Une sénatrice EELV s’adresse au ministre de l’Education pour contourner en faveur de son fils les règles d’accès à un internat, basées sur des critères de revenus. Le site Atlantico publie la lettre et le Monde.fr reprend l’information, qui suscite de très nombreuses réactions pour la plupart indignées.
Alima Boumediene-Thiery est sénatrice de Paris depuis septembre 2004, après avoir été députée européenne entre 1999 et 2004, toujours pour les Verts. Issue de l’immigration et titulaire de nombreux diplômes (DEA de droit public international et d’économie et société, DEA de socio-économie du développement, Doctorat de socio économie, DESS de droit administratif et DESS de politiques publiques locales) elle a un passé de militante associative en faveur des femmes et des immigrées. Wikipédia la définit comme juriste internationale (ce qui est également sur sa fiche au Sénat) mais ne dit rien sur sa profession passée. Elle a été conseillère municipale à Argenteuil où elle est née et on peut supposer qu’elle y habite.
Sur son site, elle explique avoir adhéré aux Verts parce qu’elle était proche d’Alternative Rouge et Verte : elle se situe clairement à gauche du PS. On découvre aussi qu’elle souhaite se représenter en septembre, mais qu’elle risque de ne pas être bien placée, du fait de la nécessité de faire de la place à ceux qui viennent d’Europe Ecologie. Par ailleurs, les Verts ont perdu du terrain aux dernières municipales à Paris et sont donc en position de faiblesse par rapport au PS
Dans la lettre publiée par Atlantico, la sénatrice se plaint que la demande d’internat sollicitée pour son fils dans un collège parisien ait été refusée. Le Monde n’ayant pas donné de précision sur ce point, les lecteurs du Monde ont pensé qu’il s’agissait de classe préparatoire aux grandes écoles. Sur son site, on trouve une présentation où elle dit avoir un fils de 18 mois. Le document date d’un moment où elle est députée européenne, donc son fils a bien l’âge d’aller au collège.
Il est par contre étonnant qu’il demande une place d’internat. Le site de l’Education Nationale sur le sujet précise que « compte tenu de l'implantation géographique des collèges, seuls 0,3 % des élèves des établissements publics et 3 % des établissements privés sont internes » .On se demande alors pourquoi veut elle inscrire son fils dans un collège public à Paris. Est ce pour déroger à la carte scolaire et ne pas le mélanger avec les habitants d’Argenteuil, ce qui serait un autre scandale ? Il existe à Paris un « internat d’excellence », dans le cadre du plan banlieue, mais le site précise qu’il est réservé aux élèves boursiers
Donc, la sénatrice s’étant vu refuser une place d’internat pour son fils décide de s’adresser directement au ministre pour essayer de faire changer la décision. Et le fait sur lettre à en tête du Sénat, aspect à mon sens le plus scandaleux de l’histoire, mais qui n’est relevé par presque personne (au moins un commentateur sur le site du Monde en fait la remarque). Car son appartenance au Sénat doit elle être mise en avant pour une demande strictement personnelle ?
Bien que députée européenne pendant 5 ans puis sénatrice depuis 7 ans et membre de la commission des lois, Alima Boumediene-Thiery se vante d’ignorer la loi puisque dans son courrier elle se déclare « surprise d’apprendre que l’accès aux internats du service public relève de critères sociaux ». On se demande comment elle agissait dans sa vie de militante d’association !
Passons maintenant à ce qui est au cœur de la polémique : la manière dont la sénatrice justifie son recours. Elle explique en effet que malgré une rémunération « de l’ordre de 5000 euros », il ne lui reste qu’à peine 2000 euros par mois pour vivre avec son fils et sa maman à charge après avoir versé 1200 euros à son parti et 1500 euros pour son crédit immobilier.
Le site Atlantico note que le salaire d’un sénateur est de 5400 euros net par mois et que de plus il bénéficie de 6240 euros de frais de mandat non imposable, raisonnement que reprend peu ou prou le Monde, qui rappelle par ailleurs d’autres avantages dont bénéficient les sénateurs (voyages SNCF en 1er classe gratuits par exemple). Atlantico rappelle que le salaire médian est en France de l’ordre de 1500 euros mensuels, et comme la sénatrice souligne son risque de ne pas être réélue et donc de se retrouver sans revenu, le Monde note que dans ce cas, elle bénéficierait pendant 6 semestres d’une allocation dégressive.
Que l’argument des frais de mandat mis en avant par le site Atlantico soit repris sans sourciller par le Monde.fr en dit long sur la défiance qui s’est développée envers nos élus. Le Monde devrait savoir à quoi servent ses frais : rémunérer des collaborateurs et payer des locaux. Certes, un certain nombre d’élus rognent sur ces frais où embauchent leurs proches, mais rien ne prouve que ce soit le cas de cette sénatrice. Un petit tour sur son site nous montre le contraire puisqu’elle publie sa lettre de candidature au sein de son parti pour les futures sénatoriales et qu’elle y précise ses dépenses de représentation, avec un local de permanence dans le 18ème et 3 salariés à plein temps, tous militants EELV, deux pour sa permanence et un autre, juriste, pour son travail au Sénat.
Correction : comme le fait remarquer Protéos dans son commentaire; les salaires des 3 collaborateurs sont financés par un crédit mesnuel de 7 548.10 euros hors charges patronales qui vient en sus de l'indemnité représentative de frais de mandat, qui pourrait donc ici facilement couvrir les 1200 euros versé au parti EELV
Il reste que le fait que la sénatrice verse 1200 euros par mois à son parti ou 1500 euros pour un crédit immobilier est la conséquence de ses choix personnels : on ne voit pas comment cela impacterait une décision basée sur des critères de revenu. Et on remarquera que si elle est propriétaire, elle n’a donc pas à payer de loyer, ce qui compte beaucoup dans un budget !
Par contre, quand la sénatrice répond à la polémique en écrivant qu’elle a « saisi, comme l’aurait fait n’importe quel parent, le recteur de l’Académie ainsi que le Ministre de l’Education » et « qu’à aucun moment, je n’ai cherché, d’une manière ou d’une autre, à bénéficier d’une faveur personnelle », elle nous prend pour des imbéciles, nous qui ne faisons pas ce genre de courrier sur une lettre à en tête du Sénat et qui ne voyons pas ce qu'est sa demande sinon une demande de faveur personnelle.
Parmi les commentateurs du Monde, il en est un certain nombre qui se disent écoeurés du comportement de la sénatrice, en soulignant qu’ils sont électeurs de EELV et qu’ils attendent que ce parti condamne son élue. Ces réactions confirment ce que la primaire écologique avait montré : une partie des militants de ce courant sont très attachés à des notions de transparence, de démocratie et d’intégrité, jusqu’à en faire des éléments essentiels de leurs choix. Je pense que ces intentions très honorables les amènent malheureusement à adhérer à des analyses fausses.
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