L’ex premier ministrable a donc annoncé officiellement son départ de l’UMP dans la perspective non encore décidé d’une candidature à la présidentielle. La presse retient de cet épisode l’impact négatif sur l’UMP et les chances de Sarkozy pour 2012, mais reste muette sur les perspectives pour l’éventuel candidat : quel objectif celui-ci peut il atteindre ?
En théorie, se porter candidat à une élection suppose un souhait de victoire. La réalité est bien différence, et il suffit de regarder les dernières présidentielles pour comprendre qu’il y a d’autres objectifs possibles, qui expliquent que certains se présentent sans espérer gagner. Un des objectifs peut être de monnayer son désistement ou son soutien au deuxième tour contre l’intégration de sujets dans le programme de l’autre candidat, ou même de soutien lors des législatives.
Par exemple, en 2007, François Bayrou aurait pu négocier avec Nicolas Sarkozy ou avec Ségolène Royal un soutien contre un certain nombre de ministères et la promesse de l’introduction d’une part de proportionnelle dans le mode de scrutin pour les législatives. Il aurait pu aussi prévoir que 80, 100, ou 120 lui soit réserver, c'est-à-dire que l’UMP ou le PS (selon le candidat soutenu) ne présente pas de candidats contre le MODEM dans ces circonscriptions.
D’autres objectifs peuvent consister pour des « petits » candidats à populariser soit leur formation, soit leurs idées.
Dans le cas de Jean Louis Borloo, on se trouve normalement dans le cas d’un parti qui veut participer au gouvernement, et qui est donc demandeur de places de ministres, de circonscriptions réservées et de prise en compte de parties de programme.
Ces résultats peuvent être obtenus par un bon score aux présidentielles, ce qui crée un rapport de force, mais aussi par une non présentation au premier tour ! Evidemment, le mieux serait encore de se retrouver au second tour et d’être élu.
L’examen de cette possibilité qui n’est pour l’instant évoquée nulle part et qui est donc extrêmement optimiste, permet de décrire ce qui peut se passer demain, d’examiner les conditions de réussite et d’énumérer les nombreux obstacles qui se présentent sur la route de l’ancien ministre.
En faisant pendant plusieurs mois de Jean Louis Borloo un premier ministre en puissance, le président de la République lui a offert une légitimité. En chassant sur les thèmes du Front National, il lui a offert un champ de différenciation, il lui a ouvert un espace politique.
La création de l’UMP répondait certes à des préoccupations électorales (il s’agissait de construire une machine à gagner les élections, ce qui a mieux marché pour les présidentielles que pour les autres élections), mais aussi à l’idée que les différences programmatiques entre le RPR et l’UDF était trop faibles pour être comprises par les électeurs, dont une partie importante appelait à l’union. Si Borloo prétend créer une alternative au PS et à l’UMP, il lui faudra construire un programme qui se différencie suffisamment de celui de l’UMP pour justifier cette prétention, et suffisamment proche pour garder la possibilité d’une alliance.
Depuis la création de l’UMP puis celle du Modem, les forces centristes au sein de la majorité sont atomisées, au sein ou à l’extérieur de l’UMP. Le rassemblement de ces forces est un impératif pour JL Borloo qui semble avoir réussi une première étape : le ralliement du Nouveau Centre à sa candidature
Ce n’était pas si évident : d’une part, entre les laïcards et francs maçons du parti radical et les démocrates chrétiens qui dominent le Nouveau Centre, il y a quelques différences, d’autre part, Hervé Morin se rêvait lui-même candidat. La présence de ce dernier sur le plateau de l’émission d’Arlette Chabot prouve qu’une solution été trouvée.
La deuxième étape se trouve dans les futurs sondages qui ne manqueront pas de tester demain la présence de JL Borloo au premier tour, en lieu et place de celle d’Hervé Morin. En janvier 2011, l’IFOP trouvait dans une enquête pour le journal Sud Ouest sur les intentions de vote pour 2012, 2% pour Hervé Morin, 6% pour Dominique de Villepin et 8% pour François Bayrou. En mars, sur le même sujet pour le nouvel observateur, la Sofres trouvait selon le candidat socialiste, 4 à 5% pour JL Borloo, 5 à 6% pour François Bayrou et 3.5 à 5.5% pour Dominique de Villepin
JL Borloo fait donc nettement mieux que H Morin, mais on a envie de dire que ce n’est pas un exploit. Il fait jeu égal dans le sondage ci-dessus avec f Bayrou et D De Villepin. Il lui faudrait les distancer pour paraître dans les médias et dans l’opinion comme le candidat naturel du centre
Il parait peu probable que ces trois personnalités soient toutes les 3 candidates en 2012, chacune empêchant les deux autres de percer dans l’opinion. Celui qui risque le plus d’être éliminé de la course est probablement Dominique de Villepin qui ne peut s’appuyer comme les deux autres sur un solide (bien que limité) réseau d’élus et de militants. Rappelons que pour être remboursé de ses frais, il faut 5% des suffrages exprimés. Les banques rechigneront à prêter à un candidat risquant de ne pas passer la barre et qui n’a pas les ressources propres qu’ont les partis comptant des élus.
Mais que deviendront les voix qui se portent sur Dominique de Villepin si celui-ci ne se présente pas ? D’après l’IFOP, elles proviennent pour beaucoup d’anciens électeurs de François Bayrou, il est donc peu probable qu’elle se reportent sur Nicolas Sarkozy en cas de désistement de l’ancien premier ministre.
Mais cette situation ne se décantera sans doute pas avant l’automne. Dici là, il s’agira d’occuper le terrain et les médias, ce qui sera probablement plus facile pour JL Borloo qui peut compter d’abord sur un congrès du parti radical déjà prévu, puis sur celui d’une fédération des centres à construire.
Pour vraiment faire décoller la candidature Borloo, il faudrait une réaction positive des électeurs et des ralliements d’anciens centristes de l’UMP, ceux-ci étant sans doute la conséquence de celle là. Pour l’instant, aucun indice ne va dans ce sens, malgré la situation du président de la république dans les sondages ;
Les forces dont dispose aujourd’hui JL Borloo sont maigres et peu militantes : l’UDF a toujours plus été un parti de notables que le RPR. Et ce sont les plus anciens des militants qui sont restés au nouveau centre quand l’UDF s’est transformé en MODEM.
Il faut cependant noter ici que si Hervé Morin a beaucoup des défauts d’un apparatchik, ce qui n’en faisait pas un candidat plausible, il en a certaines qualités, en particulier d’organisateur. Il est probable que François Bayrou n’ait pas perdu que des députés avec la création du Nouveau Centre : si le Modem a échoué, c’est peut être que les militants les plus efficaces pour organiser un parti ou mener une campagne électorale n’avaient pas suivi.
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