passés pour la première fois sous la barre des 8% en janvier 1993, sous celle des 7% en juin 1993 et sous celle des 6% en octobre de la même année, puis ils sont repartis à, la hausse. Il faut ensuite attendre mars 1998 pour passer (provisoirement) sous la barre des 5%. Des points sous 4% sont observés fin 98 et au premier trimestre 99, puis de nouveaux en 2003. Mais ce n’est qu’en 2010 qu’on obtient pour la première fois des taux à 10 ans inférieurs à 3% : les taux actuels sont également très bas pour la France, d’autant plus bas que l’inflation ne l’est pas.
On peut faire le même raisonnement pour les taux à 2 ans et observer des évolutions semblables, c’est-à-dire, malgré des à-coups, une tendance à la baisse depuis 1987, c’est-à-dire depuis que le taux d’inflation est passé durablement sous les 3%. Ce taux qui a connu des maxima au-dessus de 11% en 1991, n’a plus dépassé sa pointe à 5.33% constatée en août 2000 depuis cette période, c’est-à-dire depuis 11 ans. Après une incursion sous les 3% en 2003, il est revenu en dessous de ce niveau à partir de 2009. Passé sous les 1% en 2010, il est repassé au-dessus de 2% au printemps 2011, mais est revenu sous les 1% depuis la mi août, signe que l’alerte est passée. De leur côté, les taux à 30 ans étaient au 8 septembre à 3.51% à leur plus bas de l’année 2011, 0.5% plus haut que le minimum historique de 3.01% atteint le 27 août 2010, mais en dessous de tous les niveaux observés avant 2010.
Les efforts faits par de nombreux pays européens pour être dans les conditions du traité de Maastricht (efforts démarrés en France avec le plan Delors Mauroy en 1983) leur ont permis de rapprocher leurs taux d’intérêts de ceux obtenus par l’Allemagne (l’écart était devenu très faible pour la France en 2010) et donc de financer leur endettement à des coûts notoirement diminués( ce qui a représenté des dizaines de milliards d'euros par an), l’ensemble des emprunteurs (entreprises ou particuliers) bénéficiant de la baisse des taux. Le relâchement de la discipline budgétaire menace aujourd’hui ces avantages : chacun doit se donner comme objectif de revenir aux critères de Maastricht pour assainir sa situation.
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