Le chômage repart à la hausse et tous les médias nous expliquent que ce sont les jeunes et les seniors qui en sont les premières victimes, passant ainsi à côté de l’essentiel : ce n’est pas l’âge qui est le principal élément explicatif du taux de chômage, c’est le métier et la qualification.
L’affaire est entendue depuis longtemps : les carrières professionnelles sont rétrécies aux deux bouts avec de grandes difficultés pour les jeunes pour trouver un emploi et des sorties prématurées pour les seniors. Les médias insistaient encore après la sortie des chiffres du chômage de juillet sur la forte progression du chômage des jeunes et des seniors.
Si on y regarde de plus près, les choses ne semblent pourtant pas si évidentes.
Les chiffres de juillet publiés par la DARES donnent certes une augmentation plus forte que la moyenne du chômage des 50 ans et plus : pour la catégorie A, sur un mois +2.0% contre +1.3% et sur un an +14% contre +1.0%. Mais la tendance est inverse pour les jeunes puisque l’évolution est de +1.4% sur un mois mais de -2.5% sur un an
Si on regarde maintenant les taux de chômage au sens du BIT publiés en début de mois de septembre pour le deuxième trimestre par l’INSEE, on découvre que sur un an, le chômage des 15/24 ans est passé de 22.9% à 21.9%, celui des 25/49 ans de 8.4% à 8.2%, celui des 50 ans et plus restant stable à 6.1%
En réalité, le chômage des seniors est donc assez nettement plus faible que la moyenne. Pendant longtemps, on a pu estimer que les chiffres des statistiques étaient faussés par les départs prématurés en retraite et par les dispenses de recherche d’emploi (les chômeurs concernés n’étant pas comptés dans les statistiques) qui ont été jusque 400 000 !
On ne peut plus guère faire ce raisonnement avec la fin de la DRE et l’augmentation progressive de l’âge de départ en retraite. Ces modifications expliquent certainement l’augmentation constatée du chômage des seniors selon la DARES. Mais l’augmentation enregistrée depuis 4 ans est d’un montant assez nettement inférieur au nombre des DRE, ce qui prouve que la disparition de celle-ci modifie le comportement des employeurs et des seniors. Et pourtant, je peux constater autour de moi que des gens continuent à profiter de plans de départs ou d’une rupture conventionnelle pour anticiper de quelques mois ou années leur retraite, aux frais de Pôle emploi.
Le cas des jeunes chômeurs est assez différent, puisque le taux affiché est très nettement supérieur à celui chiffré pour les autres tranches d’âge : même après la baisse constatée en un an, le taux de chômage des 15/24 ans est 2.4 fois plus élevé que la moyenne. Pourtant, quand on lit l’étude faite par l’INSEE sur les dix premières années de carrière, on lit un taux de chômage d’ensemble de 14%, au sens du BIT. C’est encore 1.5 fois le résultat d’ensemble, mais on est assez loin des 2.4 précédents ! Pourquoi ? C’est très simple : le choix de l’analyse par tranche d’âge déforme la réalité des débuts de carrière, parce que les jeunes peu ou non qualifiés y sont sur représentés (il s’agit du taux de chômage des actifs et les étudiants n’y figurent donc pas) alors que les plus diplômés en sont presque absents !
Donc 50% de taux de chômage en plus en début de carrière et un tiers en moins en fin de carrière : il y a un réel effet âge, mais il est assez différent (pour les seniors) et plus faible (pour les débutants que ce qui est habituellement propagé
Ce dont on ne parle guère par contre, même si tout le monde en a une conscience approchée, c’est de la différence de chômage selon les formations. Si l’on reprend l’étude de l’INSEE pour les 10 ans de début de carrière, on note que les non diplômés ont un taux de chômage de 31% (soit plus du double d’une moyenne assez élevée) quand le taux est de 6% pour les aides-soignantes, de 3% pour les BTS de génie civil, de 2% pour les infirmières, de 4% pour les ingénieurs en mécanique ou électricité. Un rapport de 1 à 15 entre les formations les plus recherchées et celles qui ne le sont pas !
Un mot sur les 2% de chômage des infirmières (il y a le même taux pour les médecins). Dans une profession en pénurie et répartie sur tous le territoire de manière assez homogène, il illustre ce que l’on appelle le chômage frictionnel : je déménage pour suivre mon conjoint (une de mes amies infirmières le fait cet automne) et il peut y avoir quelques mois ou quelques semaines de chômage. Il existe des infirmières qui, pour des tas de raisons personnelles, choisissent l’intérim (et refusent donc les propositions d’embauche en CDI qu’on ne manque pas de leur faire régulièrement) et peuvent avoir des périodes courtes de chômage (bien entendu indemnisé) entre deux missions.
On a donc un grand écart entre des populations dont la formation débouche sur un marché de l’emploi peu favorable et d’autres qui vont au contraire bénéficier d’une situation très favorable, avec bien sûr toutes les situations intermédiaires. Parmi les premières, certains, pour des raisons de dynamisme personnel ou de hasard peuvent s’en sortir beaucoup mieux que d’autres. Dans les formations bac+4/5 en art, il y a un taux de 13% de chômage mais des personnes, par exemple qui ont réussi un concours dans la fonction publique, qui n’auront pas un jour de chômage de toute leur carrière !
Un mot pour terminer sur une idée fausse par excellence, celle concernant les licenciements économiques, qui font l’objet d’une législation compliquée et d’une jurisprudence abondante, sur lesquels se focalisent les discours, par exemple de politiques qui veulent les interdire pour les entreprises qui font des bénéfices.
En juillet, sur 519 000 entrées à Pôle emploi, il y en a eu 12700 (soit 2.5%) suite à un licenciement économique. Encore faut-il préciser qu’une part importante de ces licenciements s’est faite dans le cadre de plans de volontariat, c’est-à-dire qu’il s’agit de personnes qui ont choisi de toucher un chèque et de quitter leur entreprise. Dans le même temps, il y avait plus de 120 000 fins de missions d’intérim et surtout plus de 200 000 autres cas, sans précision (parmi ces cas, les ruptures conventionnelles, normalement à l’initiative du salarié, représentent environ 25000 entrées à Pôle emploi par mois).
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