L’IRSN a publié le 23 mai un rapport sur la gestion radiologique des territoires contaminés autour de Fukushima. L’information a été reprise par la presse qui a notamment publié une carte des expositions qui montre une zone plus contaminée au Nord Ouest de la centrale, à l’intérieur et au delà des zones de 20 et 30 km délimitée jusque là.
La notion de zone contaminée est une construction intellectuelle. D’une certaine manière on pourrait dire que l’ensemble de la surface terrestre a probablement été contaminée, c'est-à-dire à reçu des substances échappées de la centrale japonaise. Mais les doses reçues ont généralement été infinitésimales.
Pour des raisons opérationnelles de traitement des situations de contamination, il faut donc d’une part dresser une carte des niveaux de contamination et définir les limites au delà desquelles des mesures particulières doivent être prises. Ce sont les sujets évoqués dans ce rapport.
L’IRSN rappelle avoir dressé une première carte le 8 avril, à partir de données mesurées par des engins aéroportées pour la « National Nuclear Security Administration (NNSA) » américaine et publiées sur le site du « US Department of Energy » le 7 avril 2011. Ce même département américain avait publié le 18 avril une carte basée sur ses données. Le ministère japonais en charge de la science et de la technologie a publié à son tour une carte le 26 avril, puis une nouvelle carte le 6 mai, reprenant des mesures faites entre le 6 et le 29 avril.
La date des mesures a de l’importance, puisqu’une partie importante de la radioactivité observée les premiers jours provient d’éléments à courte vie. Les hypothèses faites par l’IRSN sur la composition du mélange radio actif explique les différences entre sa première carte et celle publiée depuis par les japonais (l’IRSN a sur estimé certaines doses, peut être par prudence).
Le Japon a décidé d’évacuer les zones où la radioactivité se situe actuellement à un niveau correspondant à 20 millisievert par an, ce qui est la norme maximale admise pour les travailleurs du nucléaire. L’IRSN envisage une limite à 10 milli sievert, limite qui serait sa recommandation en France.
Ces valeurs se situent entre les 2.5 milli sievert par an, niveau moyen de la radioactivité naturelle(la moyenne couvrant des valeurs plus faibles et d’autres plus fortes, par exemple 3.5 dans les zones granitiques comme la Bratagne) et les 100 millisievert qui est le seuil en deça duquel la radio activité n’aurait pas d’effet.
Certains voudraient un niveau plus bas : le porte parole de l’IRSN réagit à la valeur de 1 millisievert proposé par certains parents d’élèves pour les écoles en notant qu’au regard de la radio activité naturelle, cette proposition n’est pas sérieuse.
Le débat n’est pas que théorique. Comme le fait remarquer le rapport de l’IRSN, il s’agit de savoir combien de dizaines de milliers de personnes seront évacuées (cette évacuation étant obligatoire) avec ce que cela représente non seulement comme coût, mais aussi comme contrainte psychologique et émotionnelle.
ce sont des centaines de milliers de personnes qui devraient être évacuées autour de centrales comme Fessenheim ou Gravelines dans le cas d'un accident semblable à celui de Fukushima (voir ici)
Le rapport précise que la radio activité est due à deux isotopes du Césium, le 134 et le 137, à peu près à égalité. Les médias ne reprennent pas cette précision et ils ont tort. Le césium 137 a une demi vie de 30 ans et le césium 134 de 2 ans. D’ici deux ans, la radio activité aura donc diminué d’un peu plus d’un quart, essentiellement du fait du césium 134. Ensuite, elle sera très lente à décroître.
De nombreux tableaux analyse l’évolution sur deux mois de la radioactivité de divers aliments. Il y a une diminution très forte, du fait de la présence les premiers jours d’éléments à courte vie. Les premiers jours, la radio activité a été nettement plus élevée que les doses mesurées aujourd’hui, sans atteindre pour autant des niveaux mettant la vie des habitants en danger à très court terme.
La précaution qui aurait méritée d’être prise est l’absorption d’iode stable, pour éviter que la thyroïde ne concentre l’iode 131, avec le risque de développer un cancer. Cela n’a pas été fait. Il faut dire que l’absorption doit avoir lieu le plus tôt possible pour être efficace, ce qui suppose quelle soit disponible et ne dépende pas d’une distribution et de décision de distribution toujours aléatoires. En France, les habitants des zones à proximité d’une centrale disposent normalement de telles pastilles d’iode stable, mais on peut se demander si les zones couvertes sont suffisantes. Il faut noter ici que la pollution constatée sur une zone d’environ 20 km sur 50 est due aux conditions météorologiques (neige et pluie) subies au moment des principales émissions d’éléments radio actifs.
On trouve aussi sur le site de l’IRSN un rapport fait au moment des 25 ans de Tchernobyl, qui comprend à propos de l’estimation du coût en vie humaine le paragraphe suivant :
De façon générale, la prédiction du nombre de décès imputables aux doses reçues est entachée de grandes incertitudes. Certains experts jugent que les doses sont sous-évaluées ; d’autres pensent que les populations sont incomplètes, les perdus de vue étant nombreux à cause des flux migratoires ; d’autres n’appliquent pas la relation linéaire sans seuil aux très faibles doses ; d’autres encore considèrent que les expositions sont de nature chronique et non aigue et donc que les coefficients de risque ne sont pas adaptés ; d’autres enfin estiment que le fait d’avoir été victime de l’accident de Tchernobyl est en soi suffisant pour être la cause des décès observés.
On comprend bien qu’avec le dernier type de « raisonnement » cité, on puisse arriver à des chiffres extravagants !
L’IRSN répond aussi à la CRIIRAD qui l’avait accusé d’avoir déclaré que le nuage de Fukushima est arrivé le 24 sur la France alors que des mesures datant du 22 montrent déjà des premières traces. L’IRSN explique qu’il y a une erreur d’interprétation : il ne s’agit pas de mesure prises le 22 uniquement mais de prise faites sur une dizaine de jours et initiée le 22. L’institut note que si le CRIIRAD lui avait posé la question il aurait pu avoir la réponse et note que cette association fait preuve d’une défiance de principe.
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