Avec près de 5 millions de téléspectateurs, le débat de jeudi a été un beau succès pour les candidats du PS et tous les Français sont maintenant confrontés à une question inédite : voter ou non pour ces primaires ? Et bien sûr, en cas de réponse positive, pour qui voter ?
Les sondages, que les journalistes et les hommes politiques ne cessent de critiquer mais qu’ils ne cessent de commander et d’utiliser à tort et à travers, les sondages donc, montrent que les sympathisants socialistes ne sont pas les seuls à envisager de voter à ces primaires : d’après BVA cité par le Monde, « les électeurs potentiels certains de participer se recrutent logiquement à gauche (73%), d'abord chez les sympathisants du PS (52%), les écologistes (10%), du Parti de gauche (7%), du PCF et de Lutte ouvrière (2%), mais on en trouve cependant aussi à droite : 7% disent voter UMP, 8% au FN et 1% MoDem et Nouveau Centre. Et 10% se disent sans proximité partisane ». (Ouf ! mais comment fait Denys pour écrire des phrases aussi longues ?).
Pour ceux qui n’ont pas envie de voter PS au premier tour, ou a fortiori au second, il peut être tentant de vouloir donner un coup de pouce à un « mauvais » candidat, pour donner plus de chance à son propre favori. Dans cette logique, un partisan de Mélenchon évitera de voter Montebourg et un électeur UMP tentera d’amener Ségolène Royal en tête (en espérant que les sondages qui la mettent derrière Marine Le Pen disent vrai, ce qui est un pari hasardeux à une telle distance du scrutin !).
Une autre logique, moins tordue, consiste à voter pour le candidat qui incarne le mieux un thème auquel on tient : un écologiste votera pour Martine Aubry s’il la croit plus favorable à l’arrêt du nucléaire, un adversaire de la mondialisation votera pour Montebourg, et les partisans d’une plus grande sévérité contre les délinquants choisiront entre Manuel Valls ou Ségolène Royal.
Pour ma part, n’ayant pour l’instant aucune idée du bulletin que je mettrais dans l’isoloir l’an prochain, que ce soit eu premier tour ou au second, tant l’offre actuelle me désole, il me semble que ce qui guidera mon choix de voter ou non, c’est la conviction que le candidat du PS a de très grandes chances de gagner les présidentielles l’an prochain, d’autant plus que l’évolution de la conjoncture économique est en train d’enlever la seule chance qu’avait Nicolas Sarkozy de voir sa côte de popularité remonter, à la faveur d’une amélioration de la situation économique (là, 6 lignes c’est vraiment le maximum que je puisse faire, décidemment, je renonce à imiter Dirty Denys) .
Si le candidat que choisira le PS (ou plutôt les électeurs de ces primaires) est quasiment sûr d’être élu, ce n’est pas en mai prochain que nous pourrons choisir notre président, c’est aujourd’hui que nous avons l’occasion de le faire, les jeux semblant ouverts, pour le premier comme pour le second tour de ces primaires.
Mais si l’objectif est de choisir le futur président, autant se désintéresser des « petits » candidats. Je ne sais pas s’il faut placer la présidente de région Poitou Charentes dans les petits mais je ne suis pas assez méfiant vis-à-vis du programme socialiste pour choisir une personnalité aussi peu fiable dans le seul but de donner une chance à la droite (le président sortant ayant de graves inconvénients, comme les candidats PS, même si c’est sur des sujets différents). Restent donc Martine Aubry et François Hollande
L’ancienne ministre du travail a évidemment de grandes qualités. D’abord, elle a incontestablement le niveau requis pour la fonction, ce qui est loin d’être sûr pour les quatre que je viens d’éliminer.
Ensuite elle s’est intéressée de près aux questions du travail, choisissant le ministère du travail à sa sortie de l’ENA, participant à l’élaboration des lois Auroux puis prenant en charge les questions de ressources humaines chez Péchiney auprès de Jean Gandois. A ce poste, elle favorisera la mise en place d’organisations valorisant les compétences ouvrières et favorisant l’apprentissage (organisations dites qualifiantes), notamment à l’occasion de la construction de l’usine d’aluminium de Dunkerque. C’est d’ailleurs pour cette raison que je l’ai rencontrée, à l’occasion d’un déjeuner organisé par Germain FEREC, à l’époque DRH de l’entreprise, ancien comme elle du ministère du travail, qui avait réuni 3 ou 4 consultants pour aborder ce sujet et la manière dont il pouvait être mis en œuvre dans les usines du groupe.
Elle avait montré toute sa compréhension des enjeux de l’organisation du travail et de la négociation sociale dans la rédaction de ce qu’il est coutumier d’appeler la loi Aubry 1 sur les 35 heures, petit bijou d’intelligence conçu de telle manière qu’il n’était possible de mettre en place les 35 heures dans une entreprise (de manière anticipée avant 2000) que si les partenaires sociaux se mettaient d’accord sur des concessions mutuelles.
Il y a eu malheureusement la Loi Aubry 2, aussi brutale que la première loi était fine et astucieuse, qui imposait à toutes les entreprises de plus de 20 salariés un passage aux 35 heures qui n’était pourtant pas adapté à toutes les situations, passage conçu dans une période de fort chômage mais qui n’avait plus de justification après la croissance des années 1997/2000, passage qui a eu un effet désorganisateur dans les secteurs en tension de recrutement (essentiellement la santé et le BTP) et qui a contribué de manière notable au décalage de compétitivité qui s’est creusé entre l’Allemagne et la France depuis 2000.
Quand j’entends Martine Aubry dire qu’elle fait ce qu’elle annonce, je pense à cette loi, mais aussi à ce qu’elle avait mis en place à Péchiney avec la suppression des catégories de classification les plus faibles, décision qui débouchait non plus sur des organisations qualifiantes mais sur des organisations excluantes pour les personnes les moins qualifiées. A un moment, ce qui peut être une qualité (ici la ténacité) devient une faiblesse (l’enfermement quasi idéologique dans une voie qui n’est pas ou plus la bonne).
Ce manque possible de pragmatisme (au moins dans certaines conditions) m’ennuie d’autant plus que les jeux internes du PS ont positionné Martine Aubry du côté gauche du parti, avec notamment un allié comme Benoît Hamon, qui me fait frémir par son idéologie et son irréalisme chaque fois que je l’entends.
A l’aune de ces remarques, François Hollande, homme pragmatique capable de bâtir des consensus me parait un meilleur président pour notre pays. Mais il me reste encore quelques semaines pour creuser la question !
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