Un président de la République qui se fend d’une lettre à tous les parlementaires, ce n’est pas dans les habitudes. Le prétexte est de les informer des décisions prises en Europe concernant l’euro et la Grèce, mais tout le monde y voit un lien avec la proposition de la droite d’inscrire la fin des déficits dans la constitution.
Que l’opération soit purement politicienne, les observateurs en sont généralement convaincus. Reste que le volume de notre dette risque de poser un jour de sérieux problèmes, que la crise grecque a fait apparaître en pleine lumière
La dette française dépasse aujourd’hui les 1600 milliards d’euros : une dégradation de la confiance des prêteurs et créanciers qui se traduirait par une augmentation de 1% des taux d’intérêts pratiqués pour notre pays coûterait donc à terme 16 milliards par an de surplus d’intérêts à verser, à comparer aux 40 milliards que rapporte l’impôt sur le revenu. Or ce n’est pas à coups de 1% d’augmentation que se mesure l’évolution des taux d’intérêts grecs, mais de dizaines de pour cent selon les périodes !
J’ai publié récemment une série (non encore terminée) d’articles sur la question des finances publiques, dont on trouvera un résumé et un article qui aborde plus précisément la question des déficits. J’ai écrit depuis longtemps qu’il n’est pas raisonnable d’avoir en moyenne des déficits. Cette position était aussi celle de l’ancienne UDF de F Bayrou, qui voulait l’inscrire dans la constitution, idée conservée aujourd’hui par le Modem et je pense le Nouveau Centre, ce qui peut expliquer que JL Borloo la pousse.
J’avoue ne pas être convaincu par le fait d’inscrire dans la constitution une telle règle, alors que les critères de Maastricht sont bafoués régulièrement. Les futurs gouvernement auront suffisamment d’imagination pour la contourner d’une manière ou d’une autre.
Nicolas Sarkozy et la droite sont ils crédibles sur le sujet, alors que le déficit explose depuis 3 ans, et que la loi Tepa ou la baisse de TVA sur la restauration ont contribué au niveau actuel du déficit ? En partie oui, parce que le gouvernement Fillon essaie de diminuer le déficit structurel, par la RGPP et la diminution du nombre de fonctionnaires, mais ce n’est pas le point le plus important en impact financier.
On peut reconnaître au gouvernement en place d’avoir pris les moyens pour que les mesures prises pour faire face à la crise financière, notamment le plan de relance, correspondent à des dépenses conjoncturelles (par exemple des investissements) et ne grèvent pas les déficits futurs. C’est un point majeur de son action dans ce domaine, l’autre point concernant ce qui a été fait sur les retraites, et pas seulement à travers le report de l’âge de départ.
La gauche de son coté avance que l’endettement s’est surtout creusé sous des gouvernements de droite, argument juste mais très discutable car il ne prend pas en compte les variations conjoncturelles. Elle peut plus légitimement mettre en avant l’action de J Delors à partir de 1983 ou celle de DSK comme ministre des finances. Par contre, sous Laurent Fabius le déficit structurel a augmenté, et c’est lui qui a commencé à réduire l’impôt sur le revenu.
F Hollande a taclé sa concurrente sur le sujet. Martine Aubry avait en effet très mal démarré sa campagne, en promettant d’augmenter le budget de la culture de 30 à 50% ! On se serait cru revenu aux grandes heures du Chirac en campagne promettant dans les Guignols de l’info de doubler les revenus de tous ceux qui attendaient une promesse !
Dans l’opposition, les socialistes ont considéré que le plan de relance n’était pas assez important et ils ont proposé d’augmenter les dépenses structurelles à cette occasion. Ils ont participé de plus ou moins près à la contestation de la réforme des retraites, et leurs troupes n’ont majoritairement pas bougé sur le sujet. Ségolène Royal s’est d’ailleurs permis de nier l’augmentation de l’espérance de vie…
On peut espérer qu’ils seront beaucoup plus raisonnables une fois revenu au pouvoir, au regard de leur attitude dans le passé. Mais eux non plus ne sont pas très crédibles, d’autant plus que leur aile gauche ne croit manifestement pas utile de réduire les déficits.
La vrai question n’est pas d’inscrire une soit disant règle d’or dans la Constitution, mais de convaincre les français du bien fondé de la maîtrise des finances publiques, par exemple en arrêtant de leur raconter que le déficit est toujours bon pour l’économie.
PS : j'ai modifié provisoirement la règle concernant les commentaires : ils ne seront publiés qu'après validation. Comme je pars en vacances, ils ne seront pas publiés avant mon retour...
Les commentaires récents